Gestion de la performance: placer l’humain au centre
Steven Kakon
Publié mardi 10 septembre 2024
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#Productivité La compétition sur le marché a pour corollaire de porter les entreprises vers une politique toujours plus active de gestion de la performance.
La performance fait référence à la qualité du service ou du travail effectué par l’employé au sein de l’organisation, et la sémantique apporte un éclairage supplémentaire sur la signification de ce terme, dont le sens varie d’une langue à l’autre. «En anglais, to perform signifie simplement faire son travail. En français, le mot performance évoque l'idée d'exploit, de dépassement ou de prouesse sportive», explique Yves Emery, professeur honoraire à l’Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne, cité dans le journal Les Réformés de juillet-août.
C’est parce que la performance au travail a des conséquences sur la productivité et donc sur la santé économique des entreprises que ces dernières s’en soucient. Au moins deux modèles dont les résultats tendent à être diamétralement opposés peuvent être observés dans les entreprises, selon Olivier Dubuisson, cofondateur de Rythmik, un cabinet genevois de conseil spécialisé dans la transformation des organisations en Suisse et à l’international, et intervenant au salon The Future of Work and Learning à Palexpo tenu en juin. Certaines entreprises ont tendance à orienter les employés sur la haute performance, d’autres misent plutôt sur la peak performance. Dans le premier cas, il s’agit de «pousser davantage pour une productivité maximum de façon constante». Or, le niveau de productivité – qui est l’un des facteurs de la performance – est davantage variable que linéaire. Trop pousser la productivité comporte des risques pour la santé des employés (épuisement professionnel, arrêts maladie qui peuvent mettre l’entreprise en difficulté) et peut les mener à ressentir une perte de sens vis-à-vis de leur activité professionnelle. Les dirigeants, eux, sont également insatisfaits, les résultats n’étant pas ceux attendus.
Le concept de peak performance propose des moments d’intensité suivis de périodes de récupération. Selon Olivier Dubuisson, qui a dirigé la transformation des façons de travailler chez Novartis pendant les années post-pandémie, cette pratique a des effets positifs: salariés et dirigeants sont satisfaits d’une culture favorisant l’équilibre entre innovation et exécution opérationnelle. Les espaces de détente dans les entreprises seraient un indice de climat favorable à cette politique de la performance. «Si elles sont utilisées, c’est qu’il s’agit d’entreprises qui permettent la récupération», note l’orateur.
Trop «quantitatif»
Comment améliorer la performance? Plusieurs outils existent, comme le bonus. Ils tendent cependant à «valoriser la compétition au prix, bien souvent, de grandes frustrations», résume Les Réformés. L’entretien individuel, au cours duquel la hiérarchie évalue le travail des collaborateurs sur l’année écoulée et fixe de nouveaux objectifs pour les années à venir, en est un autre. Mais ce rituel est de nature trop «quantitative» pour le politologue David Giauque: «En principe, l'évaluation des collaborateurs devrait s'effectuer sur la base de plusieurs critères. On devrait prendre en compte les compétences sociales, techniques et relationnelles, mais, en réalité, on mesure beaucoup plus le quantitatif - quantité de choses, de services ou de produits réalisés - que la qualité, parce qu’elle est plus difficile à mesurer et à évaluer», analyse Yves Emery. «C’est ce qui explique sans doute largement la perte de sens que peut ressentir un certain nombre de salariés.»
Construire une culture de la performance
Les spécialistes en ressources humaines parlent d’une même voix: les outils de gestion orientés sur la productivité peuvent éroder l’engagement. Pour éviter cela, construire une culture de la performance prend toute son importance: il s’agit de lier la performance au travail avec les valeurs individuelles, de développer les talents et de motiver l’organisation autour d’un objectif global auquel se rattacher. «Lorsque l’on s’intéresse aux gens et à leur façon de travailler, on voit qu’ils sont responsables, qu’ils vont au-delà des ordres de la hiérarchie», affirme Olivier Dubuisson.
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