#Imposition des dividendes L’initiative "Contre le virus des inégalités… Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires" menace les PME genevoises.
Rappelons une évidence en remarque liminaire: la raison qui permet à une entreprise de distribuer des dividendes, c’est la réalisation de bénéfices. Ceux-ci sont révélateurs non seulement d’une stratégie commerciale et financière gagnante, mais bien souvent également de conditions cadre politiques et juridiques favorables pour son développement. Autrement dit, un territoire soucieux des intérêts, des contraintes et des problématiques propres aux acteurs économiques et industriels qui l’habitent encourage la croissance et la bonne santé de ces derniers en proposant, par exemple, des infrastructures routières fonctionnelles, des services publics sûrs et adaptés, ainsi qu’une fiscalité prévisible et des lois stables dans le temps et justes dans leur fonctionnement.
Cette profitable recette demeure toutefois efficace uniquement grâce à un fragile équilibre qui s’exprime dans la confiance entre toutes les parties prenantes, entreprises, personnel politique, associations professionnelles et partenaires sociaux. Essayez de changer la donne d’une façon un peu trop brutale, tentez de mettre en place une nouvelle politique mue par quelque vision dogmatique et démagogique du monde et tout s’écroulera, la belle mécanique s’enrayera. Voilà le principal risque qui pèse sur l’économie genevoise dans le cadre de la votation du 12 mars prochain, au cours de laquelle le peuple devra répondre à la question suivante: acceptez-vous l'initiative populaire 179 (IN 179)?
Payer deux fois un impôt sur une même source de revenus
Que propose ce texte? Ni plus ni moins que l’introduction dans la politique d’imposition des entreprises d’un nouveau déséquilibre problématique et aux conséquences économiques délétères. L’IN 179 est née avec l’ambition de «supprimer un privilège choquant» en s’attaquant à l’imposition réduite des dividendes, donc des parts de bénéfice attribuées à chaque actionnaire d’une société.
Mais cette imposition réduite a une raison: celle de corriger le poids fiscal excessif porté par les entreprises – les PME en premier lieu – touchées par une double imposition affectant directement leur capacité d’investissement et de développement. La double imposition?
Elle concerne non seulement les dividendes, mais également, en amont, les bénéfices réalisés par les sociétés. Ainsi, pour résumer à grands traits, on peut dire que les actionnaires gérants d’entreprises paient deux fois un impôt sur une même source de revenus. Pour tenir compte de cette charge fiscale élevée pesant en particulier sur les PME organisées sous forme de société de capitaux (SA, Sàrl), le législateur fédéral, comme tous les législateurs cantonaux, a prévu que le dividende provenant d'une participation de 10% et plus («participation qualifiée») devait être imposé de façon réduite.
Cette volonté du législateur trouve aussi sa source dans le désir de trouver un niveau d’imposition comparable des bénéfices des entreprises, indépendamment de leur forme juridique (raison individuelle, SA, Sàrl). Depuis le 1er janvier 2020, et à la suite de la troisième réforme de l’imposition des entreprises (réforme fiscale et financement de l’AVS – RFFA), l’imposition réduite prévue par le législateur se traduit par un abattement du dividende de 30% (fortune privée).
L'IN 179 propose de supprimer cette réduction de l'imposition des dividendes, avec des conséquences désastreuses à prévoir, non seulement pour les entreprises, mais aussi pour tout le tissu économique et social genevois.
Des chefs d’entreprise pourraient quitter le canton
«Voilà encore une «genevoiserie»! Nous sommes déjà le canton fiscalement le moins attractif du pays et cela va empirer si l’IN 179 est acceptée», prévient Alexandre de Senarclens, député du Parti libéral-radical (PLR) au Grand Conseil de Genève. Lui et plusieurs personnalités politiques et représentants du monde économique – dont la FER Genève – ont choisi de communiquer ensemble il y a quelques semaines pour alerter les citoyens face aux dangers de l’IN 179 et appeler à son nécessaire rejet lors de la votation de mars prochain.
Pour Anne Hiltpold, secrétaire générale adjointe de la Chambre genevoise immobilière (CGI), il existe un risque réel de voir des chefs d’entreprise décider de quitter le canton en raison des charges fiscales trop lourdes que l’on constate sur ce territoire. Le témoignage d’Isabelle Harsch, CEO de la société genevoise de déménagement Henri Harsch HH SA, va dans ce sens quand elle explique que le nouvel impôt – «L’IN 179 correspond bien à un nouvel impôt!» –, s’il est voté, entraînera de lourdes conséquences sur la répartition et l’importance des taxes qu’elle et son entreprise devront assumer. Plus grave: Isabelle Harsch souligne que l’IN 179 attaque le cœur même des principes de l’entrepreneuriat: «Il ne faudrait pas que le fait de réaliser des bénéfices devienne rédhibitoire».
«On ajoutera un nouvel impôt sur les entreprises»
Administrateur de Tanner Conseil SA, expert fiscal diplômé et membre du Comité directeur de la FER Genève, Stéphane Tanner explique quelques enjeux de la prochaine votation concernant l'initiative populaire 179.
Quel est le véritable enjeu du vote, en mars prochain, relatif à l’IN 179?
Au-delà des questions de pure fiscalité, l’IN 179 remet surtout en cause l’équilibre d’imposition entre les entreprises: le total des impôts des SA et des Sàrl deviendra en effet bien plus lourd que celui des indépendants. Cette initiative introduit une augmentation de l’imposition des bénéfices qui va contribuer à fragiliser les PME genevoises – des PME familiales très souvent – soumises à une étouffante double imposition constituant pour elles un frein à leur développement et à leur capacité d’investissement et d’innovation.
L’IN 179 souhaite introduire ce nouvel impôt sur les entreprises pour, en reprenant les mots du comité d’initiative, «aider les victimes du covid et financer les services publics et les prestations sociales»: que répondre à cette argumentation?
L’IN 179 correspond surtout à un moyen de pénaliser les PME genevoises dont les dirigeantes et les dirigeants se sont pourtant battus pendant la crise sanitaire pour maintenir les emplois. Voilà une très étrange façon de les remercier!
Quel impact risque d’avoir l’IN 179 sur les entreprises et, à un niveau plus global, sur l’économie du canton de Genève?
On va ajouter un nouvel impôt sur les entreprises dans un canton qui se place déjà en tête des territoires les plus taxés de Suisse. Il faut relever que l'entrepreneur genevois dont l'entreprise est organisée sous forme de personne morale est déjà lourdement frappé, et bien plus qu’ailleurs en Suisse, par l'impôt sur la fortune prélevé sur son outil de travail.
L’IN 179 correspond alors à un signal supplémentaire très négatif pour les acteurs économiques et les investisseurs. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique néfaste pour le canton qui dure depuis des années: le niveau de la fiscalité à Genève devient un danger pour son avenir. De nombreux entrepreneurs sont de plus en plus tentés de déménager, en Suisse, pour s’installer dans des lieux moins fiscalement hostiles.
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