Importer du soleil et du vent sous forme de méthane

Lynn Offshore Windfarm: les parcs éoliens Lynn et Inner Dowsing sont situés en mer du Nord.
Lynn Offshore Windfarm: les parcs éoliens Lynn et Inner Dowsing sont situés en mer du Nord. Mat Fascione
Pierre Cormon
Publié vendredi 02 février 2024
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#Méthane vert Fabriquer de l’hydrogène vert là où c’est bon marché, puis le transformer en méthane pour le transporter dans les infrastructures du gaz naturel, tel est le projet de Tree Energy Solutions (TES).

Tree Energy Solutions (TES) a été fondée à Bruxelles en 2019 et compte des poids lourds dans ses investisseurs et partenaires, comme la banque HSBC ou les distributeurs d’énergie E.ON, Engie et Tokyo Gas. Elle compte approvisionner des clients en méthane vert jusqu’en Suisse, pour des usages aussi variés que le chauffage ou l’industrie chimique.

L’idée est de créer un circuit fermé. De l’électricité renouvelable sera utilisée pour produire de l’hydrogène par électrolyse en divers points du globe. Cet hydrogène sera transformé en méthane synthétique en le combinant avec du CO21. Le méthane synthétique sera exporté et amené jusqu’aux clients finaux grâce aux infrastructures gazières existantes (navires méthaniers, terminaux portuaires et gazoducs). Ces clients le brûleront pour produire de l’énergie, ce qui dégagera du CO2 en quantité équivalente de celui qui a été utilisé pour fabriquer le méthane. Ce CO2 sera capté et exporté jusqu’au lieu de production de l’hydrogène. Là, il sera utilisé pour produire du méthane. La boucle sera ainsi bouclée.

Avantages

La formule a plusieurs avantages, selon TES. D’abord, le coût. On utilisera de l’électricité renouvelable dans des régions où elle est jusqu’à dix fois moins chère qu’en Europe. Comme le courant vert y sera produit de manière beaucoup plus constante, les équipements, et notamment les électrolyseurs, seront amortis plus rapidement. La fiabilité, ensuite: la formule repose sur des technologies éprouvées. «Fabriquer du méthane à partir de l’hydrogène est une vieille méthode, qui a valu le prix Nobel à son inventeur, Paul Sabatier, en 1912» note Jens Schmidt, directeur technique de TES.

L’infrastructure de transport, en troisième lieu: comme on profitera de celle du gaz naturel, on n’aura pas besoin d’en construire une nouvelle au prix d’investissements conséquents et d’une utilisation massive de matière et d’énergie. Cela permettra également au méthane vert d’être disponible rapidement, dans tous les endroits desservis par un réseau de gaz, alors que la Confédération ne prévoit pas le raccordement de la Suisse à un réseau d’hydrogénoducs avant 2035.

Optimisation

L’optimisation de l’utilisation des ressources naturelles, en quatrième lieu. Puisque l’extraction et le raffinage de métaux liés au photovoltaïque et au solaire cause des dégâts environnementaux et pourrait se heurter à des goulets d’étranglement, mieux vaut maximiser la quantité d’électricité produite par les installations en les localisant là où elles produisent le plus.

La facilité d’usage, enfin: les clients pourront utiliser le méthane vert dans les installations à gaz qu’ils possèdent déjà, sans avoir à les remplacer, ni même à les adapter. «Cela leur permettra de faire la transition graduellement», remarque Baptiste Légeret, en charge du Business development de TES pour la Suisse. «Ils pourront utiliser d’abord 5% de méthane vert dans leur gaz, puis augmenter progressivement.»

Où le méthane sera-t-il produit? «Nous nous sommes d’abord focalisés sur le Moyen Orient et le Texas, où le gouvernement accorde des subventions très intéressantes aux projets de ce type», répond Jens Schmidt. «Nous avons ensuite étendu la réflexion à d’autres régions: l’Australie, riche en soleil et en vent, le Canada, pour son hydroélectricité.»

Quant au CO2, il pourra être transporté par camion, train et bateau dans un premier temps, avant de passer dans le réseau de pipelines que l’Union européenne prévoit de construire à cet effet.

Parité

Le coût, évidemment, sera un facteur clé. «Nous visons la parité avec le prix du gaz dans les cinq à dix ans, en incluant le prix que les utilisateurs de gaz naturel paient pour leurs émissions de CO2», affirme Jens Schmidt.

L’année 2024 sera consacrée à des études de terrain et les décisions d’investir seront prises en 2025. Si tout se passe bien, le méthane vert de TES pourrait être disponible dès 2027, y compris en Suisse. L’objectif: produire 15 TWh de méthane vert en 2030 (soit environ la moitié de la consommation de gaz naturel de la Suisse). Pour 2035, l’objectif est de parvenir à 75 TWh (soit environ deux fois et demie la consommation suisse, mais seulement 2% de celle de l’UE). «Pour la Suisse, c’est donc beaucoup, mais pas pour l’Europe», remarque Baptiste Légeret. «Il faudra d’autres projets comme le nôtre.»

1 CO2 + 4 H2 a CH4 (méthane) + 2 H2O (eau)

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