Intégration des Ukrainiens: Berne refait la même erreur
Pierre Cormon Publié vendredi 02 décembre 2022
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La Suisse a longtemps cantonné les personnes issues de l’asile dans un rôle d’assistés, et notamment les admis provisoires, des personnes ne pouvant pas être refoulées au vu de la situation dans leur pays d’origine. Considérant qu’ils n’étaient là que temporairement, on ne s’est guère donné les moyens de les intégrer. Ce faisant, on les a laissés à la charge des collectivités publiques, alors que l’expérience montre qu’ils restent généralement en Suisse à long terme.
La Confédération a changé son fusil d’épaule en 2018. Elle s’est dotée d’un agenda d’intégration et, surtout, a dégagé les moyens financiers pour le mettre en œuvre. Elle met à disposition dix-huit mille francs par personne issue de l’asile pour financer des mesures d’intégration (cours de langue, formations, etc.). Il s’agit d’un investissement: si l’on intégre la personne sur le marché du travail, on économise plusieurs dizaines de milliers de francs d’aide sociale, année après année. C’est aussi beaucoup plus valorisant pour ces personnes, généralement très motivées (lire en page 12). Cela fonctionne: depuis que le canton de Genève met en œuvre ces mesures, le nombre d’admis provisoires s’intégrant sur le marché du travail a doublé, passant de 14% à presque 28%. Des employeurs ayant engagés des personnes issues de l’asile sont enthousiasmés.
La leçon ne semble pas avoir été retenue pour les Ukrainiens. Comme les admis provisoires dans un premier temps, on se dit qu’ils ne sont là que pour une période limitée et qu’il ne sert à rien de consacrer trop de moyens à les intégrer. La Confédération ne verse que trois mille francs par personne dans ce but, renouvelables en 2023, ce qui ne suffit généralement qu’à payer des cours de langue pendant quelques mois. Même si certaines parviennent s’intégrer sur le marché du travail, on ne fait sans doute qu’effleurer le potentiel.
Or, on voit mal comment la situation s’arrangerait brusquement en Ukraine. Quel que soit le régime sous lequel on les accueille, la plupart des personnes qui ont fui la guerre sont probablement là pour longtemps. On a donc tout intérêt à ce qu’elles gagnent leur vie plutôt que d’émarger à l’aide sociale. Si elles finissent par rentrer, cela leur aura permis de tisser des liens avec la Suisse, qui stimuleront les échanges entre les deux pays. Il faudrait pour cela se donner les moyens de les intégrer. De nombreux employeurs n’attendent que cela, de nombreux Ukrainiens sans doute aussi.
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