#AIG Le plus ancien aéroport du pays investit pour répondre aux questions des nuisances sonores et environnementales.
Jean-Christophe Piot Avec 16,5 millions de passagers en 2023 (+17%) et une amélioration de 15,7% de son chiffre d’affaires (489,6 millions de francs), tous les signaux sont au vert à Genève Aéroport. Il manque certes 1,4 million de visiteurs pour retrouver le niveau de 2019, l’année de tous les records, mais l’aéroport couvre à nouveau les cent quarante-huit destinations long-courriers qu’il proposait avant la pandémie.
«Ce regain d’activité renvoie à celui des principales compagnies qui opèrent à Cointrin», relève Thomas Straub, professeur associé de management international à la faculté d’économie et de management de l’Université de Genève. Et notamment celle d’EasyJet, premier opérateur sur le site avec 46,4% des parts de marché, loin devant Swiss (12,2%), British Airways (4,9%) et Air France (3,8%). Bilan des courses: dans le ciel européen, le poids de l’aéroport est sensiblement équivalent à celui de Bucarest, capitale roumaine dix fois plus peuplée que Genève.
Ce redressement est une bonne nouvelle pour le commerce et l’économie de la ville et bien au-delà, insiste le directeur de l’aéroport André Schneider. «Nous couvrons une zone de chalandise de 6,5 millions de personnes pour une valeur ajoutée qui dépasse quatre milliards de francs par an. Notre impact se fait sentir dans toute la région et jusqu’en France, d’où viennent 30% de nos passagers.» Avec trente-trois mille emplois directs et indirects, le poids des activités aéroportuaires est significatif pour un site qui accueille à lui seul deux cents entreprises et onze mille salariés. Avec 66 358 tonnes de marchandises prises en charge en 2023, Genève se classe loin derrière Zurich (378 000 tonnes en 2023) en matière de fret, mais le site n’en reste pas moins essentiel en Suisse romande. «Des secteurs comme l’horlogerie, le luxe, l’industrie biopharmaceutique ou la chimie fine ont besoin de bénéficier d’un traitement logistique pointu», explique Thomas Straub.
Pour l’État de Genève aussi, le retour de l’activité est une excellente nouvelle: selon les termes de la convention d’objectifs qui le lie à l’aéroport, 50% des bénéfices réalisés tombent dans ses caisses, soit 44,3 millions de francs en 2023.
Limites structurelles
L’aéroport – le deuxième de Suisse, derrière Zurich, mais devant Bâle – reste néanmoins bloqué par des limites structurelles. La première tient à sa localisation, qui ne peut guère être étendue. «Barcelone, Lyon ou Paris peuvent trouver de nouveaux terrains. Ce n’est pas le cas à Genève, l’aéroport est coincé entre l’autoroute d’un côté et la frontière française de l’autre», explique le professeur d’économie.
Construit en 1920, le site de Cointrin a vu la ville se rapprocher progressivement. L’aéroport, qui compte une seule piste, n’a aucune chance d’en compter une deuxième. «On ne s’agrandira pas», concède André Schneider. «Mais cela ne nous empêche pas de pouvoir répondre à une augmentation de fréquentation, qui ne devrait cependant pas dépasser 1% par an ces prochaines décennies.» Une hypothèse volontairement modeste, qui tient à la fois compte de l’impossibilité de multiplier les vols tout en tablant sur des progrès marginaux, dont un meilleur taux de remplissage ou des avions capables d’emmener davantage de passagers. Pour tenir cette perspective, le site peut compter sur l’attrait de la Genève internationale. La proximité de la ville limite certes les perspectives en termes d’emprise, mais elle est aussi un atout, considère André Schneider: «Le terminal est à sept minutes du centre-ville, un record en Europe».
L’aéroport s’est lancé dans un vaste programme de modernisation. Inauguré en 1968, le terminal principal actuel doit évoluer pour répondre à la densification du trafic et au renforcement des exigences de sécurité. Baptisé CAP2030, le projet prévoit la création d’un futur bâtiment de verre destiné à remplacer les infrastructures actuelles. Confiés au consortium international Losinger-Marazzi-Bouygues, les travaux devraient commencer en 2026 avec l’inauguration d’une première tranche en 2032. Programmée côté autoroute, cette extension de quarante mille mètres carrés abritera à terme l’enregistrement et les contrôles de sécurité, mais aussi une partie de l’arrivée des bagages, ainsi qu’un pôle d’échanges mobilité bus, train, voiture, vélo et avion.
Limiter les nuisances
Estimé à six cents millions de francs, l’investissement répond à un second objectif crucial dans le secteur aérien: la gestion de l’empreinte environnementale et des nuisances. «Tous les nouveaux bâtiments produisent déjà plus d’énergie qu’ils n’en consomment», explique André Schneider. «L’objectif est d’atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2037.» Entre 2012 et 2019, les émissions directes du site ont déjà baissé d’environ deux mille tonnes.
Du côté des nuisances sonores, l’aéroport joue sur plusieurs tableaux. «Nous nous sommes engagés à réduire les volumes sonores de 20% d’ici à 2030.» Première mesure: la réduction drastique des décollages et des atterrissages après 22 heures, réservés à quelques vols transcontinentaux. Pour éviter des retards trop récurrents, l’aéroport généralisera en 2025 le système de quotas qu’il teste aujourd’hui: au-delà d’un certain seuil, les compagnies qui multiplient les écarts devront s’acquitter d’une amende prohibitive.
À côté du bâton, l’aéroport sait aussi jouer de la carotte, en incitant financièrement les opérateurs aériens à orienter vers Genève des appareils aux moteurs plus silencieux – une réduction du nombre de décibels qui peut atteindre 40% au décollage et à l’atterrissage et qui va de pair avec une réduction de 15% de la consommation de kérosène. «En 2023, 32,5% des mouvements se sont fait grâce à ce type d’avion», assure André Schneider. En vingt ans, 4184 logements des environs ont également été isolés grâce au programme de 60,84 millions de francs déployé par l’aéroport. C’est en revanche un nouveau directeur qui sera chargé d’appliquer la feuille de route établie par Genève Aéroport et ses parties prenantes. Après huit ans aux commandes, André Schneider prendra sa retraite cet été pour céder sa place à Gilles Rufenacht, auparavant directeur de la Clinique des Grangettes.
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