#Zones agricoles La préservation des zones agricoles dans le canton de Genève est une nécessité particulièrement aiguë.
Les manifestations de la colère paysanne, qui ont eu lieu un peu partout en Europe en début d’année, se sont faites plus discrètes à l’arrivée du printemps. Et pour cause. Les paysannes et les paysans ont repris leurs nombreuses activités saisonnières, auxquelles il faut ajouter la gestion de l’épisode de gel survenu en avril. Septante cultures fruitières et viticoles ont subi des dégâts déclarés auprès de Suisse Grêle, la société suisse d’assurance. «Environ 85% des exploitations assurées contre le gel à Genève et 40% en Valais ont déclaré un sinistre», a résumé Gaylor Monnerat, responsable du marché national auprès de Suisse Grêle, ce qui représente une surface de plus de sept cents hectares.
Un agenda bien rempli
Particulièrement sensible au changement climatique, le secteur agricole subit de plein fouet une conjoncture peu favorable et un cumul d’événements les touchant en particulier. L’année dernière a été marquée par la sécheresse, des températures élevées, la hausse des prix de l’énergie et un contexte international instable qui menacent leur approvisionnement en fournitures.
C’est à cette époque, il y a environ un an, que Patricia Bidaux1 a pris la présidence de la faîtière de la branche, AgriGenève.
Ayant auparavant fait ses classes auprès de structures associatives, toujours liées à son domaine d’activité, Patricia Bidaux a pu rapidement définir une stratégie en fixant ses priorités.
Elle souligne l’importance de prendre en considération les bonnes pratiques agricoles dans une approche holistique. «Quand on touche au vivant, cela a un impact sur toute la chaîne de qualité», résume-t-elle.
La question des coûts
Ces dernières années, diverses initiatives ont été mises en place pour soutenir l’activité agricole locale, telles que des aides ponctuelles pour donner suite à la sécheresse, des marchés fermiers locaux ou des partenariats avec des entreprises et des restaurants pour promouvoir les produits locaux, comme la marque de garantie Genève Région-Terre Avenir. Cela permet d’atténuer en partie les désavantages auxquels sont confrontés les agriculteurs genevois et de soutenir la viabilité de leur métier. Toutefois, Patricia Bidaux se montre lucide quant à certaines de ces démarches.
Mécanismes d’aide exigeants
Elle considère par exemple qu’un mécanisme comme celui des aides directes de la Confédération comporte des défauts et des risques.
Dans les années 1990, il a été mis en place pour répondre aux changements politiques mondiaux. Pour soutenir les exportations suisses des secteurs secondaire et tertiaire, la première politique agricole a été mise en œuvre telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le système d’aide directe impose toutefois ses conditions. Certaines, comme le respect des normes environnementales et la qualité des produits, font l’unanimité. Les surfaces pour la biodiversité sont aussi un moyen de prouver l’engagement des paysannes et des paysans dans leur lien avec la nature. Aujourd’hui, grâce à l’agriculture de conservation, c’est la captation de CO2 que les agriculteurs offrent à la population, notamment avec les projets Résulterre2 et AgroImpact3. Le monde agricole voit cependant les terres en production de biens alimentaires diminuer, ce qui a des conséquences sur le taux d’auto- approvisionnement. D’autre part, le suivi de la production se fait via une administration numérique qui devient très lourde et sans échanges d’informations entre les diverses plateformes. Par exemple, une légère modification de date de semis en raison de la météo engendre des sanctions financières. «Je ne connais aucun agriculteur qui n’a pas envie de vivre uniquement de la vente de ses produits, et non des paiements directs. Toutefois, ce n’est plus possible. On a rendu l’agriculture dépendante des votes du parlement fédéral, via le budget en faveur de la production locale de biens alimentaires», résume-t-elle.
La diversification et la communication
Dans le canton de Genève, la pression foncière, les réglementations environnementales strictes et les coûts élevés des intrants pèsent lourdement sur les milieux agricoles. Pourtant, Patricia Bidaux rappelle qu’il est de l’intérêt public de maintenir une production locale diversifiée de biens alimentaires, seule garante d’une autonomie. Cet objectif est crucial en regard des risques liés aux importations: celles-ci ne correspondent pas aux normes suisses environnementales et sociales.
Au cœur de l’exploitation familiale à Troinex, Patricia Bidaux accueille visiteurs et curieux à La Maison Forte, un lieu de vente directe également ouvert aux événements conviviaux où, avec la nouvelle génération, elle entend mieux faire connaître les activités viticoles, bovines et aviaires de la ferme. Le domaine, situé aux portes de la ville, est confronté de manière très directe aux multiples défis de la branche, mais il permet aussi de cultiver un lien étroit avec les communes environnantes et leur population.
Il y a quelques années, la famille Bidaux, qui prend ses décisions de concert, a décidé de développer ses activités de service, telles que le compostage en bord de champs, des déchets de jardin pour les services communaux et aux particuliers ou la vente de bois raméal fragmenté, un mélange non composté de résidus de broyage de rameau de bois. «Quant à nos bovins et volailles, ils fournissent du fumier à toute une économie locale de jardinage et de permaculture. C’est la seule manière de limiter les importations d’intrants, qu’ils soient chimiques ou biologiques», rappelle Patricia Bidaux.
1 En plus de la présidence d’Agrigenève, Patricia Bidaux préside la commission technique de Genève Région-Terre Avenir et est membre invitée de la commission consultative pour l'agriculture. Elle est également députée au Grand Conseil. Elle a présidé l'Union des paysannes et femmes rurales genevoises pendant huit ans et l'association MA-Terre de 2019 à 2022.
2 Résulterre est un projet de l’HEPIA. Son objectif est de mettre en place avec et pour les agriculteurs un pilotage pour améliorer la qualité des sols cultivés, s’adapter au changement climatique et séquestrer du CO2.
3 Une association qui groupe des scientifiques, des agriculteurs, des représentants d’organisations non gouvernementales, des professionnels de l’industrie agro-alimentaire et des décideurs politiques, pour un avenir agricole équilibré.
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