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L'échec à l'honneur

Mirel Bran De Bucarest Publié vendredi 29 septembre 2023

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I love failure (J'aime l'échec) est une idée simple qui aspire à une portée mondiale. Cette conférence atypique, qualifiée de «la plus grande conférence sur l'échec dans le monde», aura lieu en Roumanie les 23 et 24 octobre. Elle sera dirigée par un groupe de jeunes entrepreneurs qui souhaitent faire de l'authenticité le moteur d’une nouvelle start-up. La première édition de cette conférence peu conventionnelle se tiendra à l'Opéra national de Bucarest et sera axée sur l'éducation à travers les leçons tirées de l'échec (ilovefailure.world). L'objectif des jeunes Roumains qui l’organisent est de suivre l'exemple des conférences américaines TED et d'exporter la philosophie de l'échec aux quatre coins du monde.

La recette est simple: au lieu de glorifier le succès, les intervenants sont encouragés à parler de leur vulnérabilité en public et à partager les leçons qu'ils en ont tirées. L'objectif de cette introspection collective est de réduire la peur de l'échec dans un pays où les erreurs ne sont pas du tout agréées. «Depuis notre plus jeune âge, nous sommes punis pour chaque faute, d'abord par la famille, puis par l'école, puis par notre employeur», explique Catalin Mester, initiateur du projet. Nous ne pouvons pas évoluer si nous ne sommes pas prêts à explorer de nouvelles voies et à apprendre par l'erreur. L'échec avoué par autrui nous inspire et permet de créer des liens.» Cette idée a été exprimée de façon poétique au siècle XIIIème siècle par le poète soufi Rumi. «La blessure est l'endroit par lequel la lumière entre en vous», a-t-il écrit.

Cette idée a été reprise dans des études récentes en neurosciences, qui associent la vulnérabilité à la résilience et au leadership. «La vulnérabilité est le berceau de l'amour, de l'appartenance, de la joie, du courage, de l'empathie, de la responsabilité et de l'authenticité», a écrit Brené Brown, chercheuse en sciences humaines et sociales à l'Université de Houston. Si nous voulons une plus grande clarté dans nos objectifs ou une vie spirituelle plus profonde, la vulnérabilité est le chemin pour y parvenir.»

Le succès peut être aliénant, réservé à quelques-uns, alors que l'échec est un grand égalisateur démocratique. Nous avons tous connu l'échec à un moment ou à un autre de notre vie. Le succès peut susciter l'envie alors que l'échec éveille l'empathie. «Nous ne pouvons évoluer qu'en tirant des leçons de nos échecs», affirme Catalin Mester. «Cela s'applique aussi aux entreprises, qui doivent créer un environnement où les employés peuvent explorer de nouvelles voies sans craindre d'être punis pour leurs erreurs. En 2024, une conférence intitulée I love failure Innovation sera organisée, axée sur le leadership en entreprise, et le projet sera proposé sur le marché américain. J’espère que nous aurons à nos côté Brené Brown et des personnalités de son calibre.»

À une époque où la réussite est vantée, l'échec attire l'attention. Dans le monde numérique actuel, nous sommes submergés par les promesses de réussite instantanée et d'accès rapide à tout, que ce soit l'argent, le bonheur ou la spiritualité. Le succès n'est plus le fruit d'un travail acharné, mais le mot magique qui est censé ouvrir toutes les portes. L'événement I love failure Education se présente comme une bouffée d'authenticité dans un monde obsédé par les apparences. Une trentaine de conférenciers monteront sur la scène de l'Opéra national de Bucarest pour parler des échecs qui les ont menés vers le succès.

Les jeunes entrepreneurs qui ont conçu ce projet atypique et disruptif ont commencé sans ressources financières, mais leur énergie a convaincu près de trois cents entreprises de les suivre dans cette aventure. Catalin Mester, le fondateur du projet, a connu la vie des sans-abris et l’échec a été son quotidien jusqu’au moment où il a décidé d’en faire une start-up. Pour lui, l'avenir est synonyme d’audace et de leçons tirées de multiples échecs. Mais cette fois, l’échec est à l’honneur.