L’élargissement de l’autoroute augmentera la sécurité

Moreno Volpi, membre de la direction du TCS Suisse.
Moreno Volpi, membre de la direction du TCS Suisse.
Flavia Giovannelli
Publié lundi 04 novembre 2024
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#Votations du 24 novembre Moreno Volpi, membre de la direction du TCS Suisse, s’engage activement dans la campagne. Entretien.

Le TCS a mandaté une étude auprès de l’EPFL: quel était son objectif?

Le TCS a sollicité le bureau CSD ingénieurs, présent dans toute la Suisse, pour évaluer les arguments des opposants de manière neutre et indépendante. Micaël Tille, spécialiste de la circulation et chargé de cours à l’EPFL, y montre que l’élargissement autoroutier n’entraînera pas de trafic induit, mais permettra au contraire d’absorber le trafic du réseau secondaire. L’étude insiste aussi sur une amélioration considérable de la sécurité, avec des bénéfices directs pour les piétons et les cyclistes dans les localités avoisinantes, mais aussi sur l’autoroute, qui est de loin le type de route le plus sûr.

Que répondez-vous à ceux qui estiment cette étude orientée?

Cette critique gratuite manque de fondement pour contester cette étude. Concernant la sécurité routière, les chiffres sont indiscutables et le Bureau de prévention des accidents aboutit aux mêmes conclusions. En outre, les opposants qui brandissent le spectre du trafic induit s’appuient principalement sur une étude concernant Los Angeles. Les défis d’une telle mégalopole sont incomparables avec ceux de la région lémanique. Ici, le projet porte sur un court tronçon d’autoroute, dans un contexte où le trafic a augmenté de 137% depuis 1990, sans aucune adaptation de la capacité.

On prédit que l’autoroute sera malgré tout saturée d’ici à dix ans. Qu’en pensez-vous?

Les opposants se fondent sur des chiffres de 2015, mais l’Office fédéral du développement territorial a réévalué ces données en 2022, sensiblement à la baisse. De plus, ils ne tiennent pas compte des progrès technologiques, comme la conduite automatisée de niveau 3, qui sera autorisée en Suisse d’ici à deux mois, réduisant le phénomène de l’accordéon et les risques d’accidents. Le projet prend aussi en compte la possibilité d’utiliser la troisième voie pour le covoiturage et le transport collectif, à la demande du canton de Genève.

L’étude montre que les accidents sont moins nombreux et moins graves sur les autoroutes que sur le réseau secondaire. Pouvez-vous en dire plus?

Les autoroutes sont conçues pour minimiser les risques grâce à une circulation unidirectionnelle et des séparations centrales. Les routes secondaires sont au contraire semées d’obstacles, d’intersections et accueillent d’autres usagers vulnérables comme les piétons et les cyclistes, y compris les enfants.

Depuis 2008, l’expansion des autoroutes semble avoir été très limitée, avec seulement dix-sept kilomètres supplémentaires construits en Suisse. Confirmez-vous cela?

Oui. Seuls de petits tronçons ont été achevés depuis 2008. Or, le trafic automobile a plus que doublé sur l’ensemble des routes suisses. On remarque donc qu’il n’y a pas de corrélation entre le volume du trafic et l’augmentation des infrastructures autoroutières. Le projet soumis à votation n’induira donc pas de trafic supplémentaire, mais améliorera sa fluidité et, ainsi, la sécurité des infrastructures.

En cas de refus dans les cantons de Vaud et de Genève, les priorités de la Confédération risquent-elles de se déplacer?

Le fonds FORTA (pour les routes nationales et le trafic d’agglomération - ndlr) créé en 2017, vise à entretenir les routes et à éliminer les goulets d’étranglement. C’est en se fondant sur ce principe que la Confédération a sélectionné le tronçon entre Nyon et Le Vengeron, l’un des points les plus critiques de l’ensemble du réseau. Un refus serait mal perçu à Berne et pourrait remettre en cause de futurs investissements en Suisse romande. Voulons-nous vraiment renoncer à ce milliard offert par Berne?

Quelles seront les mesures d’accompagnement environnementales?

Des installations pour le traitement des eaux usées sont prévues sur les six tronçons. Les cours d’eau environnants seront renaturés et des passages à faune ajoutés, sur et sous l’autoroute. Près de 20% des quatre mille trois cents hectares de surfaces vertes aux abords de l’autoroute seront transformés en zones de biodiversité. Ailleurs, des parois anti-bruit seront recouvertes de panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité. Pour le seul tronçon Nyon – Le Vengeron, quatre-vingts millions de francs seront alloués à des mesures environnementales, dont le traitement des eaux de ruissellement, le déplacement d’un viaduc pour protéger les batraciens, la construction d’une passerelle dédiée à la mobilité douce à Coppet et des murs anti-bruit. Aucune de ces mesures ne verra pas le jour en cas de non le 24 novembre prochain.


Enjeux concrets pour l’approvisionnement de Genève 

Andrea Genecand, président de la section genevoise de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG).

La sécurité de l’approvisionnement en Suisse et à Genève est-elle menacée par le rejet du projet?

Oui! Septante pour cent du trafic de marchandises emprunte l’autoroute. Or, Genève est située au bout du réseau routier national, ne dispose pas d’un contournement autoroutier par l’est et n’a pas de desserte sur la rive gauche pour les trains de marchandises. La Confédération considère que le transport et la logistique sont des services vitaux, au même titre que le trafic des paiements, le transport, la distribution et le stockage d’énergie et de biens ainsi que l’information et la communication. Or, les entreprises de transport doivent faire face à un engorgement chronique, voire à une paralysie du trafic à certaines heures de la journée, engendrant stress et épuisement physique pour nos collaborateurs.

Y a-t-il urgence?

L’urgence est réelle pour préserver les infrastructures. Il faut notamment être en mesure de répondre aux besoins de la population, dont les demandes de biens augmentent avec la croissance de la population. La démographie est prévisible, elle croît d’environ 1% par an. L’A1 lémanique est-elle le point chaud du réseau? Clairement, car à moins de figer la situation, les besoins et le trafic augmenteront. Les infrastructures ferroviaires sont aussi saturées et ne pourront pas supporter un report du trafic de marchandises.

Comprenez-vous le souci de protéger l’environnement?

Notre secteur est bien informé des objectifs de la loi climat: nous devons arriver à zéro émission en 2050. L’ASTAG s’est engagée à fournir tous les efforts dans ce sens. Cependant, notre secteur doit pouvoir trouver les financements nécessaires au renouvellement de flottes, qui exige des moyens financiers élevés. Le prix d’un camion électrique est pour le moment bien plus cher que celui d’un camion diesel.

Recourir à la voie de secours en cas de fort trafic plutôt que de construire de nouvelles voies: une solution?

Les études montrent qu’une telle option ne permettrait pas d’absorber tout le trafic. De plus, la bande d’arrêt d’urgence existe pour des raisons sécuritaires évidentes et l’on ne peut pas considérer cette solution comme pérenne.  


«Une politique qui ne doit pas punir»

Mauro Poggia, conseiller national.

Cette votation est-elle une perche à saisir de la part de la Confédération?

Je suis bien placé, en tant qu’élu à Berne, pour constater que la Confédération ne place pas toujours la Suisse romande au premier plan. Ici, on nous offre une opportunité à ne pas manquer. Si nous refusons ce financement, le signal envoyé serait mauvais. L’argent affecté à ce projet ne pourrait pas être redirigé ailleurs.

Que pensez-vous du débat actuel autour de cet objet?

Je regrette qu’il soit souvent polarisé par les clivages entre la gauche et la droite, alors qu’il s’agit de bien plus que cela. En politique, on use souvent des leviers de répulsion ou d’attraction. Or, dans le cas présent, les opposants choisissent de jouer sur la répulsion, en faisant miroiter l’idée que nous devrions simplement laisser les embouteillages persister pour inciter à changer de moyen de mobilité. Mais la réalité, c’est que la voiture est nécessaire pour de nombreux usagers de la route. Dans le cas présent, il s’agit de trouver un équilibre. Ce projet n’est pas une glorification de la route, mais une réponse lucide aux besoins actuels. La tentation de laisser les embouteillages se créer, espérant pousser les gens vers le rail, est trop simpliste.

Une voie supplémentaire créera-t-elle des besoins?

Nous ne créons pas de besoins, nous répondons à une demande réelle. Elle découle de l’évolution démographique et des besoins de mobilité de la population. L’idée que l’offre crée la demande est un mythe. Ce qu’il faut surtout, c’est que la Suisse romande envoie un signal clair à la Confédération: nous souffrons de l’état actuel des choses!


Une sécurité à regagner dans les communes riveraines

Lucie Kunz, syndique de Founex et porte-parole des communes de Terre Sainte, et Mylène Schopfer Sandoz, conseillère administrative de Bellevue.

Lucie Kunz et Mylène Schopfer Sandoz soutiennent le projet.  
«L’A1 n’a pas été conçue pour supporter un tel volume de trafic. Dès qu’elle est saturée, les communes riveraines subissent un report massif de véhicules, y compris des camions, avec les risques que cela comporte pour les habitants. Je peux savoir s’il y a eu un accident sans même écouter la radio, en observant les flux qui se détournent sur les routes secondaires», relève Lucie Kunz. Elle souligne les enjeux de sécurité, notamment l’accès à la caserne de pompiers de Founex, qui dessert les huit communes de Terre Sainte. «En cas d’embouteillage, les secours pourraient être retardés.» Elle ajoute que des initiatives locales en faveur de la mobilité douce, telles que des bus gratuits pour les jeunes ou les vélos mis à disposition dans les écoles, sont compromises par les risques d’accidents causés par cette surcharge routière. 
Bellevue, commune située entre la bretelle venant de France et l’échangeur du Vengeron, est particulièrement affectée par les engorgements, notamment en cas d’accidents ou de travaux sur l’autoroute, souligne Mylène Schopfer Sandoz. «La commune de Bellevue subit des nuisances comme la pollution, le bruit et les dangers accrus pour les habitants» précise-t-elle. Elle espère que le projet régulera les flux de circulation. «A Zurich, l’élargissement de l’autoroute de contournement a permis de diminuer le trafic motorisé dans les localités.» Avec l’arrivée prochaine de plus de deux mille collaborateurs au siège mondial de Lombard Odier, elle insiste sur la nécessité de répondre à l’évolution démographique. «La qualité de vie et la sécurité des habitants concernés sont des enjeux primordiaux.» 

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