L’espoir en suspension

Peut-on encore se fonder sur les prévisions?
Peut-on encore se fonder sur les prévisions?
Maurice Satineau
Publié mercredi 01 novembre 2023
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#Economie L’activité économique est suspendue à des prévisions conjoncturelles techniquement sophistiquées et finalement très fragiles.

«L’économie mondiale continue à récupérer de la pandémie et de la guerre en Ukraine. La croissance reste faible en comparaison historique. Nous observons également des divergences grandissantes», explique le chef économiste du Fonds monétaire international Pierre-Olivier Gourinchas. Les experts relèvent un double mouvement, avec un ralentissement général de l’activité et une différenciation marquée selon les zones économiques. Ainsi la confiance des ménages et des entreprises semble plus réduite en Europe qu’aux Etats-Unis, bien que ceux-ci marquent le pas. La hausse des taux de la Banque fédérale américaine produit des effets moins rapides que celle de la Banque centrale européenne. De ce côté-ci de l’Atlantique, l’investissement, l’immobilier et la consommation coûtent déjà assez cher, sans grande compensation.

«Les tensions géopolitiques restent fortes, la conjoncture est fragile dans la zone euro, le principal partenaire commercial de la Suisse, tandis que le risque que le ralentissement de l’économie chinoise soit plus prononcé que prévu existe. En outre, s’il ne s’est pas concrétisé l’hiver dernier, le risque de pénurie d’énergie reste présent pour cet hiver», analyse la Commission Conjoncture vaudoise dans sa note datée du 11 octobre. Dans l’Union européenne, les carburants souffrent encore de volumes de raffinage insuffisants, ce qui maintient un prix relativement élevé à la pompe. La récente baisse du gaz est encourageante, mais on observe une certaine volatilité sur la facture du gaz liquide. Les bonnes récoltes de céréales modèrent la poussée des prix alimentaires.

Activité normale?

«Après la pandémie, la guerre, l’inflation, qu’est-ce qu’une activité normale?» Cheffe économiste à la direction du trésor (Paris), Dorothée Rouzet ose poser la question. La zone euro s’efforce de «déceler de nouveaux signes de modération de la pression inflationniste». Elle est de moins en moins homogène, avec une Allemagne toujours sous tension énergétique et tributaire du commerce mondial, l’Italie et l’Espagne qui tablent sur l’appui du programme européen de relance dont les versements sont un peu en retard, et la France dont les aides généreuses à la consommation ne règlent pas les problèmes structurels.

Comment regarder

Avec l’accumulation de facteurs incertains, les enquêtes conjoncturelles se trouvent à un tournant de leur existence pratique. Qu’elles se basent sur des opinions d’acteurs économiques ou sur des statistiques et des projections macroécomiques, la violence des chocs fait qu’elles offrent une visibilité limitée. Personne ne sait quand les objectifs d’inflation fixés par les banques centrales seront effectivement atteints, ni quand et comment les conflits en Ukraine et au Proche-Orient seront réglés. L’ampleur et les conséquences des événements sont plus difficiles à mesurer. Evoquer une situation économique par rapport à l’avant-pandémie ou à une moyenne de plus long terme n’évite pas que les erreurs de prévision se transforment en déceptions, désormais étiquetées «aléas de croissance» ou «découplage entre les enquêtes et les agrégats macro».

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