L’hydrogène vert, couteau suisse de la transition énergétique
Pierre Cormon
Publié samedi 03 février 2024
Lien copié
#Hydrogène vert On peut utiliser l'hydrogène pour produire de l’électricité, de la chaleur, du méthane, des hydrocarbures synthétiques, stocker du courant, faire tourner un moteur à combustion, etc. De nombreux projets veulent exploiter ses propriétés.
L’hydrogène? «C’est le couteau suisse de l’énergie», image Patrick Sudan, CEO de l’entreprise Gruyère Hydrogen Power. On peut l’utiliser pour stocker de l’électricité, faire tourner un moteur à combustion, le transformer en carburant vert, en méthane (la molécule du gaz naturel) ou en méthanol liquide (le plus simple des alcools, très utilisé par l’industrie chimique). Cette polyvalence pourrait lui donner un rôle majeur dans la transition énergétique.
L’hydrogène se trouve très rarement à l’état pur. Il faut l’isoler, ce qui nécessite beaucoup d’énergie – environ 2,5% de la consommation mondiale y a été consacrée en 2021. Il s’agit le plus souvent d’énergies fossiles (on parle alors d’hydrogène gris).
Pour jouer un rôle dans le tournant énergétique, l’hydrogène doit être produit par électrolyse de l’eau1, avec de l’électricité renouvelable (on l’appelle alors hydrogène vert, même s’il s’agit exactement de la même substance). Cette électricité, d’autre part, doit être bon marché, car elle constitue une part substantielle des coûts de production. Où trouver du courant vert à bas prix? Deux approches se détachent. L’une mise sur les régions où le soleil et le vent sont disponibles en abondance: Sud de l’Europe, Moyen Orient, Mer du Nord, Patagonie, etc. C’est notamment celle de l’entreprise TES. L’autre veut utiliser les surplus d’électricité des installations photovoltaïques ou des éoliennes locales – c’est notamment le cas du Réseau H2 et de la Coalition for Green Energy and Storage. L’hydrogène est délicat à transporter et difficile à stocker en grande quantité. «Il fuit facilement, car il est constitué de la plus petite molécule de la nature, laquelle passe dans des tout petits trous – notamment les microfissures des tuyaux – avec une aisance déconcertante», écrit l’expert en décarbonation Jean-Marc Jancovici.
Or, dans l’atmosphère, il renforce l’effet de serre – précisément ce que l’on cherche à éviter en l’employant. Il peut donc être judicieux de le fixer dans des substances plus maniables.
Parmi les candidats, le méthane, le méthanol, les hydrocarbures verts ou l’ammoniaque. Ces substances ont l’avantage de pouvoir être transportées et utilisées dans les infrastructures existantes. On s’épargne ainsi un changement de système, toujours difficile et coûteux.
Le rôle de l’hydrogène vert dans la transition énergétique pourrait cependant se heurter à des goulets d’étranglement. La seule conversion de l’hydrogène gris utilisé pour la production d’acier et d’ammoniaque (utilisé notamment dans les engrais) requerrait une capacité de production électrique équivalente à 18% de la production électrique mondiale de 2021, a calculé le chercheur multidisciplinaire Vaclav Smil. Or, le manque d’investissement minier risque de retarder le déploiement de l’éolien et du photovoltaïque.
Projets suisses
En Suisse, une multitude de projets entend tirer parti des propriétés de l’hydrogène vert. Les applications vont de la propulsion de poids lourds à la production de chaleur industrielle, en passant par le stockage de l’électricité d’une saison à l’autre. Les acteurs lémaniques de la branche se sont fédérés au sein du réseau H2, lancé en novembre dernier à l’initiative de la fondation Nomads. Le réseau s’est donné pour tâches de déterminer quelle pourrait être la place de l’hydrogène vert dans la Suisse de demain et de soutenir l’écosystème en train de se créer autour de cette substance en Suisse romande. Pour ce faire, il étudie les besoins futurs, ainsi que les ressources.
«Nous sommes en train de quantifier les capacités à produire localement de l’hydrogène bas carbone à partir de sources alternatives, comme les déchets, l’énergie solaire, les excédents d’électricité photovoltaïque, etc.», explique Sébastien Fabre, codirecteur de Nomads en charge de l’énergie et de la mobilité. Impact Le réseau étudie également la meilleure manière de distribuer et de stocker l’hydrogène vert, ainsi que l’impact que son usage pourrait avoir sur les émissions de CO2 et sur l’emploi. Cela permettra de déterminer quelles formations seront nécessaires à l’avenir.
«Nous nous efforçons de prendre en compte un maximum de tendances, analyses et perturbations éventuelles du marché afin d’évaluer au mieux les différents scénarios possibles», explique Sébastien Fabre. Cinq projets sont accompagnés par la fondation Nomads, dans le cadre du réseau H2. Parmi eux, GOH!, le premier camion quarante tonnes à hydrogène au monde.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.