L'industrie genevoise à moitié soulagée

Pierre-Alexandre Prévost, secrétaire patronal de l’Union industrielle genevoise.
Pierre-Alexandre Prévost, secrétaire patronal de l’Union industrielle genevoise. Photo FER Genève
Pierre Cormon
Publié lundi 01 décembre 2025
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#Surtaxes douanières La déclaration d'intention de la Suisse et des Etats-Unis soulage l'industrie genevoise mais ne règle qu'une partie des problèmes, estime son association patronale.

Les surtaxes applicables aux exportations industrielles suisses passeront de 39% à 15%: c'est ce qui est prévu dans la déclaration d'intention publiée le 14 novembre par la Suisse et les Etats-Unis. Ils s'ajoutent aux droits existants, qui varient selon les cas. La réaction de Pierre-Alexandre Prévost, secrétaire patronal de l'Union industrielle genevoise.

Quel effet les surtaxes douanières étasuniennes ont-elles eu sur l'industrie genevoise?
Un effet très variable selon les entreprises. Certaines ne sont pas du tout touchées. D'autres le sont indirectement par les répercussions des surtaxes sur le contexte international. Une PME genevoise peut voir augmenter le coût de ses composants si elle s'approvisionne auprès d'un fournisseur suisse qui, lui, voit ses clients ou fournisseurs frappés par les tarifs américains et répercute ces surcoûts. Des entreprises, enfin, réalisent de 5% à 60% de leur chiffre d'affaires aux Etats-Unis et sont très directement touchées, à au moins deux niveaux.
La surtaxe de 39%, respectivement de 15%, bien sûr, alors que les droits de douane étaient auparavant de quelques pourcents. La complexité administrative, ensuite. Une expédition qui se faisait en un jour demande maintenant une à plusieurs semaines, car le calcul des droits de douane est devenu très compliqué. Des surtaxes spécifiques s'appliquent au cuivre, à l'acier et à l'aluminium et il faut déterminer si chaque composant entre dans cette catégorie. C'est un travail très fastidieux: les produits exportés sont complexes et peuvent comporter plusieurs centaines de composants.

Comment la déclaration d'intention entre la Suisse et les Etats-Unis a-t-elle été accueillie?
Avec un mélange de soulagement et de vigilance. Le soulagement vient de la baisse des surtaxes: même si elle n'équivaut pas à un retour à la situation antérieure, une surtaxe de 15% nous met au même niveau que l'Union européenne et vaut mieux qu'une surtaxe de 39%. La vigilance vient du fait que de nombreuses incertitudes demeurent. La déclaration est une bonne base, mais elle laisse énormément de questions ouvertes. On ne sait pas encore précisément comment les autres aspects de la déclaration vont être concrétisés. L'incertitude et la complexité administrative que j'évoquais demeurent, ainsi que la force du franc par rapport au dollar et la conjoncture internationale morose.

Que faire?
La Suisse a besoin d'une vision stratégique à long terme, qui fait aujourd'hui défaut. L’innovation, la formation et l’apprentissage sont des piliers fondamentaux de la compétitivité et de la résilience de nos PME. Aujourd’hui, plusieurs signaux montrent que ces domaines sont sous pression budgétaire, d’où la nécessité de continuer à les soutenir et surtout d’en accélérer le développement. Nous devons travailler ensemble, privé et public, comme l'ont montré les entrepreneurs qui ont joué un rôle majeur dans la préparation de la déclaration d'intention, en bonne entente avec le Conseil fédéral. L'innovation doit être encouragée par les outils fiscaux existants, mais aussi en simplifiant l'accès à ces mécanismes, qui restent complexes pour les PME. Nous devons maintenir nos relations étroites avec l'Union européenne, avec le troisième paquet d'accords bilatéraux. Et nous devons continuer à diversifier la destination de nos exportations, en accompagnant les PME sur de nouveaux marchés.

Le mot de la fin?
L'industrie est une composante importante de notre économie, non seulement par sa contribution directe, mais aussi parce qu'elle fait travailler d'autres entreprises et emploie des dizaines de milliers de personnes. Si elle souffre, c'est tout le canton qui souffrira. Mais je suis optimiste: nous avons déjà traversé plusieurs crises, en misant sur nos forces: l'innovation et la formation. Nous pourrons surmonter celle-ci aussi, même si elle est particulièrement préoccupante, si nous tirons tous à la même corde.

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