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La durabilité et ses enjeux pour la gouvernance des entreprises

Valentina Gizzi Publié jeudi 02 novembre 2023

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Au cours des dernières années, le cadre législatif en Suisse (Code des obligations, art. 964 a, b) et en Europe (CSDR) a connu des évolutions majeures, imposant aux grandes entreprises l’obligation de publier des rapports non financiers. Ces rapports portent sur les indicateurs et les stratégies adoptées en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Outre- Atlantique, en mars 2022, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a publié des règles rendant obligatoire la publication de certaines données liées à l’environnement pour les entreprises cotées en bourse. La chaîne de valeur de manière générale est également mise en cause. Même si certains fournisseurs des grandes sociétés ne sont pas légalement tenus de publier un rapport, ils sont néanmoins tenus de fournir des informations clé à leurs clients.

La durabilité, l’ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et la RSE ne sont pas de simples expressions à la mode, mais des critères essentiels pour les entreprises. Ce n’est pas un hasard si la révision du Code suisse de bonnes pratiques de gouvernance d’economiesuisse, publiée en février 2023, intègre la durabilité de manière étendue et souligne l’importance du dialogue avec les parties prenantes.

La question cruciale pour les sociétés et les administrateurs est de comprendre le mode d’emploi. Le prérequis consiste d’abord à se former à ces nouvelles exigences. Des organisations telles que Swiss Leaders, les Chambres de commerce et les associations patronales des différents cantons romands proposent des programmes de mise à niveau. Des initiatives comme le Swiss Triple Impact mis en place par B-LAB Switzerland peuvent accompagner les sociétés dans cette transition.

Les administrateurs ne doivent pas nécessairement être des experts RSE, mais ils doivent comprendre les enjeux pour prendre des décisions éclairées sur la manière d’aborder ce processus et pour établir les priorités. Une des étapes essentielles est la compréhension de la «double matérialité» – une analyse identifiant les impacts les plus importants pour les parties prenantes et établissant des priorités basées sur ces analyses. Souvent, les PME suisses disposent déjà de valeurs ancrées et de processus établis, ce qui représente un bon point de départ. Une approche pragmatique dans le reporting consiste à se conformer aux normes internationales reconnues en matière de durabilité, telles que les objectifs de développement durable des Nations unies ou au Global Reporting Initiative, qui proposent également un cadre structuré pour évaluer les impacts ESG d’une organisation. Ces normes offrent un cadre solide pour évaluer et améliorer les performances environnementales, sociales et de gouvernance d’une entreprise. Les administrateurs jouent un rôle central dans ce processus. Ils doivent superviser la mise en œuvre de politiques et de procédures robustes en matière de durabilité, veiller à ce que l’entreprise respecte ses engagements envers l’environnement et la société. Leur tâche ne se limite pas à la conformité. Ils doivent également guider l’entreprise vers des pratiques plus durables et responsables. En les adoptant, les entreprises peuvent bénéficier d’une meilleure visibilité sur le marché et de gains concurrentiels. Le gate keeper chez les clients n’est plus le responsable des achats, mais le chief sustainability officer. Les nouvelles dispositions sur la RSE ont instauré un devoir de diligence accru pour les entreprises et leur conseil d’administration. En Europe, nous avons été témoins du premier litige ESG impliquant Shell. Aux États-Unis, un actionnaire minoritaire d’EXXON, détenant à peine 0,02% des parts, a réussi à former une coalition avec d’autres actionnaires, mettant en lumière les lacunes en matière de durabilité de l’entreprise et à obtenir deux sièges au conseil d’administration.

Tous ces exemples mettent en évidence le besoin urgent pour les entreprises et leurs administrateurs de comprendre les enjeux de la RSE et de pouvoir les intégrer dans la stratégie, assurant ainsi la pérennité de leurs sociétés. La surveillance accrue de la part des investisseurs, des clients et des employés a transformé ces questions en un impératif professionnel pour toute entreprise qui souhaite réussir dans le marché actuel.

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