La mobilité, nouvel enjeu de la formation professionnelle

Depuis 2017, l’agence nationale Movetia, basée à Berne, souhaite encourager et faciliter la mobilité des apprentis.
Depuis 2017, l’agence nationale Movetia, basée à Berne, souhaite encourager et faciliter la mobilité des apprentis.
Grégory Tesnier
Publié mardi 24 octobre 2023
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#Mobilité des apprentis Les programmes qui favorisent les échanges des apprentis se multiplient en Suisse romande. Ils répondent à une nécessité dans un monde globalisé et multiculturel.

«Le fait de partir pendant ma formation professionnelle a été très positif, car mon objectif est de devenir cheffe d’entreprise et vivre une expérience hors de mon canton m’apprend déjà à construire et à conduire ma vie.» Le témoignage de Yasmine, future créatrice de vêtement, montre les avantages de la mobilité pour des apprentis désireux non seulement de progresser dans la maîtrise d’une nouvelle langue, mais encore d’apprendre à s’adapter à d’autres cultures et à d’autres pratiques professionnelles.

Depuis 2017, l’agence nationale Movetia, basée à Berne, souhaite encourager et faciliter toutes les démarches qui vont dans ce sens. «Nous sommes chargés de mettre en œuvre à court, à moyen et à long termes une stratégie nationale pour la mobilité. L’ouverture d’esprit, les soft skills, l’employabilité et les capacités d’adaptation encouragées par les échanges et la mobilité représentent en effet des atouts pour toute l’économie suisse. Notre objectif nous a été donné par la Confédération et les cantons, dont nous dépendons: chaque jeune, au cours de son parcours de formation, devrait au moins une fois participer à un programme d’échange ou de mobilité. Nous n’avons pas encore atteint ce score, mais nous progressons constamment», explique Olivier Tschopp, directeur de l’agence Movetia. Les programmes de mobilité à destination des étudiants universitaires sont en général les plus connus et les plus utilisés, mais les initiatives en faveur de la mobilité des apprentis se multiplient. Un mot d’ordre semble se détacher quand on interroge les acteurs de la formation professionnelle: cette dernière ne doit plus être le parent pauvre des actions publiques en faveur des séjours à l’étranger ou en Suisse offerts aux jeunes gens en apprentissage. Les chiffres, même approximatifs, montrent que les efforts doivent se poursuivre: seuls 2% des apprentis participent aujourd’hui à un programme d’échange, contre 15% à 16% des étudiants universitaires. «L’Autriche parvient à envoyer trois à quatre fois plus d’apprentis que la Suisse dans des programmes d’échange et cela peut servir d’indicateur pour mesurer la marge de progression que nous possédons», souligne Olivier Tschopp.

Sensibilisation et financement

L’agence Movetia ne s’occupe pas directement de l’organisation des stages: elle favorise en revanche la promotion nationale des pratiques de mobilité et offre des financements. Concernant ce dernier point, elle travaille avec des partenaires présents dans les cantons – institutions publiques ou groupes professionnels: ce sont eux les véritables interlocuteurs des apprentis désireux de vivre une aventure dans une autre région. «Nous offrons un appui financier à nos partenaires qui mettent en place les programmes d’échange. Notre financement permet de couvrir une partie des frais de voyage, des frais administratifs et des frais d’hébergement», précise Olivier Tschopp. Les mobilités encouragées par Movetia se dirigent vers l’international, mais aussi vers le territoire national. Il est toutefois moins aisé de convaincre de jeunes Suisses romands de partir trois semaines à Zurich, plutôt que trois semaines ailleurs en Europe. Et pourtant, les compétences linguistiques en allemand et en suisse allemand, ainsi que la connaissance de la Suisse alémanique, agissent comme de véritables atouts sur le marché de l’emploi.

Arto, en formation à Genève pour devenir gestionnaire dans le commerce de détail, a travaillé à Zurich pendant six mois. Interrogé à la suite de cette expérience, il a pu témoigner des résultats positifs qu’il a accumulés. «C’est une réelle occasion d’apprendre une autre langue. C’est important dans le domaine de la vente. Je me suis aussi adapté à des situations très différentes: j’ai appris à ne pas hésiter à poser des questions pour comprendre et pour agir au mieux selon les besoins.» Urs Burger, président de la commission de formation de l’Union professionnelle suisse de l’automobile - section Genève et en charge du programme cantonal Mobilauto, est lui aussi convaincu des atouts apportés par un séjour en Suisse alémanique ou au Tessin. Et pour cause: il joue un rôle clé dans la recherche de places de stages qui permettent aux apprentis de la filière mécanique automobile de réaliser un séjour de trois semaines en Suisse alémanique ou au Tessin dans des garages partenaires (lire l’encadré ci-dessous). «Il s’agit de susciter l’envie de poursuivre, après la fin de la formation et l’obtention du certificat fédéral de capacité (CFC), l’expérience de la mobilité et de partir cette fois pour six mois ou un an.»

Entre 50 et 100 jeunes apprentis concernés à Genève

Natacha Juda est directrice du Conseil interprofessionnel pour la formation (CIF) au sein de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) à Genève et en charge du développement de la mobilité des apprentis. Elle travaille en étroite collaboration avec Catherine Sonino, responsable du service Echanges linguistiques & mobilités (EL&M) du département de l’instruction publique (DIP). Dans leurs fonctions, elles sont les interlocutrices de l’agence Movetia à Genève. Ce sont elles qui peuvent relayer sur le territoire cantonal l’impulsion en faveur de la mobilité des apprentis voulue par l’institution dirigée par Olivier Tschopp et également souhaitée par le DIP. «Nous soutenons les initiatives encourageant la mobilité, qui peuvent venir des centres de formation professionnelle ou des associations professionnelles. Nous aidons à monter les projets, soutenons les apprentis avant leur départ et les conseillons tout au long du processus d’échange.»

Quelles sont les professions qui, actuellement à Genève, proposent des programmes de mobilité aux apprentis? «Plusieurs initiatives existent dans notre canton et elles s’adressent à des jeunes présents dans différentes formations menant à plusieurs CFC: CFC d’employé de commerce, de fleuriste, de graphiste et de polydesigner, de mécanicien en maintenance d’automobiles et de mécatronicien d’automobiles. Entre cinquante et cent jeunes apprentis partent en mobilité chaque année.» Notons que les mobilités peuvent se faire pendant la formation, mais aussi pendant l’année après l’obtention du CFC. Natacha Juda mentionne également qu’en parallèle au soutien aux programmes d’échange, EL&M et l’OFPC mettent en place une campagne d’information et de sensibilisation pour encourager les apprentis à s’engager dans une expérience de mobilité.


Les atouts du programme Mobilauto à Genève


«Le premier jour, j’ai tout de suite été intégré en atelier mécanique, devant adopter des techniques très rapides que je ne connaissais pas. Si j’ai été un peu lent la première semaine, mon maître de stage a été surpris par mes progrès après un temps d’adaptation», témoigne un des participants au programme Mobilauto à Genève, une initiative qui permet depuis 2019 aux apprentis de la filière mécanique automobile - CFC de mécanicien et mécanicienne en maintenance d'automobiles et de mécatronicien et mécatronicienne d'automobiles - de passer trois semaines en Suisse alémanique ou au Tessin dans des garages partenaires. A l’origine du projet, il y a Urs Burger, président de la commission de formation de l’Union professionnelle suisse de l'automobile - section Genève et qui travaille pour le groupe Emil Frey SA. C’est lui qui prend contact avec les garages en Suisse alémanique et au Tessin pour leur demander de recevoir des apprentis. Le programme Mobilauto a reçu le soutien de l’agence nationale Movetia et du service cantonal Echanges linguistiques & mobilités du département de l’instruction publique. «Au-delà du seul objectif d’apprentissage de la langue – difficile en trois semaines –, le programme Mobilauto souhaite encourager les apprentis à développer leurs capacités d’adaptation et de communication. L’ambition est aussi de leur faire prendre goût à cette expérience et de leur faire envisager, pourquoi pas, de passer plus de temps outre-Sarine après leur formation.» Sept apprentis ont pu profiter du programme Mobilauto cette année.


«Une expérience inoubliable»

«Mon stage en Suisse alémanique a été une expérience inoubliable et extrêmement enrichissante. J'ai pu acquérir des compétences professionnelles précieuses, élargir mes horizons culturels et développer des amitiés durables.» Joao Lourenco Nunes, apprenti à Genève dans la filière mécanique automobile, partage avec enthousiasme son vécu à la suite du stage de trois semaines qu’il a pu effectuer il y a quelques mois dans un garage BMW de la région zurichoise. Ce stage a été rendu possible grâce au programme Mobilauto, dont s’occupe Urs Burger, président de la commission de formation de l’Union professionnelle suisse de l'automobile - section Genève. «Dans une atmosphère très professionnelle et conviviale, j’ai mené des missions axées sur la qualité, l’efficacité et la précision du travail. J’ai amélioré ma gestion du temps et ma capacité à gérer des tâches complexes.» Joao Lourenco Nunes insiste aussi sur la progression de ses compétences linguistiques et sur la dimension personnelle et culturelle de son séjour: «Vivre dans un autre canton m'a obligé à sortir de ma zone de confort, à être plus indépendant et à développer mon adaptabilité. Ce stage constitue un atout majeur sur mon CV». Quelques conseils pour d’autres apprentis qui souhaiteraient partir? «Il faut le faire. L’expérience est unique. Toutefois, cette aventure doit bien se préparer. Il ne faut pas, notamment, sous-estimer les questions budgétaires ou le sentiment d’isolement qui peut parfois apparaître loin de chez soi».

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