La Suisse veut renforcer son autonomie numérique

Flavia Giovannelli
Publié mercredi 11 septembre 2024
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#Cybersécurité Le développement de solutions internes pour diversifier les fournisseurs ou héberger des datacenters prendra du temps mais reste capital.

L'informatique est omniprésente dans nos vies privée et professionnelle, des communications aux infrastructures critiques. «Ces services sont devenus un besoin essentiel et cette dépendance ne cesse de croître», résume Hervé Nicollier, directeur du département des systèmes informatiques à la FER Genève. Cette évolution nous expose à des attaques répétées ou à des pannes de systèmes spectaculaires, compromettant des pans entiers de l’économie. L’interruption majeure qui a paralysé de nombreux services dans le monde, notamment des aéroports, le 19 juillet dernier, en est un exemple. Comble de l’histoire, c’est la mise à jour d’un logiciel de cybersécurité qui en est à l’origine.

Face à de tels risques, qu’ils soient liés à la criminalité ou à des erreurs humaines, des mesures correctives s’imposent. La Suisse est particulièrement vulnérable, car elle dépend d’autres régions du monde pour ses infrastructures matérielles, notamment d’Asie, et pour ses logiciels, principalement fournis par des entreprises américaines. En tant que centre mondial de la finance et hôte de nombreuses organisations internationales, elle est une cible privilégiée.

De nombreux experts plaident pour une plus grande autonomie de la place helvétique concernant sa sécurité informatique. Plusieurs études récentes sur le cloud souverain et l’indépendance numérique alimentent ce débat. Celle de la Haute école spécialisée bernoise (BFH), publiée en juin 2024, souligne que la Suisse accuse un retard préoccupant, en particulier en ce qui concerne le stockage et le traitement de ses données. Matthias Stürmer, auteur de cette étude1 réalisée pour la Confédération, plaide pour une transition vers des solutions autonomes, plus sécurisées.

Simultanément, la Confédération a annoncé sa décision de créer son propre service de stockage de données en ligne, soutenue par un investissement de 320 millions de francs. Les premières réalisations sont annoncées pour 2026. Si cette initiative est un premier pas vers une transformation numérique, elle n’échappe pas à certaines critiques, car elle s’appuie encore trop sur des prestataires étrangers.

L’étude de la BFH propose par exemple un catalogue de treize mesures que devraient mettre en place les pouvoirs publics fédéraux. La première recommande la création d’une norme pour la souveraineté numérique, garantissant une compréhension commune et facilitant l’application de mesures pratiques. L’auteur insiste sur la nécessité de développer des compétences techniques et de renforcer une collaboration accrue des secteurs privés et publics.

La formation avant tout

Alors que la Suisse se trouve partagée entre la nécessité d’agir et la prudence quant à la cybersécurité, à l’autonomie nationale et à l’implantation d’acteurs informatiques de premier plan, l’opinion des experts évolue. Hervé Nicollier souligne que la Suisse dispose de bonnes conditions cadre pour développer une économie numérique dynamique, propice à la croissance. Réputée pour ses capacités d’innovation, la Suisse doit pouvoir exploiter pleinement le potentiel de l’intelligence artificielle et du traitement des données.

Le manque de main-d’œuvre qualifiée représente un autre défi majeur. «Avec l’évolution rapide des technologies de l’information, nous faisons face à une pénurie de talents dans des domaines clé comme la cybersécurité, la protection des données, l’intelligence artificielle ou le soutien des initiatives de transformation digitale des entreprises», énumère Hervé Nicollier, cette situation est d’autant plus problématique que la Suisse est en concurrence avec d’autres pays pour attirer ces spécialistes si recherchés.

Malgré ces défis, la Suisse se classe au huitième rang en Europe pour le marché en plein essor des centres de données, surtout concentrés dans la région zurichoise. Sa capacité à attirer des géants comme Microsoft, Google ou d’autres centres de recherche, séduits par les conditions cadre, témoigne de son potentiel en matière de technologies de pointe et de stockage des données.

1 www.bfh.ch/fr/actualites/stories/2024/digital-souverainete-interview-matthias-stuermer

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