Le bel avenir des biosimilaires se joue dans le canton de Genève

Laurent Massuyeau, fondateur d’iQone Healthcare Suisse.
Laurent Massuyeau, fondateur d’iQone Healthcare Suisse.
Flavia Giovannelli
Publié jeudi 10 avril 2025
Lien copié

#Santé Fondée en 2012 par Laurent Massuyeau, ancien cadre chez Merck Serono, iQone Healthcare est une entreprise familiale discrète.

Qone Healthcare a été racheté en 2024 par une entreprise coréenne, Celltrion. Pourquoi?

Les trois dernières années ont été marquées par une croissance annuelle soutenue, atteignant 40% en moyenne et un chiffre d’affaires avoisinant trente millions de francs en 2024. Notre lien avec Celltrion remonte à 2015, quand nous sommes devenus leur distributeur exclusif en Suisse. Etant l’une des cinq principales plateformes mondiales de biosimilaires, il était naturel que ce partenaire souhaite à terme avoir un accès direct au marché suisse. Malgré sa petite taille, celui-ci dispose d’un fort potentiel en raison de la présence marquée du secteur pharmaceutique et de la qualité de prise en charge des patients. Cette fusion- acquisition est le fruit d’une collaboration réussie. Nous nous connaissons bien et avons en commun notre volonté de consolider notre stratégie. Cette évolution n’implique aucun changement opérationnel, y compris pour le nom et le management d’iQone.

Que sont les médicaments biosimilaires?

Les médicaments biosimilaires sont des reproductions de médicaments existants, mais développés à partir de cellules vivantes. En raison de la complexité de ces organismes, la formule peut ne pas être reproduite de manière exacte, mais elle peut s’approcher le plus possible du produit de référence et, ainsi, avoir une activité biologique équivalente. D’où le terme de biosimilaire.

Leur développement est-il plus onéreux que celui des médicaments chimiques?

Effectivement, les biosimilaires requièrent des investissements substantiels en recherche et développement, supérieurs à ceux des génériques chimiques. Les processus de production complexes et les contrôles de qualité rigoureux augmentent les coûts. De plus, les études cliniques pour les biosimilaires doivent être particulièrement approfondies pour évaluer leur sécurité et leur efficacité par rapport au produit de référence. Les réglementations pour leur approbation sont également plus strictes. Ainsi, le développement d'un biosimilaire peut coûter entre cent et deux cents millions de dollars, contre «seulement» un à cinq millions de dollars pour un générique chimique.

Quels sont les avantages d’un biosimilaire qui justifient la différence de coût?

Les biosimilaires présentent des avantages cruciaux, surtout pour traiter certaines situations médicales complexes où les molécules chimiques s'avèrent insuffisantes. Ils sont conçus pour cibler spécifiquement certaines cellules ou récepteurs, améliorant ainsi leur efficacité dans des domaines tels que l’oncologie, l’immunologie et la rhumatologie. En outre, de coûts plus faibles pour le système de santé, ils peuvent faciliter l'accès à des thérapies innovantes comme les traitements ciblés ou les médicaments personnalisés, qui sont généralement mieux tolérés et peuvent être plus efficaces pour certains groupes de patients.

iQone contribue-t-il ainsi à faire baisser les coûts de la santé?

Oui, c’est notre mission et nous pensons y contribuer depuis dix ans. Toutefois, si nous voyons une évolution favorable, nous avons pu constater que certains intervenants du monde de la santé ont historiquement adopté des positions conservatrices vis-à-vis de cette opportunité, dont l’enjeu économique est important pour le système de santé.

Quel est votre travail, concrètement?

Avec Celltrion, nous identifions les opportunités médicales et commerciales en fonction du calendrier des médicaments biologiques de marque. Nous évaluons, quelques années avant l’échéance de la protection liée à leur brevet, le potentiel de développer des biosimilaires.

C’est toujours un pari?

Chaque projet est un pari sur l'avenir, car nous devons anticiper les besoins médicaux et les évolutions du marché. Les risques de se tromper impliquent de gros enjeux financiers liés au développement de nos produits. Or, il peut arriver qu’un nouveau médicament avec une efficacité supérieure rende obsolète celui qui arrive en libre accès. En outre, pour certains médicaments, la concurrence future peut descendre les prix à un niveau économiquement non viable. Cela peut représenter des enjeux en centaines de millions de francs. Dans de tels cas, il faut renoncer.

Comment évolue iQone sur le plan des ressources humaines?

J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe de collaborateurs hautement qualifiés et avec peu de turn-over. Nous attachons beaucoup d’importance à la qualité de l’environnement professionnel et aux relations de confiance. iQone devrait voir ses effectifs doubler d’ici à la fin de la décennie, mais le management de l’entreprise et moi-même comptons nous assurer que rien ne changera. Avec Celltrion, nous allons sortir six médicaments entre fin 2025 et mi-2026, impliquant la nécessité de recruter des talents et de développer de nouvelles compétences pour accompagner ces lancements.

Recevrez-vous une aide pour rendre cette croissance possible?

De notre expérience, il est relativement facile de lever des fonds d’amorçage lorsqu’on est une start-up prometteuse en Suisse. Nous avons pu compter sur le soutien d’organismes comme la Fondation d’aide aux entreprises ou Cautionnement romand pour croître. Toutefois, cette prochaine phase de besoin en capital est plus délicate, car les soutiens nécessaires sont moins nombreux en Suisse qu’aux Etats-Unis, par exemple, et selon mon expérience.

Quels sont vos prochains défis?

ll y aura beaucoup de produits à lancer en même temps ces prochaines années. Or, c’est toujours délicat de les soutenir tous de la même manière. Mais nous allons nous y préparer pour gérer au mieux cette période.

insérer code pub ici