#Droit du travail Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la légalité de la réduction du montant du bonus d’une employée en raison d’absences, notamment d’absences dues à la grossesse et à la maternité.
Au terme d’un arrêt du 15 mai 2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la légalité de la réduction du montant du bonus d’une employée en raison d’absences, notamment d’absences dues à la grossesse et à la maternité1. La qualification juridique d’un bonus ainsi que la détermination de son montant étant des questions examinées de manière récurrente par les tribunaux, il nous paraît utile de rappeler brièvement les contours de la notion de bonus, avant de passer à l’examen de la décision rendue récemment par notre Haute Cour.
I. Qu’entend-on par «bonus»?
a. Base légale
Le bonus n’est pas spécifiquement défini dans la loi. Il s’agit donc, dans chaque cas concret, de déterminer s’il s’agit d’un élément du salaire2 ou d’une gratification3, en fonction de la manifestation des volontés des parties au contrat de travail. La qualification juridique du bonus est très importante pour savoir si un bonus est une prestation purement facultative de l’employeur ou si l’employé a le droit d’obtenir son versement.
Si le bonus est déterminé ou objectivement déterminable, par exemple lorsque ses critères d’attribution sont clairement définis et ne dépendent plus de l’appréciation de l’employeur, l’employé y a droit. Dans cette hypothèse, le bonus doit être considéré comme une part (variable) du salaire, laquelle ne peut être soumise à conditions. En revanche, si le bonus n’est pas déterminé ou objectivement déterminable, l’employé ne dispose en principe d’aucun droit: la rémunération dépend du bon vouloir de l’employeur et le bonus est qualifié de gratification. Tel est le cas lorsque la quotité du bonus n’est pas fixée à l’avance, mais dépend pour l’essentiel de la marge de manœuvre de l’employeur. Si la gratification est liée à la performance de l’employé, l’employeur jouit d’une grande liberté d’appréciation dans l’évaluation de la performance de l’employé, la limite étant la bonne foi et la loyauté. La gratification est une rémunération accessoire qui s’ajoute au salaire de base et ne peut en aucun cas le remplacer. Le versement de la gratification peut être subordonné à la réalisation d’une ou plusieurs conditions. A noter que, dans certains cas, la gratification est susceptible d’être requalifiée en salaire variable, notamment lorsqu’elle est versée régulièrement ou que son montant est très élevé en proportion du salaire de base.
Un bonus dépendant de la performance de l’employée et de l’évaluation faite par l’employeuse, une entreprise de produits phytosanitaires chimiques, avait été prévu contractuellement. Son montant n’était pas déterminé, ni déterminable. Seul un plafond maximum en fonction d’un pourcentage du salaire annuel brut était convenu.
Une prime spéciale «cadmium» avait en outre été versée à l’employée, en raison d’efforts particuliers fournis liés à l’introduction d’une limite de cadmium dans les engrais phosphatés.
L’employée n’a pas travaillé du 12 juillet 2018 au 7 janvier 2019, en raison d’absences pour cause de maladie durant la grossesse, de son congé maternité, ainsi que de la prise de jours de vacances.
L’employeuse a réduit le montant du bonus de l’employée, compte tenu de ses diverses absences, ce qui a été contesté par l’employée, laquelle a exigé le complètement du montant qu’elle avait reçu au titre de bonus pour l’année 2018, ainsi que le complètement de la prime spéciale cadmium .
Le Tribunal fédéral a examiné dans un premier temps si le bonus revêtait un caractère obligatoire ou facultatif. Il a constaté que l’employée avait le droit de percevoir un bonus lorsque les conditions de son octroi étaient remplies, mais que l’employeuse pouvait librement fixer son montant.
Aux termes du contrat, le montant du bonus était déterminé en fonction de la performance annuelle de l’employée incluant les périodes d’absence, ainsi que de l’évaluation de l’employeuse. La gratification était notamment considérée comme une reconnaissance du travail accompli, l’employeuse pouvant la déterminer en fonction des prestations effectivement réalisées.
La réduction du bonus en raison de l’absence de l’employée durant les huit premières semaines de son congé maternité était discriminatoire et donc inadmissible, en raison du fait que l’employée avait l’interdiction de travailler pendant cette période6.
La réduction du bonus en raison de l’absence de l’employée pour cause de vacances était également inadmissible, la prise de quatre semaines de vacances par année de service résultant d’une obligation légale.
En revanche, la réduction du bonus en raison de l’absence de l’employée de la neuvième à la seizième semaine de son congé maternité n’était pas discriminatoire, compte tenu du fait que l’employée aurait pu travailler durant cette période et a donc volontairement pris cette partie du congé maternité7.
Finalement, la réduction du bonus de l’employée en raison de vingt-cinq jours d’absences pour cause de maladie (y compris celles liées à la grossesse) n’était pas non plus discriminatoire, car un employé masculin malade serait traité de manière égale.
Dans un deuxième temps, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la prime «cadmium» que l’employée estimait devoir être complétée. La prime «cadmium» n’ayant pas été convenue par écrit, l’employée n’avait pas de droit à son versement. Il appartenait à l’employeuse de décider si un éventuel bonus «cadmium» pouvait être versé et à hauteur de quel montant. En l’absence de droit, aucune discrimination ne pouvait être établie.
III. Conclusion
En cas d’absences de l’employé, l’employeur éprouve parfois de la difficulté à évaluer la performance et conséquemment à déterminer le montant de sa gratification. Il arrive également que l’employeur réduise le montant de la gratification en raison des absences de l’employé.
A la lumière de l’arrêt du Tribunal fédéral8, nous pouvons déduire qu’en cas de bonus contractuellement convenu dont le montant est déterminé sur la base de la performance de l’employé et de l’appréciation de l’employeur, ce dernier dispose d’une marge de manœuvre dans la fixation du montant du bonus, laquelle comprend la faculté de ne tenir compte que des périodes de travail effectif, ainsi que des périodes d’absence impératives, i.e. les huit premières semaines après l’accouchement et les quatre semaines de vacances obligatoires par année de service.
1 Arrêt du Tribunal fédéral 4A-597/2023 du 15 mai 2024.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.