Le CERN veut maximiser l’impact de ses technologies sur la société
Pierre Cormon
Publié vendredi 04 octobre 2024
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#CERN Le transfert de connaissances du CERN est facilité par une équipe qui donne aux recherches menées par l’institution un maximum d’impact sur la société.
Des appareils à traiter les tumeurs cancéreuses, des dispositifs mesurant la qualité de l’air, le World Wide Web, etc. Toutes ces technologies ont été développées à partir de recherches menées au CERN (laboratoire européen de physique de particules), qui fête ses 70 ans cette année. Une vingtaine de collaborateurs s’active à faciliter au sein du Knowledge Transfer Group la diffusion des connaissances acquises par l’institution. Entretien avec l’un de ses membres, Benjamin Frisch, chargé du transfert de connaissances.
De quand date l’activité de transfert de connaissances du CERN?
Des initiatives individuelles ont émergé dès les années 1970. On peut penser à Georges Charpak, Prix Nobel de physique 1992. Il a développé de nouvelles technologies de détection de particules et, dès le début, a pensé à les appliquer dans le domaine médical. Le World Wide Web a aussi été inventé au CERN par Tim Berners-Lee à partir de 1989 et mis dans le domaine public en 1993.
Quand a-t-on commencé à structurer le transfert de connaissances?
Dans la seconde partie des années 1990, avec la création du Bureau de transfert des technologies, qui est à l’origine du Knowledge Transfer Group. Il s’agissait de maximiser le retour que le CERN offre à la société.
Quels secteurs en profitent le plus?
La santé, l’environnement, le numérique, les technologies quantiques et, dans une moindre mesure, l’aérospatiale. Les satellites opèrent par exemple dans des températures extrêmement basses, où ils sont parfois soumis à de fortes radiations. Nous construisons des appareils qui fonctionnent dans ces conditions, grâce à notre expérience avec les accélérateurs.
Vous avez signé une cinquantaine de contrats de transferts de connaissance l’an dernier; comment choisissez-vous la forme que prennent ces collaborations?
Nous nous demandons toujours comment diffuser nos technologies le plus largement possible. Il arrive parfois que nous ne soyons pas les seuls inventeurs; dans ce cas-là, nous pouvons opter pour des licences propriétaires. C’est par exemple le cas pour la puce Medipix, un type de détecteur que nous avons développé avec une dizaine d’autres partenaires. Lorsque c’est possible, nous privilégions les licences en libre-accès (open source). C’est par exemple le cas pour White Rabbit, une technologie que nous avons développée pour synchroniser les horloges des différents composants de l’accélérateur LHC à l’échelle de la nanoseconde (milliardième de seconde - ndlr). Elle est maintenant utilisée par la bourse de Francfort dans le cadre du négoce à haute fréquence et par des institutions développant la communication quantique. Des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité s’y intéressent aussi.
Vous n’avez en revanche pas créé un parc de l’innovation comme celui de l’EPFL. Pourquoi?
Parce que cela n’aurait pas de sens. Les chercheurs du CERN qui veulent créer une start-up viennent de nombreux pays et veulent souvent y retourner ou s’établir ailleurs. D’autres personnes ne travaillent pas en Suisse, mais sont intéressées par une technologie que nous avons développée. Le CERN compte vingt-quatre pays membres et huit associés; nous n’avons pas de raison d’inciter les start-up à s’installer ici plutôt qu’ailleurs.
Comment les soutenez-vous?
Nous misons plutôt sur la mise en relation. Nous avons créé le CERN Venture Connect pour mettre les porteurs de projet en relation avec des organismes qui peuvent les aider là où ils veulent développer leur activité. Si c’est à Genève, nous les adressons par exemple à la Fondation genevoise pour l’innovation technologique et pouvons leur recommander des études d’avocats. Notre objectif est d’offrir un soutien égal aux projets, quel que soit le pays dans lequel ils sont développés, et de favoriser l’accès au lancement d’une activité entrepreneuriale.
De nombreuses start-up issues du CERN s’installent au Royaume-Uni. Pourquoi?
C’est une bonne question, dont je ne connais pas la réponse. Je suppose que cela vient du climat très propice à l’innovation.
Comment imaginez-vous le transfert de technologies au CERN dans dix ans?
Nous aurons pu montrer encore davantage l’impact que nos recherches ont dans différents secteurs. Nous sommes par exemple en train de développer un dispositif de radiothérapie qui utilisera des électrons de très haute énergie pour traiter les cancers résistant aux traitements classiques, avec des effets secondaires fortement réduits. J’espère que dans dix ans, il sera utilisé dans des hôpitaux du monde entier.
Les entreprises intéressées à une collaboration avec le CERN peuvent écrire à kt@cern.ch
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