Sur les routes, le code a changé

Les constructeurs automobiles appartiennent à un secteur d’activité qui pèse quelque 6% du PIB mondial.
Les constructeurs automobiles appartiennent à un secteur d’activité qui pèse quelque 6% du PIB mondial.
Maurice Satineau
Publié vendredi 23 février 2024
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#Industrie automobile Du 26 février au 3 mars, Genève accueille le salon de l’automobile. La voiture est au carrefour d’exigences réglementaires, de progrès technologiques et de réalités industrielles, avec peut-être un peu moins de rêve.

Qu’ils soient présents ou non à ce rendez-vous helvétique, les constructeurs automobiles appartiennent à un secteur d’activité qui pèse quelque 6% du PIB mondial, avec des millions d’emplois à la clef. La voiture est un moteur économique qui subit aussi les variations de la conjoncture.

Le passage progressif du thermique à l’électrique amplifie les grandes questions: la compétition mondiale, la maîtrise des technologies, les mesures protectionnistes sur le marché planétaire. Dans ce contexte compliqué, les marques jouent l’avenir de leur outil de production et leur image. Les quatre roues occupent à nouveau une place politique importante.

Aux Etats-Unis, les automobiles sont sur la liste des secteurs dits critiques pour l’économie nationale, aux côtés des ordinateurs quantiques et de l’intelligence artificielle.

Stratégie nouvelle

«Jadis, la matière première stratégique était le pétrole, qui permettait de faire le plein plus ou moins cher. Maintenant, ce sont les terres rares, qui permettent de construire le véhicule», confie un représentant de l’industrie française. «Dans les deux cas, nous n’avons guère de prise sur les événements, mais notre activité subit un impact.»

Industrie historique sur le plan économique, l’automobile fait désormais partie des plans de relocalisation et de réindustrialisation, tant aux Etats-Unis qu'en Europe. La manœuvre n’est pas simple. Ford construit dans le Michigan l’une de ses plus grosses usines, en investissant 3,5 milliards de dollars et en faisant appel à une technologie… chinoise pour les batteries et leur recyclage.

La Chine reste en tête de la production mondiale de voitures électriques, en exerçant une pression continue à l’export alors que sa demande interne progresse moins vite que prévu pour cause de ralentissement économique. Produire davantage chez soi et exporter un maximum: tel est le pari industriel à un moment où tout le monde se protège pour des questions de chaînes de valeur, d’emplois, d’avantages technologiques, voire de rivalités politiques.

En cas de réélection à la présidence, Donald Trump n’exclut pas de pousser encore les taxes douanières frappant déjà les carrosseries made in Japan, made in China et made in Europe. L’Union européenne ne se prive pas de compliquer l’entrée des voitures neuves venant de Grande-Bretagne. A l’exception de ses marques de grand luxe, le royaume s’inquiète pour ce secteur, son débouché national étant insuffisant. L’Union européenne songe à un nouveau tarif douanier plus dissuasif pour les produits automobiles chinois, au nom de critères sociaux et environnementaux.

Bon ou pas bon

Dans le grand marché unique, on se perd un peu dans le maquis des subventions industrielles, des primes à la casse, des bonus à l’achat ou des avantages fiscaux accompagnant le passage de la pompe à la prise.

Cependant, un léger coup de volant est perceptible dans ces politiques publiques. En 2025, Londres supprimera en grande partie l’exemption de taxe annuelle pour les voitures électriques, afin de limiter l’érosion des recettes fiscales. Des mesures identiques se mettent en place en Norvège, la championne de l’électrification du parc automobile. «En France, une grande partie des ménages ne peut pas acheter un véhicule électrique neuf sans les aides de l’Etat. Le marché de l’occasion fonctionnait pour l’essence et le diesel. Nous ne le connaissons pas encore véritablement pour l’électrique, ni ne savons quelle sera le véritable comportement prolongé des batteries.»

Les constructeurs gardent un œil sur les marchés émergents, notamment l’Inde et l’Indonésie, car la voiture thermique est y encore convoitée pour abandonner les deux-roues, motos incluses. En Europe, les marques font et refont leurs calculs poids-puissance. Une petite citadine électrique chargée par du courant provenant du charbon garde un bilan écologique très insatisfaisant, en prenant en compte l’énergie qu’il a fallu pour la produire. Pourtant, l’entrée de gamme semble être le créneau le plus prometteur pour passer à l’électrification, si l’on s’en tient aux prix. Du point de vue industriel, les fabricants avaient plutôt tendance, dans le thermique, à viser les moyen et haut de gamme.

Anciennes formules

L’interdiction des moteurs à explosion est agendée pour 2035. Elle sera anticipée par les constructeurs, avec une limite dans la recherche concernant la réduction de consommation de carburants et le rejet des particules. La gamme des normes euro va finir par s’arrêter: inutile d’affiner encore les processus d’injection ou la combustion. Commande électronique des soupapes, gestion des fluides de refroidissement, tout un vocabulaire est en train de s’effacer lentement des laboratoires. En revanche, il est toujours question d’aérodynamisme, de chrono pour atteindre les 100km/h, «parce qu’une baisse consentie des performances dynamiques apporte toujours un mieux dans la performance énergétique du véhicule».

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