Le consommateur, un animal irrationnel

L’offre la moins chère peut susciter la méfiance.
L’offre la moins chère peut susciter la méfiance.
Pierre Cormon
Publié vendredi 15 mars 2024
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#Achats Une multitude d’expériences ont montré que, contrairement à ce que postulait l’économie classique, les consommateurs n’effectuent pas leurs choix de manière rationnelle. Quelques exemples.

Plusieurs études ont montré que les articles dont les prix se terminent par 9 génèrent une augmentation sensible des ventes par rapport aux mêmes articles à des prix voisins. Un vêtement féminin s’est ainsi mieux vendu lorsqu’il était proposé 39 dollars que 34 dollars dans un catalogue, dans le cadre d’une expérience de l’Université de Chicago et du Massachussetts Institute of Technology.

Comparaison n’est pas raison

Le cerveau humain n’évalue pas un prix de manière abstraite, mais en le comparant à d’autres. Ainsi, une étiquette mentionnant un prix de 45 francs baissé à 39 francs entraînera probablement de meilleures ventes qu’une étiquette où seul le prix de 39 francs est indiqué.

Les psychologues ont baptisé le procédé «ancrage»: à partir du moment où on lui donne une première référence, notre cerveau a beaucoup de peine à s’en défaire.

Attention, toutefois: la loi suisse n’autorise l’étiquetage comparatif que si le premier prix (45 francs) a effectivement été pratiqué. Si c’est le cas, le prix de 39 francs n’est autorisé que pendant la moitié du temps pendant laquelle la marchandise a été vendue à 45 francs, pour un maximum de deux mois1.

D’autres méthodes plus subtiles de comparaison existent. L’entrée la plus chère d’un restaurant (par exemple à 16 francs) ne se vend pas toujours très bien. Pour augmenter ses ventes, il suffit d’ajouter une entrée encore plus chère, mettons à 21 francs. Cette dernière sera choisie encore plus rarement, mais l’entrée à 16 francs paraîtra plus avantageuse en comparaison et sera plus fréquemment commandée.

Autre exemple: le magazine The Economist proposait à une époque trois formules d’abonnement. La formule purement numérique coûtait 59 dollars, la formule papier 125 dollars, et celle numérique + papier 125 dollars également. La deuxième offre n’avait aucun sens économique – elle coûtait autant que la troisième, pour des prestations moindres. Son utilité était psychologique: elle faisait apparaître la troisième offre plus avantageuse en comparaison.

Le contexte, cela compte

Qu’il fait chaud sur cette plage! Votre ami propose d’aller acheter des bières et vous demande quel est le prix maximum auquel vous êtes prêt à les payer. Vous indiquerez probablement un chiffre plus élevé si votre ami va chercher les bouteilles dans un hôtel de luxe que dans une épicerie délabrée, a montré une expérience du prix Nobel d’économie Richard Thaler. La bouteille, pourtant, sera la même et vous la boirez au même endroit, sous votre parasol.

C’est le contexte qui fait la différence. Vous estimez légitime qu’un hôtel de luxe pratique des prix plus élevés, alors que vous vous sentirez exploité par l’épicerie délabrée pratiquant des prix similaires.

Certaines entreprises travaillent beaucoup sur ce facteur. «Comment Starbucks a-t-il pu vendre du café à trois dollars et plus, alors que la plupart des autres cafés le vendaient à environ un dollar?» demande un billet de blog de l’école de marketing texane CXL. «Ils ont changé l’expérience d’achat du café; la perception de ce que les gens achetaient a donc changé. Starbucks a aussi travaillé sur les noms. Ils ne vendent pas juste du café, mais du Pike’s Place brew ou du caramel macchiato. Si vous créez une nouvelle catégorie, le client n’a pas de référence de prix.»

1Ordonnance sur l’indication des prix art. 16.

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