#Durabilité Outil de visualisation ou d’aide à la décision, la pertinence du schéma conçu par l'économiste Kate Raworth faisait l’objet d’un débat à l’Université de Lausanne.
Le donut est-il un instrument intéressant pour guider les politiques publiques? Les spécialistes qui participaient à la table ronde animée le 29 avril par Augustin Fragnière, directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité de l'Université de Lausanne (UNIL), autour du modèle issu des travaux de l’économiste Kate Raworth, débattaient de son utilité. Que dit ce modèle, visualisé sous forme de donut? Un «plafond environnemental», calé sur les connaissances scientifiques, fixe les limites planétaires à ne pas dépasser (utilisation d’eau douce, appauvrissement de la biodiversité, etc.) au risque de déséquilibrer la planète (cercle extérieur du donut).
Un second cercle - au centre du donut - est le plancher social, qui assure l'épanouissement à tous et toutes (revenu, éducation, santé, etc.), sur la base des dix-sept objectifs de développement durable de l'ONU à l’horizon 2030. Entre les deux cercles: un espace sûr et juste pour l’humanité, un développement économique inclusif et durable à atteindre. Où fixer plafond et plancher? «Les choix sont normatifs», concède Augustin Fragnière.
Boussole du Grand Genève
Depuis sa première formulation en 2012, le donut a connu un certain succès dans les milieux de la durabilité. Il a été utilisé comme outil pratique par des collectivités publiques et des villes pour orienter leur transition écologique. Il a aidé Amsterdam à instaurer une économie circulaire en 2019, l’agglomération de Bruxelles capitale ou la ville de Grenoble à produire des politiques publiques. Le Grand Genève s’en sert comme boussole pour sa stratégie de transition écologique à travers quatorze indicateurs, liés à dix objectifs. Un rapport contient une estimation de la hauteur de la marche qui sépare son état actuel et l’état souhaitable en 2050. L’Université de Lausanne a pour sa part déployé l’outil à son échelle très locale pour évaluer ses impacts environnementaux. Les résultats serviront d’aide à la décision pour la direction.
Le schéma, qui n’est pas une théorie, mais un outil de visualisation, permet de fixer des objectifs. Parmi ses avantages, sa simplicité visuelle au service d’une communication efficace. Outre les incertitudes et la dimension normative dans la détermination des seuils, il simplifie cependant excessivement et n’explicite pas les interactions entre les éléments, qui font pourtant la complexité de la planète.
Parmi les questions que le donut pose, celle du flou interprétatif sur son amplitude: comment déterminer sa largeur? Les mécanismes utilisés pour le dépassement du plancher social (son amélioration) permettent-ils le non-dépassement du plafond écologique (sa stabilisation)?
Indicateurs
La question des indicateurs est cruciale. Selon Valérie Boisvert, professeure à la faculté des géosciences et de l’environnement, l’idée d’un indicateur universel est utopique. Le choix des indicateurs varie en fonction de l’utilisation du donut, selon que l’on cherche à faire un diagnostic ou que l'on s'en serve comme Connaissez-vous le permis de travail Ci?aide à la décision, que l’on s’adresse à des décideurs publics ou à des entreprises, etc. Autre enjeu: comment décliner le plafond planétaire en plafond local? Les pressions sur l'environnement sont-elles les mêmes? Et le plancher social? «Peut-être qu’il ne faudrait pas mesurer, au risque de perdre de vue les objectifs d’un exercice d’évaluation de la durabilité», préconise Valérie Boisvert. Dans les territoires qui s’essaient au donut, son utilisation se fait souvent dans la continuité de politiques de transition écologique déjà déployées. Un spécialiste de politiques publiques confie douter de son efficacité, estimant que les administrations connaissent déjà les grands impacts des activités sur l’environnement.
Selon l’économiste Christian Arnsperger, le schéma aurait au moins une vertu: celui de dépassionner le débat sur la décroissance, très polarisant. «En fait, il contourne le politique», remarque une spécialiste des relations internationales.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.