Le marché de l'électricité sera un peu moins opaque

Les garanties d'origine de l’électricité pourraient n’être plus valables que trois mois au lieu de douze.
Les garanties d'origine de l’électricité pourraient n’être plus valables que trois mois au lieu de douze.
Pierre Cormon
Publié vendredi 23 septembre 2022
Lien copié

#Marquage électricité Les certificats garantissant l'origine de l'électricité ne correspondent pas toujours à la réalité.

On ne pourra plus vendre de l’électricité issue de centrales à charbon, l’hiver, avec des certificats garantissant son origine photovoltaïque, si ces derniers ont été émis en été.

«Vous voulez consommer de l’électricité en toute bonne conscience? Profitez des offres qui vous garantissent que votre courant est d’origine 100% renouvelable!» C’est ce que proposent les distributeurs à leurs clients, avec des offres telles que SIG Vitale Vert (SIG), Energie romande (Romande Energie) ou PLUS (Groupe E). Le problème, c’est que cela ne reflète que très imparfaitement la réalité (lire: L’électricité vendue comme verte ne l’est pas toujours).

Il est en effet techniquement impossible de tracer l’électricité du producteur jusqu’au consommateur final. Une fois injectée dans le réseau, elle est comme l’eau d’une rivière qui se jette dans un lac et se mélange aux autres molécules d’eau. Pour garantir la provenance de leur électricité, les distributeurs se rabattent donc sur un système de documentation appelé marquage de l’électricité, introduit en 2006 et devenu obligatoire en 2018.

Garantie d'origine

Concrètement, chaque producteur injectant du courant dans le réseau émet parallèlement un certificat appelé garantie d’origine, attestant de la quantité d’électricité produite et de sa provenance (photovoltaïque, nucléaire, éolien, etc.). L’électricité physique et le certificat vivent ensuite des vies complètement séparées. Les distributeurs achètent de l’électricité sans savoir comment elle a été produite. Ils acquièrent parallèlement des certificats d’origine sur un marché distinct, sans qu’ils n’aient forcément été émis pour l’électricité qu’ils ont achetée.

Ce système peut créer des décalages importants entre théorie et réalité. L’Université de Genève a ainsi calculé que la part d’électricité renouvelable consommée dans le pays n’était pas de 76,6%, comme le disent les chiffres officiels, mais de 48%. Quant à l’entreprise alémanique Metall-Zug-Gruppe, elle s’est aperçue que sa consommation électrique avait dix fois plus d’impact climatique que ce que donnaient à penser les certificats d’origine de ses fournisseurs.

Décalage temporel

L’un des problèmes vient du décalage temporel. Les certificats d’origine sont valables un an. Or, il y a parfois un surplus de courant renouvelable en été, lorsque le photovoltaïque produit au maximum, alors qu’on en manque en hiver. A cette période, la Suisse est donc souvent obligée de recourir à de l’électricité produite par des centrales à charbon allemandes. Cela ne se voit pourtant pas dans les statistiques. Les distributeurs peuvent en effet acheter des certificats issus d’une production photovoltaïque estivale pour garantir l’origine de l’électricité qu’ils vendent en hiver.

Une motion parlementaire a donc demandé que les garanties d’origine ne soient plus valables que trois mois au maximum. Cela empêchera de marquer du courant «sale» consommé en hiver avec des garanties d’origine de courant vert estival. Le Conseil national l’a adoptée le 13 septembre, suivant l’avis du Conseil des Etats et du Conseil fédéral. Ce dernier est maintenant chargé de modifier la loi en ce sens.

Meilleur des mondes

Reste à savoir quel effet cette réforme aura sur la production d’électricité. Dans le meilleur des mondes, elle devrait pousser les investisseurs à augmenter les capacités de production de courant vert hivernal. Cela peut notamment passer par la construction d’éoliennes et de centrales photovoltaïques de montagne. Les projets se heurtent cependant souvent à des résistances et prennent du temps. Bilan dans quelques années.

insérer code pub ici