Le premier quarante tonnes à hydrogène du monde est lémanique

Une innovation issue de la région lémanique.
Une innovation issue de la région lémanique.
Pierre Cormon
Publié vendredi 10 juin 2022
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#Hydrogène Le prototype de quarante tonnes à hydrogène du projet GOH! a été présenté lors des Assises européennes de la transition énergétique.

«Quand je roule, je ne rejette que de l’eau!» C’est ce qu’on peut lire sur le premier camion de quarante tonnes au monde qui soit propulsé à l’hydrogène. Il a été présenté lors des Assises européennes de la transition énergétique, le 31 mai à Palexpo. Cette innovation est issue de la collaboration de cinq partenaires de la région lémanique (lire ci-dessous), dans le cadre du projet GOH! (pour Generation of hydrogen).

Les producteurs de camions fabriquent déjà des véhicules à hydrogène de trente-deux tonnes. Aucun ne s’est cependant encore lancé dans la construction d’un quarante tonnes. Un tel véhicule requiert en effet un réservoir plus grand et une propulsion plus puissante – des défis techniques. Le camion prototype du projet GOH! contient donc deux piles à combustibles au lieu d’une, qui permettent d’atteindre cinq cents chevaux, pour une autonomie de six cent kilomètres.

Tests

Le camion est actuellement testé par Migros Genève. «Nous nous positionnons en tant que démonstrateurs, pour montrer que le concept est viable», relève Thierry Kensicher, directeur logistique et informatique de Migros Genève. A terme, la coopérative pourrait utiliser de cinq à sept camions de ce type pour livrer ses magasins. D’autres acteurs devraient être intéressés. «Si tout se passe bien, une centaine de véhicules pourraient être construits dans une première étape, vers 2025», explique Jean-Luc Favre, président de la fondation Nomads. «Nous imaginons un passage à l’échelle industrielle, avec la production de milliers de véhicules, vers 2030.»

Le prix devrait jouer un rôle crucial dans le succès du projet. «Le coût de construction du quarante tonnes à hydrogène est actuellement de deux à trois fois plus élevé que celui d’un camion diesel», remarque Jean-François Weber, directeur général et responsable R&D de GreenGT, qui a conçu le système de propulsion. «Si l’on prend le coût total sur l’ensemble du cycle de vie, en revanche, il est équivalent, et peut-être même moins élevé. Le prix du diesel risque en effet d’augmenter, alors que celui de l’hydrogène est connu d’avance.» Avec l’industrialisation de la construction, des économies d’échelle pourront être réalisées et le différentiel de coût de construction devrait être réduit, ce qui pourrait rendre les camions à hydrogène plus avantageux sur l’ensemble du cycle de vie.

Formation

Si le succès est au rendez-vous, il faudra encore trouver assez de personnel qualifié pour s’occuper des camions. Il s’agit d’un point sensible. «Nous manquons de main-d’œuvre dans tous les secteurs pour réaliser la transition énergétique», prévient Christian Brunier, directeur général de SIG. «C’est un vrai obstacle.»

Le projet GOH! a pris cet aspect en considération. La Fondation Nomads a entrepris de déterminer les compétences nécessaires à la mise en œuvre du projet, en collaboration avec la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP). Elle réfléchit également à l’adaptation du cursus des apprentis mécaniciens, de concert avec l’Union suisse des professionnels de l’automobile (UPSA).


Les cinq partenaires

  • Migros Genève testera le prototype en conditions réelles.
  • GreenGT, une entreprise vaudoise en pointe dans la conception de systèmes de propulsion à hydrogène, a conçu celui du camion GOH!
  • La succursale genevoise de LARAG, entreprise alémanique active dans le service aux véhicules utilitaires et poids lourds, assemble la chaîne de propulsion du camion GOH! et formera des mécaniciens à intervenir sur ce type de véhicules.
  • SIG, producteur et distributeur d’eau, de gaz, d’électricité et d’énergie thermique, produira de l’hydrogène renouvelable à partir d’électricité générée grâce à la combustion des déchets ménagers à l’usine des Cheneviers.
  • La Fondation Nomads coordonne le projet et s’occupe du volet formation.

Un mode de propulsion adapté aux véhicules lourds

La propulsion à hydrogène est particulièrement adaptée aux véhicules lourds, comme les camions, les gros bateaux, voire les avions. Une pile à combustible utilise l’hydrogène pour produire de l’électricité – qui alimente un moteur électrique – et ne rejette que de la vapeur d’eau. Le bilan environnemental dépend de la manière dont l’hydrogène a été produit. Le processus requiert en effet beaucoup d’électricité. Tout l’enjeu est donc de le mener avec du courant durable, par exemple en utilisant les surplus de production des installations éoliennes et photovoltaïques.

Du strict point de vue énergétique, il est toutefois moins efficace d’utiliser de l’électricité produite par une pile à combustible que celle du réseau, en la stockant dans une batterie. En revanche, les batteries électriques ont leurs limites: leur taille et leur volume les rendent difficilement utilisables sur des véhicules lourds, et leurs batteries comprennent beaucoup de métaux spéciaux, dont l’extraction peut poser de sérieux problèmes environnementaux.

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