Le triangle science, politique, justice remis en cause
Maurice Satineau
Publié mardi 16 avril 2024
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#Climat C’est une première: la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse, mardi 9 avril, pour inaction climatique». le monde politique s’agite, y compris au-delà des frontières de la Confédération. Cette sentence allie la science, la politique et la justice dans une équation dont la solution n’est pas définitive sur le globe.
La science reste la science, elle n’est ni légale ni illégale, ni de droite ni de gauche ou du centre. Elle découvre, vérifie, expérimente: l’eau en ébullition à 100oC est un phénomène scientifiquement établi.
Pour sa part, la politique s’intéresse à la science et à ses progrès. Elle essaie souvent d’en nourrir sa propre démarche gouvernementale. Lorsque les propriétés de l’atome ont été découvertes, c’est bien le monde politique qui a demandé la préparation de la bombe atomique et le développement de l’énergie civile nucléaire. Se proclamer pro- ou anti-nucléaire est un choix politique, n’esquivant pas les débats scientifiques sur le sujet.
De son côté, la justice est issue du système politique. Chaque pays a une conception différente des tribunaux, des procédures et des sanctions, notamment en fonction de motifs culturels et historiques. Ainsi, un système judiciaire trouvera une découverte scientifique acceptable – par exemple la modification du génome humain –, tandis qu’un autre l’interdira strictement.
Remise en cause
La force du Conseil de l’Europe est de rassembler des Etats ayant un net penchant pour la démocratie et le droit, tout en bénéficiant au niveau européen d’un réel potentiel de recherches et de connaissances scientifiques de haut niveau. Les membres de cette assemblée en ont accepté ses règles et ses institutions.
La question du climat est par nature transfrontalière et transcontinentale. L’arrêt des juges de Strasbourg bouscule la vision politique de la Suisse face à la science et le fonctionnement de ses mécanismes juridiques dans leurs éventuelles décisions à propos du climat.
Le triangle science-politique-justice est ainsi remis en cause, comme il a déjà pu l’être dans d’autres décisions de ce type. Le problème n’est pas qu’européen. En raison de sa dimension ultime pour l’humanité, le dossier climatique pèse fortement sur la gouvernance des affaires publiques, même dans des régimes autoritaires, où le politique devient le pôle prédominant, au détriment des deux autres. Mettre l’accent sur l’un des pôles du triangle (par exemple la science) créera encore sans doute des tensions fortes à l’avenir dans les sociétés humaines, même si une urgence est déclarée. Mais il n’est évidemment pas question de se contenter de décisions politiques arbitraires ou d’une justice sans aucun fondement. C’est tout le défi des discussions encore longues à venir concernant le climat et l’environnement, au niveau national et international.
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