#Durabilité Les agriculteurs suisses sont garants d’une large superficie des terres. Engagés à produire de façon plus durable, ils doivent être accompagnés pour poursuivre leurs efforts. L’association AgroImpact y contribue.
Un tiers de la surface de la Suisse est destiné à l’agriculture et à l’espace rural, qui compte des milliers de fermes. Si nourrir la population est sa première mission, le secteur agricole assure bien d’autres fonctions, comme celles d’apporter une contribution substantielle à la sécurité de l'approvisionnement, à la conservation des ressources naturelles, à l'entretien du paysage rural et à l'occupation décentralisée du territoire. D’intérêt public, ces tâches sont inscrites à l’article 104 de la Constitution et sont rétribuées par la Confédération par des paiements directs, qui constituent une grande part du revenu des agriculteurs. La loi sur l'agriculture prescrit en outre de veiller au bien-être des animaux. Problème: selon l’Office fédéral de l’environnement, «l’agriculture est la principale source d’émissions d’ammoniac en Suisse, ainsi que de méthane et de protoxyde d’azote, qui sont des gaz à effet de serre. L’ammoniac porte atteinte aux écosystèmes sensibles, et les gaz à effet de serre contribuent aux changements climatiques».
Résultat, les agriculteurs se voient reprocher de ne pas en faire assez pour l’environnement, qu’ils sont pourtant censés protéger. C’est indéniable, le changement climatique oblige à l’adoption de pratiques plus durables dans les champs. Les agriculteurs en sont conscients, puisqu’ils en subissent de plein fouet les effets: vagues de chaleur, périodes de sécheresses, précipitations intenses, etc. Un panorama auquel viennent s’ajouter les risques pour la santé que représente la manipulation des produits phytosanitaires, à l’origine de cancers. C’est dans leur intérêt de revoir leur copie pour mieux produire, alliant capacités de production suffisantes et préservation des sols et de l’air.
Forte hausse des exploitations biologiques
Selon la direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires du canton de Vaud, le territoire compte environ quatre cent cinquante exploitations bio au 1er janvier 2024 contre cent quatre-vingt-sept en 2013 et deux cent septante-cinq en 2017. Le canton de Genève est passé de vingt à soixante et une exploitations bio entre 2016 et 2023. «Ces chiffres sont issus des paiements directs, entendu par là que toutes les exploitations bio ne sont pas comptées», précise l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), avec Genève, le canton de Schaffhouse a enregistré une forte hausse du nombre d’exploitations agricoles biologiques entre 2022 et 2023 (+17,3% et +23,8%). Les agriculteurs sont ainsi de plus en plus nombreux à s’engager sur la voie de la durabilité, d’autant plus qu’utiliser du carburant ou des produits phytosanitaires coûte cher. L’objectif est de les réduire au maximum, mais sans forcément affecter les rendements, intimement liés au revenu.
Perte de rendement
Les exigences supplémentaires en la matière représentent une charge massive et une perte de rendements pour les agriculteurs. A cela s’ajoute que, selon l’OFS, avec la hausse des prix des machines, de l’énergie, des engrais, de la nourriture des animaux et de nombreux autres agents de production, ils ont vu leurs coûts de production augmenter de 2% en 2023 par rapport à 2022 – année où la hausse avait déjà été de 5,7% – et leurs revenus augmenter de seulement 0,6%, après une baisse de 3,9% en 2022. Avec en toile de fond une forte concurrence internationale. Pour se faire entendre, les agriculteurs suisses ont multiplié des actions, à l’instar d’agriculteurs dans toute l’Union européenne, bien que leur mouvement ait été de moindre ampleur. Des panneaux à l’entrée des localités ont été retournés et, à Genève, trente tracteurs ont roulé sur la plaine de Plainpalais en février dernier.
En 2016, Jacques Bourgeois, alors directeur de l’Union suisse des paysans et conseiller national, affirmait dans une interview parue dans nos colonnes que «prétendre que les agriculteurs sont les pollueurs de la nation est largement réducteur». Et de poursuivre: «Cultiver un jardin privé ou désherber une terrasse exige d’utiliser des pesticides, de l’engrais ou des herbicides. Les paysans sont souvent mieux formés à l’utilisation de ces produits».
Sur le chemin de la transition, les producteurs ont besoin d’un coup de pouce pour mieux faire.
AgroImpact pour accompagner les agriculteurs
Créée en décembre 2023, l’association AgroImpact signe une orientation vers une écologie d’accompagnement, à distinguer de la méthode dite «punitive», qui se traduit notamment par l’instauration de taxes. Elle accompagne la transition climatique de l’agriculture suisse en proposant aux exploitations agricoles qui le souhaitent la réalisation d’un bilan carbone complet, puis soutient la mise en place de mesures personnalisées pour réduire efficacement et durablement leur empreinte climatique.
Aude Jarabo, directrice de l’association, indique que, pour l’heure, une centaine de fermes a rejoint l’association en Suisse romande. La démarche est entièrement volontaire: «Les agriculteurs s’engagent à mettre en œuvre des changements et nous les monitorons. Nous pouvons ainsi mesurer et prédire l’impact carbone de ces leviers - réduction d’apport d’engrais minéraux, réduction du travail du sol, couverture des sols ou augmentation de l’autonomie protéique pour l’affouragement du bétail - et le valoriser sur les produits agricoles». Une exploitation au pied du Jura vaudois a par exemple mis en place des mesures concrètes, avec des résultats encourageants. Elle a notamment installé quatre cents mètres carrés de panneaux solaires, une pompe à chaleur, diminué le temps entre deux vêlages de vache laitière, augmenté le nombre de jours de pâture, arrêté le labour entre blé et orge et utilisé des outils de travail du sol moins invasifs. Combinés, ces outils ont permis de réduire sur cette ferme les émissions annuelles de 4,1 tonnes d’équivalent CO2 et d’augmenter le stockage annuel de carbone dans les sols de sept tonnes d’équivalent CO2.
Peut-on dès lors conclure qu’il existe une prise de conscience écologique chez les agriculteurs? «Les agriculteurs font plus pour l’environnement que n’importe quelle autre branche économique. L’intérêt des différents acteurs au sein d’AgroImpact laisse aussi penser que, d’ici peu, l’agriculture sera également le secteur économique qui obtiendra les meilleurs résultats en termes de décarbonation et de réponses efficientes et opérationnelles aux défis climatiques», estime Aude Jarabo.
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