#CO2 Une opération chirurgicale courante produirait autant de déchets qu’un foyer de quatre personnes pendant une semaine.
Pour les hôpitaux, l’heure est aux écobilans. «En premier lieu, ne pas nuire.» Ce sacro-saint principe médical trouve un nouveau sens avec l’avènement du développement durable dans le secteur des soins. Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont ouvert la voie en 2009, en devenant le premier hôpital universitaire européen à réaliser un écobilan. La démarche a été répétée en 2021 pour englober l’ensemble des infrastructures. En attendant la publication des résultats, prévue pour bientôt, les HUG ont inauguré mi-février une plateforme pour inviter le personnel et les patients à proposer des mesures de protection de l’environnement.
La prise de conscience est largement partagée par d’autres établissements romands. Par exemple, le Groupement hospitalier de l’ouest lémanique (GHOL) a créé en 2020 un groupe de travail pluridisciplinaire pour un «bloc opératoire vert». Environ 20% des déchets d’un hôpital seraient imputables aux activités chirurgicales. Une estimation de l’Hôpital Pitié Salpêtrière, à Paris, donne même un taux de 30%. Une opération classique produirait la même quantité de déchets qu’un ménage de quatre personnes pendant une semaine, dont 80% seraient générés alors que l’intervention n’a même pas commencé! «Tout le matériel nécessaire est décartonné, déballé et ouvert avant l’entrée du patient au bloc», explique-t-on au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Gaz anesthésiants
Autre source de pollution: les gaz anesthésiants. Le GHOL a renoncé à deux d’entre eux pour des raisons écologiques. Premièrement, le protoxyde d’azote, également appelé gaz hilarant, qui resterait en moyenne dans l’atmosphère pendant… cent quatorze ans! En second, le desflurane, un anesthésique utilisé dès les années 1980 et abandonné au GHOL en 2020. Une heure sous desflurane polluerait autant qu’un trajet de trois cent septante kilomètres en voiture.
En 2021, le GHOL a poussé la réflexion encore plus loin en mettant en place un système d’évacuation des anesthésiques par captation dans des cartouches de charbon recyclables. À noter que le CHUV a également banni le desflurane en 2020. Quant aux HUG, ils ont diminué leur consommation de gaz anesthésiants de 24% entre 2015 et 2019. Les années 2020 et 2021 ne peuvent servir de points de comparaison, en raison du report d’un grand nombre d’opérations pour répondre aux priorités de la crise sanitaire.
Neuf cents éléphants
Des calculs savants ont été faits pour déterminer la quantité de déchets par lit d’hôpital, qui serait environ deux fois supérieure à celle d’un habitant à son domicile, selon les HUG. D’autres établissements font état d’un rapport plus défavorable, avec deux mille sept cent trente-cinq kilos annuels de déchets par lit d’hôpital, contre quatre cent cinquante-trois kilos par habitant.
On estime qu’une seule journée d’hospitalisation pourrait valoir cent trente-sept unités de CO2-eq. L’équivalent CO2 est un indice créé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il équivaudrait, en termes d’émission de CO2, à un trajet de cinq mille cent quatre-vingt-un kilomètres en voiture, à cinq cent septante-huit mille kilomètres en TGV ou à un vol aller-retour Paris-New-York.
Un lit d’hôpital produirait ainsi 50,4 tonnes de CO2-eq et un centre hospitalier universitaire cent mille six cents. On pourrait dire plus simplement qu’un grand hôpital consomme l’équivalent et de la hauteur du Mont-Blanc en papier et le contenu de deux cents piscines olympiques en eau, produit des déchets pesant le poids de neuf cents éléphants et pollue en fin de compte autant qu’une ville de dix mille habitants pendant une année.
Un potentiel énorme
Le système de santé contribuerait à hauteur de 4% à 10% à l’empreinte écologique d’un pays, lit-on dans l’édition du 2 février dernier de la Revue médicale suisse. Cela en ferait le quatrième secteur économique le plus polluant après l’alimentation, les transports et l’habitat. C’est l’une des conclusions du rapport national Green hospital, qui portait sur l’ensemble du système hospitalier suisse et s’est achevée en août 2021.
Quand ce projet a été lancé, vers 2017, il n’existait pratiquement aucune autre équipe de recherche travaillant sur ce sujet, selon Matthias Stücki, spécialiste des écobilans à la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). L’expert explique cette lacune par le fait que les hôpitaux ne sont pas choisis pour leur durabilité, mais pour l’excellence de leurs prestations. Du reste, la crainte que le progrès écologique se fasse au détriment de la qualité des soins est fréquente, même si elle est infondée. «La moitié des hôpitaux suisses pourraient limiter leurs émissions de 50% sans impact sur les prestations. C’est un potentiel énorme», conclut Matthias Stücki.
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