#Votations Le 9 juin prochain, le peuple suisse se prononcera sur deux initiatives voulant alléger la charge budgétaire de l’assurance maladie pour les ménages. Ces solutions ne résoudront pas les hausses des coûts de la santé.
Le fardeau de l’assurance obligatoire de soins est une réalité que personne ne peut nier. Il explique le dépôt de deux initiatives sur lesquelles le peuple votera le 9 juin prochain. Bien que distincts, les deux textes se focalisent uniquement sur les aspects budgétaires, restant vagues sur les moyens qui permettraient de maîtriser l’augmentation des coûts du système de santé. Contrairement à ce qui s’est passé lors de la votation pour la treizième rente AVS, deux contre-projets, façonnés par le Conseil fédéral et le parlement, sont proposés lors de cette votation. Ils entreront automatiquement en vigueur en cas de refus des initiatives. Etant parfaitement compatibles, ils pourraient être adoptés tous les deux, le cas échéant.
Elisabeth Baume-Schneider, ministre de l’intérieur, est entrée en campagne début avril pour combattre ces deux objets. Elle critique notamment des incitations inopportunes à l’heure où certains éléments objectifs doivent entrer dans l’analyse.
Le vieillissement de la population et les maladies chroniques les plus courantes impliquent des coûts inévitables. Il est nécessaire de conserver un bon niveau d’investissement dans la formation et les technologies de pointe pour faire face à cette évolution. «Le système de santé suisse est considéré comme l’un des meilleurs au monde et il serait regrettable de lui porter atteinte», a-t-elle rappelé.
Des réformes qui porteront bientôt des fruits
Des efforts ont déjà été entrepris. Par exemple, le Conseil fédéral a adopté en 2018 deux programmes de maîtrise des coûts de la santé, dont le premier volet est actuellement mis en œuvre, le deuxième étant examiné par le parlement.
A la suite des discussions avec les différents acteurs de la tarification, Elisabeth Baume-Schneider se dit convaincue que les projets de réforme en cours porteront bientôt leurs fruits.
La ministre relève également une atteinte au fédéralisme, sachant que, selon ce projet, la Confédération assumerait les deux tiers des soutiens supplémentaires, sans tenir compte des différences de régimes entre cantons. Soit un coût qui se situerait entre 3,5 et 5 milliards de francs par année pour l’initiative 10%, selon l’hypothèse retenue par les auteurs du texte, sans doute bien davantage au cours des années suivantes.
Plafonnement à 10%
L’initiative Stop à l’augmentation des primes d’assurance-maladie a été déposée par le Parti socialiste suisse en 2020. Son idée centrale est de limiter le montant des primes d’assurance-maladie obligatoires à 10% au maximum du revenu total des ménages. Les initiants laissent toutefois ouvertes des questions importantes, comme le fait de déterminer clairement qui en serait bénéficiaire et comment s’effectuerait le calcul du revenu déterminant.
Comme son intitulé le laisse entendre, dès que les primes obligatoires dépasseraient 10% du revenu des ménages, des mécanismes de compensation ou de soutien devraient être mis en place. Il pourrait s’agir de subventions directes, de réduction de primes (négociées par les autorités auprès des assureurs), d’augmentation des aides sociales ou de toute autre réforme du système fiscal, selon les indications des initiants, qui laisseraient au parlement la responsabilité de la mise en application du projet.
Dans son contre-projet, le Conseil fédéral dit tenir compte de l’ensemble du contexte. Actuellement, la Confédération participe déjà à la réduction des primes à hauteur de 7,5% des coûts de l’assurance- maladie obligatoire, dont bénéficie près d’un quart de la population (à différents degrés). Le contre-projet propose que davantage de bénéficiaires seraient éligibles; toutefois, contrairement à l’initiative, le texte fédéral met l’accent sur la maîtrise des coûts de la santé en responsabilisant les cantons. La deuxième initiative, dite Frein aux coûts, a été déposée par le Centre, également en 2020. Elle repose sur l’obligation pour la Confédération d’activer un mécanisme de régulation des coûts lorsque les dépenses de santé dépasseraient de 20% les salaires. Dès que ce seuil serait atteint, il faudrait alors rétablir l’équilibre, même si les auteurs restent flous quant aux moyens pour y parvenir.
Le 15 avril 2024, un large comité interpartis, groupant aussi bien les Verts que l'UDC, le PS et le PLR ou des associations d'infirmières et de médecins de famille, est entré en campagne pour combattre ce projet. Particulièrement rigide dans sa forme, cette initiative comporte le risque de favoriser une médecine à deux vitesses. L’idée de corréler les primes de santé à la conjoncture économique s’avère aussi maladroite que dangereuse.
Il serait en effet prévisible de s’attendre à une baisse des prestations, puisqu’en fonction de l’évolution, les patients pourraient être amenés à payer de leur poche une consultation sur trois dans les vingt prochaines années, selon l’estimation de cette coalition des milieux de la santé. En outre, si les salaires baissaient, le mécanisme impliquerait théoriquement que la prise en charge des coûts par l’assurance de base diminue également.
Assez isolée, SantéSuisse, la faîtière des caisses-maladie, ne s’est pas jointe aux critiques et recommande d’approuver cette initiative.
Faussement simples
Le contre-projet prévoit que le Conseil fédéral s’entendra avec les acteurs de la santé pour fixer, tous les quatre ans, une limite à l’augmentation des coûts de l’assurance-maladie obligatoire. Les cantons pourraient fixer leurs propres objectifs de coûts et de qualité, en tenant compte des directives du Conseil fédéral et en consultant au préalable les différents acteurs de la santé. Une commission pour le monitorage des coûts et de la qualité surveillerait leur évolution pour que les mesures adoptées restent dans des proportions raisonnables. En résumé, ces deux initiatives proposent des solutions faussement simples, passant à côté des vrais défis. La FER recommande de les rejeter.
Le rôle des cantons en ligne de mire
En Suisse, les personnes ayant des difficultés à payer leurs primes d’assurance-maladie en raison de leur situation financière peuvent demander une aide cantonale. Ce droit varie cependant beaucoup d’une région à l’autre. Parfois, le subside est octroyé de manière automatique sur la base de la déclaration fiscale, par exemple à Genève. Dans d’autres cantons, les assurés doivent le demander expressément. La Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), qui promeut la collaboration intercantonale de politique de la santé, entretient un dialogue sur ces questions avec tous les acteurs au plan fédéral. Tobias Bär, responsable de la communication de la CDS, résume les enjeux de cette votation.
Comment vous positionnez-vous par rapport à ces deux projets?
Les cantons les rejettent de la même manière. Si l'on ne considère que les conséquences financières, l'initiative sur l'allègement des primes pèse plus lourd dans la balance.
Vous vous opposez à l’initiative Stop à l’augmentation des primes d’assurance-maladie. Que pensez-vous de son contre-projet fédéral?
Il ne m’emballe pas non plus. Il aurait des répercussions considérables sur les budgets cantonaux, plus précisément pour dix-huit d’entre eux. Au total, les coûts supplémentaires représenteraient 356 millions de francs pour les cantons. D'ici à 2030, leurs coûts supplémentaires annuels pourraient atteindre près d'un milliard de francs.
Dans le système actuel, quelle est la part cantonale du financement des soins de santé?
La part globale des cantons dans les dépenses pour la réduction des primes se monte à 46%. Le reste est pris en charge par la Confédération.
Vouloir régler les questions du coût de la santé à l’échelle nationale ne porte-t-il pas atteinte au fédéralisme?
C'est précisément pour cela qu'il faudrait laisser aux cantons le soin de décider comment réduire les primes des assurés de condition économique modeste. Le système de santé diffère d'un canton à l'autre et ne coûte pas le même prix, c'est pourquoi la réduction des primes varie également d'un canton à l'autre. Pour ces différentes raisons, les réductions de primes ne peuvent pas être examinées isolément. Elles sont au contraire intégrées dans le système cantonal d’imposition et de prestations sociales.
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