Les prix fixes, très peu pour l’hôtellerie

L'objectif est de proposer le bon prix au client et au bon moment
L'objectif est de proposer le bon prix au client et au bon moment
Pierre Cormon
Publié vendredi 15 mars 2024
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#Prix Interview: Dominique Cavaros, professeur à l'Ecole hôtelière de Genève.

«Plus que trois chambres à ce prix.» Qui n’est pas tombé sur un tel avertissement sur une plateforme de réservation d’hôtel? C’est l’une des manifestations les plus visibles de la tarification dynamique, ou revenue management, très répandue dans le secteur.

Dominique Cavaros, professeur à l’Ecole hôtelière de Genève, en explique les grands principes.

Quand l’hôtellerie a-t-elle adopté la tarification dynamique?

Elle a été introduite dans les années 1990 et s’est popularisée dans les années 2000. Depuis, tous les grands établissements ont un revenue manager chargé de la mettre en œuvre. L’objectif est de proposer le bon prix au bon client et au bon moment.

Est-elle adaptée à des hôtels de toutes les tailles?

La mise en place d’une démarche complète requiert des investissements (formation, informatique, salaires, etc.). Elle est donc plus adaptée aux moyennes et grandes structures, typiquement des quatre ou cinq étoiles de deux ou trois cents chambres. Les petits hôtels peuvent adopter une démarche plus simple – il existe des outils pour cela. Ils doivent cependant disposer de données de qualité, sur au moins deux ans, idéalement cinq.

Lesquelles?

Des données telles que: taux d’occupation, grands événements se déroulant dans la région, variations saisonnières, segments de clientèle, etc. Il faut également bien connaître son marché, savoir quel type de clientèle est présente à quel moment, quelle est la tendance des réservations, quels sont les taux d’occupation de la concurrence, etc. Cela permet d’analyser les pics d’affluence.

Et à partir de là?

Les outils de tarification se basent sur ces données pour proposer des adaptations de prix. Pour une même chambre, l’écart peut aller du simple au double. Il ne faut cependant pas suivre aveuglément les recommandations. Ces outils, par exemple, ne prennent pas en compte la météo et n’ont pas une connaissance de la clientèle aussi fine que les hôteliers. C’est la complémentarité entre l’outil et l’humain qui permet d’éviter ce qu’on appelle les trois fléaux de l’hôtellerie.

C’est-à-dire?

Le gâchis, d’abord: se retrouver avec des chambres non louées, car on a fixé des prix trop hauts. Le gaspillage, ensuite: louer une chambre moins chère que ce que le client était prêt à payer. La dilution, enfin: faire beaucoup de promotion sans que cela n’augmente le volume des ventes. Le but est toujours d’optimiser le taux d’occupation et le prix. Pour le faire, il faut garder quatre principes en tête.

Lesquels?

L’étanchéité: il faut cloisonner les prix destinés à différents segments de marché. A certaines périodes, on peut proposer des prix plus bas à la clientèle de loisirs, mais assortis de davantage de contraintes: pas de possibilité de modifier sa réservation ou de l’annuler. La clientèle d’affaire sera d’accord de payer davantage si elle est soumise à moins de contraintes.

La flexibilité: les prix doivent pouvoir être adaptés rapidement. Dans les grands hôtels, la meilleure offre varie tout au long de la journée.

La dégressivité: les cinq ou six niveaux de prix auxquels vous louez vos chambres ne doivent pas être trop éloignés les uns des autres et l’écart justifié par une différence de valeur ajoutée. Cela permet aux collaborateurs du front office d’inciter le client à choisir l’offre supérieure.

La lisibilité: la description des tarifs doit être claire, le client doit comprendre ce qui motive la différence de prix. Les prix doivent être les mêmes sur toutes les plateformes de réservation en ligne (du type booking.com ou expedia - ndlr), sans quoi elles vous rétrograderont dans les résultats de recherches.

Quelle augmentation des revenus peut-on escompter de la tarification dynamique? Entre 5% et 15%. En-dessous de 5%, cela ne vaudrait pas la peine de s’y lancer, car cela demande du temps et des investissements; 15% d’augmentation est un très beau résultat.

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Publié vendredi 15 mars 2024
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