#Droit
L’indemnité en faveur du travailleur lors d’un licenciement immédiat peut être réduite par imputation du revenu auquel il a renoncé intentionnellement.
Le Tribunal fédéral s’est récemment prononcé sur le licenciement immédiat injustifié d’un entraîneur sportif1. Cette jurisprudence nous donne l’occasion de rappeler les principes juridiques applicables en cas de licenciement immédiat.
Les faits
Un employé était engagé en qualité d’entraîneur jusqu’au 30 juin 2019 sur la base d’un contrat de travail à durée déterminée. Il a été licencié avec effet immédiat le 17 septembre 2018. En première instance, l’employeuse, un club sportif, a été condamnée au versement de la somme de 181 755,75 francs brut avec intérêts au titre de salaire et frais, dont à ajouter 40 000 francs avec intérêts au titre d’indemnisation pour résiliation injustifiée.
Sur appel, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan (ci-après «la Cour cantonale») a réduit à 94 422,40 francs, soit de presque moitié, la somme due par l’employeur au titre de salaire et frais, considérant que l’entraîneur avait intentionnellement renoncé à percevoir un autre revenu. Insatisfait du jugement rendu par la Cour cantonale s’agissant du montant du salaire et des frais mis à charge de l’employeur, l’entraîneur a recouru au Tribunal fédéral.
Les principes juridiques applicables
Tant l’employeur que le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs2.
La résiliation avec effet immédiat, qu’elle soit justifiée ou non, entraîne la fin immédiate des rapports de travail. Le contrat prend fin en fait et en droit.
Lorsque l’employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs, le travailleur a notamment droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée3.
Il faut déterminer le plus exactement et concrètement possible ce que le travailleur aurait réellement gagné s’il avait été congédié de façon régulière et s’il avait continué à travailler durant le délai de résiliation. Les créances du travailleur sont exigibles dès le licenciement immédiat et portent intérêts dès cette date.
La loi précise qu’il y a lieu d’imputer sur la créance du travailleur ce qu’il a épargné par suite de la cessation du contrat de travail, ainsi que le revenu qu’il a tiré d’un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnellement renoncé#44.
Cette imputation est une expression du principe général selon lequel celui qui subit un dommage doit faire tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour le réduire5. Pour déterminer si le travailleur a renoncé intentionnellement à un revenu, il faut tenir compte des circonstances du cas.
Si l’employeur peut prouver que le travailleur a intentionnellement renoncé à effectuer les recherches d’emploi appropriées alors qu’il eut été facile pour lui de trouver un nouveau travail, la créance du travailleur en réclamation du revenu qu’il aurait perçu s’il n’avait pas été licencié avec effet immédiat doit être réduite du revenu qu’il aurait ainsi pu réaliser. En principe, l’employeur peut se contenter de démontrer que, dans la profession en question, il existait, au moment concerné, une demande de forces de travail6.Tel ne serait en revanche pas le cas si, en raison des circonstances du marché du travail ou pour des raisons personnelles, il apparaît peu vraisemblable que le travailleur ait pu trouver une place adéquate7.
La décision du Tribunal fédéral
Les juges fédéraux ont examiné si la somme due par l’employeuse à l’employé au titre de salaire du 20 septembre 2018 au 30 juin 2019, en raison du licenciement immédiat injustifié de ce dernier8, pouvait être réduite en raison du fait que l’employé aurait intentionnellement renoncé à son revenu.
Les juges fédéraux rappellent qu’il appartient à l’employeur de prouver que l’état du marché permettait à l’employé licencié de trouver une place adéquate sans devoir prouver que l’intéressé aurait effectivement trouvé une place.
En l’espèce, l’employé n’a postulé qu’une seule fois en septembre 2018, pas du tout d’octobre 2018 à janvier 2019, deux fois en février 2019, sept fois en mars 2019, six fois en avril 2019 et quatre fois en mai 2019, auprès de clubs en Suisse et à l'étranger. Il a été engagé auprès d’un premier employeur le 13 août 2019 puis, dès la fin octobre 2019, il a été nommé entraîneur auprès d’un autre club.
Il ressort des faits retenus par la Cour cantonale qu’au vu des qualifications et des expériences professionnelles dont disposait l’employé, ce dernier aurait pu décrocher plus rapidement un nouvel emploi s’il avait déposé des candidatures de manière ininterrompue dès son licenciement en septembre 2018. Preuve en est que dès qu’il a commencé à postuler de manière régulière, il a pu retrouver un emploi convenable. Cette situation ne s’apparentait donc pas à un marché difficile dans lequel il aurait été désavantagé. Sur un solde de neuf mois et onze jours qui subsistait jusqu’à la fin du contrat de l’employé, la Cour civile a considéré que ce dernier avait intentionnellement renoncé à un revenu pendant une période de quatre mois et onze jours, période durant laquelle il n’avait presque pas postulé.
L’employé n’ayant pas justifié valablement les raisons pour lesquelles il n’avait pas postulé régulièrement dès son licenciement, ni réussi à prouver que le raisonnement de la Cour cantonale était insoutenable ou arbitraire, les juges fédéraux ont rejeté le recours de l’employé.
En conclusion
Lorsque le motif invoqué à l’appui d’un licenciement immédiat ne constitue pas un juste motif de licenciement immédiat, l’employeur risque d’être condamné non seulement au versement d’une indemnité pour licenciement immédiat injustifié pouvant aller jusqu’à six mois de salaire, mais également au versement du salaire auquel l’employé aurait eu droit s’il avait été licencié moyennant respect de son délai de congé ou au salaire auquel il aurait eu droit jusqu’à l’échéance du contrat à durée déterminée. Cependant, le montant du salaire dû à l’employé peut être réduit lorsque ce dernier renonce intentionnellement, durant le délai de congé, à percevoir un revenu auquel il aurait eu droit, ou pendant la durée résiduelle de son contrat à durée déterminée, par exemple lorsqu’il ne postule pas ou ne postule pas suffisamment. Ainsi, selon les circonstances, l’employeur pourra bénéficier de cette réduction du montant à allouer à l’employé licencié de manière immédiate, mais injustifiée.
1 Arrêt du Tribunal fédéral 4A-90/2024 du 30 octobre 2024
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