Eric Décosterd Chargé de cours HES Publié vendredi 26 août 2022
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Le 30 mars 1981, souriant, le président Ronald Reagan salue la foule en se dirigeant vers sa limousine présidentielle. Un homme surgit et tire à six reprises en direction du président, lequel est immédiatement évacué vers un hôpital.
Dans la salle d’opération il dit à son épouse, Nancy: «Chérie, j’ai oublié de me baisser» et aux chirurgiens «J’espère que vous êtes tous républicains».
J’ai toujours admiré mes collègues anglophones pour leur capacité à pratiquer l’humour dans toutes les situations. Leur fameuse opening joke (blague d’ouverture) fait partie de cette attitude. De quoi s’agit-il ? Briser la glace avec l’audience dès les premiers mots, créer une proximité, attirer l’attention. Cela peut prendre la forme d’une petite anecdote personnelle et comique ou d’une blague qui permet de faire le lien avec le sujet du jour. Souvent, l’orateur commence par la phrase suivante: «Le thème de ce soir me rappelle l’histoire des deux amis qui partent à la chasse…».
Placée au début, la blague sera le tremplin de la présentation. Il s’agit de ne pas la louper. Sauf à être un comique professionnel, le conférencier veut surtout délivrer un bon mot avant de passer aux choses sérieuses.
ä quand remonte notre dernier fou rire?
Plus largement, on peut se poser la question de savoir si l’humour a une place dans l’entreprise et son management. Pour le savoir une simple question suffit: à quand remonte notre dernier fou rire au travail? Les enquêtes faites sur ce thème montrent que, pour une grande partie des collaborateurs, le rire, et donc le fou rire, ne font pas partie de la culture de l’entreprise; l’attitude de retenue – selon moi très suisse – n’aide pas. Un souvenir me revient. Une année dans mon processus de recrutement de candidats EMBA, je glissais à la fin de la discussion la demande suivante: racontez-moi une blague! A mon grand étonnement, environ 40% des candidats étaient incapables de m’en dire une, 10% me racontaient une histoire en rapport avec l’interview que nous venions d’avoir, 30% racontaient une blague quelconque, alors que 20% s’en sortaient en me disant que celle qui leur venait à l’esprit n’était pas très présentable!
Peut-on apprendre l’humour?
Comme souvent, il y a quelque chose d’inné dans l’humour, mais le sens de l’humour peut se développer. Nous avons souvent la même discussion quand on parle d’«esprit vendeur» ou de charisme. Cela peut s’apprendre. Comment procéder?
Inutile de vouloir se transformer en comique. Il faut rester authentique, rester soi-même. Ne pas hésiter à faire de l’autodérision et éviter de faire de l’humour aux dépens d’autrui. N’oublions pas que les blagues au travail sont faites pour détendre l’atmosphère ou pour faire passer un message. Finalement, si nous voulons pratiquer l’humour, il faut impérativement accepter l’humour des autres.
Travailler sérieusement sans se prendre trop au sérieux. L’humour va dans cette direction. Si vous voulez aller plus loin, la Fish Philosophy pourrait vous inspirer. De quoi s’agit-il? En 1997, le cinéaste John Christensen découvre lors de son passage à Seattle une entreprise pleine d’enthousiasme et d’énergie, le marché aux poissons de renommée mondiale Pike Place. Des foules entières viennent y contempler des poissonniers travaillant avec passion. Les salariés ont en effet décidé de faire de leur job une véritable animation, voire une attraction. Ils montrent qu’ils sont heureux au travail et communiquent avec humour. Avoir des gens heureux sur la place de travail, telle est la devise de la Fish Philosophy. Elle s’articule autour de quatre piliers principaux: être dans le présent, être naturel, faire vivre une journée mémorable à votre entourage et choisir votre attitude. D’autres diront voir «le verre à moitié plein ou à moitié vide». L’humour apportera sa contribution. C’est peut-être le moment de se rappeler cette décision de Voltaire: «J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé».
Revenons-en à la blague d’ouverture. Être simple et court, la tester sur des collègues et, finalement, aller du sérieux au comique, tels sont les conseils à suivre. Reprenons celle des deux amis qui partent à la chasse. L’un des deux chasseurs s’effondre. L’autre, paniqué, appelle les urgences. «Mon ami est mort! Qu’est-ce que je peux faire?», s’écrie-t-il. Le standardiste lui répond: «Gardez votre sang-froid. D’abord, assurez-vous qu’il est bien mort». Après un bref silence, un coup de feu retentit...
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