Miloo veut nous mettre en selle

Daniel van den Berg et Anna Bory, cofondateurs de Miloo.
Daniel van den Berg et Anna Bory, cofondateurs de Miloo.
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 30 août 2024
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#Mobilité Fondée en 2018 à Genève, Miloo mise sur le vélo électrique comme symbole des changements dans nos habitudes de vie.

Anna Bory, cofondatrice de Miloo, raconte comment elle a réussi à vendre plus d’un millier de vélos électriques, passant à la vitesse supérieure. Dans son fonctionnement quotidien, Miloo fonctionne grâce à une gestion partagée entre Anna Bory et Daniel van den Berg, qui ont mis leur cœur et leurs économies dans ce projet. Nichée dans une arcade au cœur de la vieille ville, la start-up attire les passants avec ses vélos exposés comme des créations de haute-couture, dans une ambiance décontractée.

Comment est né votre projet?

Je suis passionnée par la mobilité depuis des années. Après des débuts dans une agence de publicité à New-York, j’ai travaillé pour Audi, ce qui m’a menée en Asie. De retour en Suisse, j’ai réfléchi à ces expériences. Aujourd’hui, 80% des déplacements ont lieu dans un rayon de moins de vingt kilomètres. Cela a des effets sur nos choix de véhicules. Je suis convaincue que nous allons opter pour des modes de transport plus rapides, plus écologiques, plus rationnels et moins coûteux. Le projet de Miloo est né de cette réflexion. Ce constat s’est fortifié lors de mon long séjour en Asie, où le vélo est omniprésent, surtout dans les villes, tentaculaires et embouteillées. Lorsque je travaillais pour Audi en Chine, j’avais une voiture et un chauffeur à ma disposition: un vrai luxe! Mais j’ai rapidement compris que j’arrivais plus vite à destination en empruntant l’un des innombrables vélos disponibles. Revenue en Suisse grâce à une offre intéressante d’un groupe de luxe, j’ai continué à réfléchir aux enjeux de mobilité.

Qu’est-ce qui vous a convaincue de quitter un poste prometteur pour prendre un tel risque entrepreneurial?

Ma rencontre avec Daniel van den Berg, qui nourrissait un projet d’entreprise dans la mobilité douce et sécurisée, a été décisive. Nous partageons une vision commune, même si nos parcours ont été différents, Daniel venant du secteur de la logistique. Il nous a fallu un an pour lancer Miloo, en proposant des vélos personnalisables, adaptés à tous les besoins, y compris pour les personnes qui n’osaient pas se mettre en selle.

Pourriez-vous en dire plus?

En 2019, le débat sur la mobilité prenait de l’ampleur. Nous sentions qu’il se passait quelque chose. Pourtant, les pouvoirs publics peinaient à proposer des solutions viables pour faire face à l’augmentation du trafic en ville et pendulaire. Malgré un contexte favorable, bâtir une notoriété à partir de rien a été un défi. La concurrence, notamment asiatique, commençait à apparaître. Notre idée était claire: nous avons voulu parier sur des modèles de haut de gamme, avec des opérations de sécurité et des finitions contrôlées en Suisse, dans notre atelier de Meyrin.

La pandémie a-t-elle eu un effet sur votre projet?

Lancée en 2019, Miloo a sorti cinq cents unités la première année. Malgré des moyens limités, nous avons pu payer nos fournisseurs et gérer notre affaire en flux tendu. La pandémie a ensuite suscité un intérêt pour une nouvelle forme de mobilité. Cependant, je suis lucide: si nous avions lancé Miloo en 2020, nous n’aurions pas survécu à cause des ruptures dans la chaîne de production. Cet épisode a renforcé notre stratégie d’évitement d’une dépendance excessive à certains fournisseurs, notamment en Asie. Nous ressentons encore les effets du ralentissement qui a suivi et qui a mis en difficulté certains acteurs du secteur.

Malgré tout, la société a grandi...

Au début, nous n’étions que deux, Daniel et moi. Aujourd’hui, nous employons une quinzaine de personnes, dont trois qui s’occupent de la création et de l’assemblage dans notre atelier de Meyrin. Les autres font partie de nos équipes de vente, dans nos boutiques de Lausanne et de Zurich, ainsi que chez nos partenaires. Au début, nous avons lancé un premier vélo roulant à 45km/h, la vitesse critique selon les experts en mobilité pour être une alternative valable à la voiture. En nous développant, nous avons élargi notre gamme pour proposer six types de véhicules, allant de modèles ultra-légers à des vélos limités à 25km/h. Miloo se distingue aussi par son marketing et ses partenariats. Notre volonté d’avoir un impact écologique nous a poussés à unir nos forces avec des entreprises partageant ces objectifs, comme Caran d’Ache ou Nespresso, pour fabriquer des vélos en séries limitées avec de l’aluminium recyclé. Nous avons également eu la chance de convaincre des personnalités ayant des orientations intéressantes. Par exemple, nous avons convaincu Mike Horn de développer avec nous un premier e-bike combinant efficience énergétique et ultra-puissance. Dernièrement, nous nous sommes associés à Marco Odermatt pour concevoir un modèle répondant à ses exigences de performance, tant pour ses entraînements en été qu’en hiver.

Quel est votre style de management?

Notre approche est atypique, reposant sur la confiance réciproque entre Daniel et moi-même, avec des frontières floues. Cela nous permet de régler les urgences sans trop de formalisme. Certains collaborateurs ont dû s’accommoder de cette hiérarchie particulière. Désormais, nous clarifions ce point lors des engagements, toujours menés en tandem. Enfin, nous sommes en perpétuelle évolution, cherchant à améliorer le potentiel de notre entreprise. Il nous est même difficile de décrocher!

Comment jugez-vous le sort des fondateurs de start-up en Suisse?

Il faut être convaincu de son projet, car les soutiens publics ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Dans notre cas, nos propositions de partenariat avec certaines institutions, comme les universités, n’ont pas abouti, alors que nous avons réussi à nous autofinancer. La fiscalité n’est pas très incitative non plus. Quoi qu’il en soit, nous restons concentrés sur le fait que le vélo électrique a pour l’instant un faible taux de pénétration en Suisse, d’environ 10%. Le potentiel de développement est réel et c’est une motivation en soi, tout comme l’envie de contribuer à un grand virage sociétal.

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