Modèle économique de la presse romande: vers la chute?

Regula Marti, membre de la direction générale de Tamedia.
Regula Marti, membre de la direction générale de Tamedia.
Vincent Malaguti
Publié dimanche 04 février 2024
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#Information La Suisse romande fourmille de nouvelles idées. Elle peine néanmoins à trouver un modèle économique pérenne.

Dans l’information journalistique, chaque média tente d’apposer sa touche pour faire la différence avec la concurrence. Dans le contexte actuel, tous veulent esquisser leur futur, sans renier leur passé et mettre en danger leur existence. La nécessité de se réinventer était le sujet des dernières Assises presse et démocratie, à Genève. Parmi les pistes de renouveau évoquées: une bonne préparation sur des points bien identifiés, une réflexion ciblée sur les différents formats disponibles ou la mise en place d’une meilleure valorisation des contenus publiés. «L’identité éditoriale doit toujours guider la stratégie numérique, et non l’inverse», résume Jean Abbiateci, fondateur de heidi.news et Bulletin. Les médias doivent «innover moins et ne pas suivre de modes».

Penser marque et clients

Un exemple: la mise en place de rendez-vous quotidiens avec les lecteurs. «Cela peut passer par une newsletter à la structure hiérarchisée, résumant intelligemment l’actualité», poursuit-il. Pour Grégoire Nappey, rédacteur en chef adjoint du Temps, le rendez-vous avec les lecteurs passe par les réseaux sociaux. Le quotidien valorise ses contenus au fil de la journée, à des heures précises. Le journal apporte une grande attention au samedi après-midi et au lundi matin, ainsi qu’à la valorisation de ses contenus restant d’actualité plusieurs mois. Autre moyen de fidéliser le lecteur: la création de valeur ajoutée. Elle passe par un large travail de planification du traitement des actualités, en amont de sa réalisation. Chaque contenu, sa mise en scène et sa narration, est travaillé avec le journaliste et les divers corps de métiers (édition, multimédia, etc.), sans penser au format. «Notre volonté est d’identifier le canal qui servira le mieux le contenu», précise Grégoire Nappey.

Une réflexion également faite du côté de Tamedia, comme le confirme Regula Marti, chief product officer et membre de la direction générale du groupe de presse. «Notre ambition est d’anticiper les défis du client et les services qu’on peut lui fournir dans le cadre de son expérience abonné.»

Les objectifs économiques, grands oubliés

Michel Jeanneret et Thomas Deléchat, respectivement rédacteur en chef et directeur de la rédaction de Blick Romandie, ambitionnent d'être le premier réflexe du matin des lecteurs. Une seule différence: ils n’ont pas à se soucier d'une édition papier. Le pureplayer existe en ligne depuis juin 2021, et dit «choisir ses combats pour mieux gagner». Notamment en misant sur les plumes et des offres variées, avec des sujets gastronomie, argent ou bien-être. Ces idées se heurtent, pour l’instant, à la question du modèle économique, comme le soulève Philippe Amez-Droz, maître d’enseignement et de recherche en sciences de la communication, de l’information et des médias à l’Université de Genève. Aucun modèle, totalement ou partiellement payant, ne permet à un média de vivre uniquement de ses contenus. Le fait de vendre certains contenus exclusifs plus chers ne semble pas avoir les résultats escomptés. Quant au modèle basé sur le gratuit pour le lecteur, il semble atteindre certaines limites. «Il est non pérenne, car il crée une certaine pression, et demeure substituable, car le lecteur n’est plus forcément attaché à une marque», indique-t-il.

Un média doit avant tout réfléchir à son modèle économique en ayant ses objectifs en tête, comme combler un déficit, soutenir les coûts de sa transition numérique ou financer la production de contenus. Un point souvent oublié, à entendre Philippe Amez-Droz, et sur lequel la presse romande ne semble pas être à la page, peinant à imposer une véritable signature.

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