Quand j’étais à l’école primaire, on apprenait que nous étions cinq milliards de personnes sur Terre. Aujourd’hui, nous en sommes à neuf milliards et les démographes nous annoncent que la population devrait culminer à dix ou onze milliards avant de redescendre, aux alentours de 2070 ou 2100.
En l’espace d’une vie (la mienne, en l’occurrence) le nombre de personnes sur Terre aura donc doublé. L’accélération démographique est majeure dans un laps de temps aussi court. Pourtant, ces dernières semaines, de nombreux articles de presse ont parlé de manière alarmiste de la dénatalité qui règne en Europe et dans tous les pays occidentalisés. Parmi ceux-ci, seul Israël a encore un taux de natalité au-dessus de 2,1 enfants par femme, qui permet le renouvellement des générations.
Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de cette baisse des naissances? La réponse n’est pas simple. De nombreux pays industrialisés mettent en place des politiques natalistes, à l’image des pays scandinaves, très généreux en termes de congés parentaux, d’infrastructures de garde et de compensations financières. Malgré les investissements consentis, ces politiques ne portent pas leurs fruits. Leurs taux de natalité sont comparables aux pays qui ne font pas autant d’efforts.
Les causes de la dénatalité ne sont donc pas en premier lieu financières. Elles témoignent d’un changement culturel qui allie nouveaux styles de vie, individualisme et la fin de la stigmatisation des couples sans enfants. Le statut même de l’enfant a changé. Longtemps considéré comme un soutien aux parents, il est désormais considéré sous l’angle des coûts qu’il engendre. A cela s’ajoute le fait que l’âge de la première naissance recule toujours plus, un désavantage pour la natalité, mais un avantage pour les mères. Chaque année sans enfant représente pour une femme la possibilité d’améliorer ses revenus.
Aux Etats-Unis, les mères qui ont leur premier enfant au milieu de la trentaine gagneront deux fois plus que si elles l’avaient eu à 22 ans. Dans ce pays, plus de la moitié de la baisse de la fertilité est due au recul des naissances chez les femmes de moins de 19 ans. Sachant que les grossesses adolescentes sont directement liées à la pauvreté et à une mauvaise santé chez la mère et l’enfant, cette baisse témoigne d’un réel progrès social.
En Suisse, la population a augmenté de 145 000 personnes en 2023. Mais ce n’est pas grâce aux naissances, qui sont de 1,33 enfant par femme, le taux le plus bas jamais enregistré. Nonante-cinq pourcent de cette augmentation est due à l’immigration et le reste à l’équilibre entre naissances et décès. La migration est importante pour pallier la pénurie de main-d’œuvre et participer à un système social dans lequel les personnes actives paient pour les personnes à la retraite. Le maintien d’une économie innovante et d’un système social performant dépend des forces vives sur le marché du travail. Au vu du déclin démographique annoncé, des réformes des systèmes sociaux des pays industrialisés et des avancées technologiques pour compenser la perte de main-d’œuvre seront indispensables au maintien du niveau de vie.
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