Nouvelles négociations entre la Suisse et l’UE: premières difficultés
Barbara Speziali
Publié jeudi 20 juin 2024
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#Bialtérales La Suisse et l’Union européenne ont relancé le 18 mars de nouvelles négociations bilatérales. Quelles sont leurs chances de succès?
Trois ans après la rupture brutale des négociations par la Suisse et après dix-huit mois de discussions exploratoires, la Suisse et l’Union européenne (UE) se sont accordées sur une «convention d’entente». Ce projet ne prévoit pas d’accord-cadre unique, mais privilégie une approche sectorielle: il s’agit d’actualiser les accords existants sur le marché intérieur, comme ceux concernant les transports et l’agriculture, et de conclure de nouveaux accords dans les domaines de l’électricité et de la sécurité alimentaire. Il est également prévu que la Suisse puisse participer aux programmes de l’UE, notamment dans les domaines de l’éducation et de la recherche.
Les négociations sont conduites parallèlement dans chaque domaine. En tout, quatorze groupes de travail ont été créés. Du côté suisse, les négociations sont menées conjointement par Alexandre Fasel, secrétaire d’Etat, et Patric Franzen, secrétaire d’Etat adjoint.
Depuis le lancement officiel des négociations le 18 mars dernier, les discussions se déroulent de façon intensive. Il a fallu beaucoup de temps pour rétablir la confiance. C’est la tâche du secrétaire d’Etat Alexandre Fasel. Les discussions ont bien débuté, dans une ambiance relativement cordiale. «Mais cela commence à tanguer», constate Jean Russotto, avocat suisse établi à Bruxelles et président du Comité CH-UE. «L’UE formule des demandes quasi maximalistes et la Suisse fait de même. Après trois mois de négociations, on se rend compte que le parcours n’est pas aussi simple qu’on l’imaginait et que la convention n’est pas la panacée. Il va falloir avancer en éliminant les obstacles un par un.»
Or, la liste des dossiers épineux s’allonge. En premier lieu: la question des travailleurs détachés et la reprise par la Suisse des frais de séjour compensatoires. La participation de la Suisse au programme universitaire Horizon Europe est également loin d’être acquise. Autre sujet problématique et extrêmement délicat: l’accord de reconnaissance mutuelle. L’UE insiste sur une reprise complète des dispositions, tandis que la Suisse plaide pour une reconnaissance équivalente. Sur le plan juridique, les discussions patinent encore sur le règlement des différends. Enfin, la Suisse réclame plus de visibilité concernant sa contribution à la cohésion sociale et économique au sein de l’UE.
Autant dire que l’objectif agréé de part et d’autre de conclure les négociations d’ici à la fin 2024 semble illusoire. «Plus beaucoup de monde n’y croit», reconnaît Jean Russotto, «mais les miracles existent partout». «Il faut privilégier la qualité», estime l’avocat, «peu importe si nous avons quelques mois de retard, l’idéal serait de parapher un accord en 2025 pour pouvoir organiser un référendum en 2026. Nous avons une période de temps confortable, mais pas davantage, car en 2028 auront lieu les élections fédérales».
Du côté de l’UE, en revanche, l’avenir s’annonce plus trouble et plus incertain. La Commission européenne termine son mandat à la fin de cette année: quels seront les objectifs et les politiques du nouvel exécutif au lendemain d’élections européennes qui ont vu un renforcement des partis de droite et d’extrême-droite? L’interlocuteur du conseiller fédéral Ignazio Cassis à la Commission européenne, le commissaire Maros Sefcovic, sera-t-il toujours en place et à quel poste? A ces incertitudes s’ajoute le fait que l’UE sera présidée dès juillet par le Hongrois Viktor Orban. Nul ne connaît sa position sur la question suisse. Et surtout, l’UE a d’autres priorités, à commencer par la guerre en Ukraine et s’assurer d’un Parlement fonctionnel, sans compter la gestion du tentaculaire dossier chinois.
Accord équilibré
«La confiance entre la Suisse et l’UE s’est relativement bien rétablie», résume Jean Russotto. «Mais je sens chez nos partenaires beaucoup d’interrogations: l’UE veut conclure un accord, mais elle ne voit pas un retour très attentif. Pour la Suisse, il est essentiel d’avoir un accord équilibré. Avec des concessions de part et d’autre, on peut y arriver. Si on termine les négociations à la fin 2025, je serai satisfait. La Suisse ne peut pas se permettre un échec. Outre le fait que nous assistons à une érosion progressive des accords bilatéraux, c’est en fin de compte la question de la place de la Suisse dans l’Europe qui est en jeu.»
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