Pierre Cormon Journaliste Publié mercredi 24 mai 2023
Lien copié
De vieilles craintes ont été ravivées par l’intelligence artificielle ChatGPT, qui répond aux questions qu’on lui pose en langage naturel et peut même écrire un programme informatique sur demande.
Combien de postes de travail détruira-t-elle? se demande-t-on. Allons-nous tous nous retrouver au chômage? Cette crainte s’est déjà manifestée à maintes reprises depuis le début de la révolution industrielle, par exemple chez les tisserands lyonnais, qui craignaient l’arrivée des machines à tisser au XIXème siècle. Oui, mais cette fois, c’est différent, entend-on. Je n’y crois pas un instant.
Il est indéniable que la technologie détruit des postes de travail, ce qui est toujours une tragédie pour les personnes concernées. Il est tout aussi clair qu’elle en crée, ce qui est une chance pour d’autres. Les copistes et les dactylos ont disparu, les informaticiens et les webmasters sont apparus.
Au total, l’influence de la technologie sur le nombre de postes de travail est, à mon avis, grandement surévaluée. Pour étayer cette assertion, comparons la Suisse et, mettons, l’Espagne.
L’état de la technologie y est grosso modo le même. Les résidents et les entreprises de Cadix ou de Burgos ont le même accès à Google, à la blockchain ou aux robots industriels que ceux de Saint-Gall ou de Fribourg. Pourtant, l’Espagne connaissait un taux de chômage de 12,4% en 2022, et la Suisse de 4,3%, au sens du BIT. Presque trois fois moins. Conclusion: la technologie exerce certainement une influence sur le taux de chômage, et continuera à le faire. Cette influence est cependant nettement moindre que celle d’autres facteurs – ceux pour lesquels on observe une différence sensible entre les deux pays.
Pensez au système de formation, à la position géographique, à la législation, aux autres conditions cadre... L’ami à qui j’expliquais cela m’a répondu: certes, mais la situation de la Suisse et de l’Espagne n’est pas comparable. Le système économique est ainsi fait que certains pays attirent plus de richesses que d’autres, au détriment de ces derniers.
Ce n’est pas l’objet de cet éditorial que de discuter cette hypothèse. Je constate cependant qu’elle n’a rien à voir avec la technologie. En supposant que mon ami ait raison, ce n’est pas en s’attaquant à la technologie que l’Espagne, la Grèce ou l’Italie ont le plus de marge de manœuvre pour diminuer leur taux de chômage, mais en s’arrangeant pour grimper dans le pecking order mondial. CQFD.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.