Pérennité d’entreprise: pourquoi le management buy out séduit-il si peu?
Le management by out est une forme de transmission d’entreprise qui garantit la pérennité de celle-ci.
Steven Kakon
Publié vendredi 17 octobre 2025
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#Transmission entreprise
Ce modèle de transmission d’entreprise qui incarne continuité et confiance peine à s’imposer en Suisse. En cause, notamment, les freins financiers majeurs auxquels il se heurte.
Le terme de management by out (MBO) est réapparu dans les médias à l’occasion d’un passage de témoin stratégique dans l’entreprise genevoise Devillard. Cette formule, peu répandue en Suisse, a été choisie par ce fournisseur de solutions d’impression, d’informatique, de cybersécurité et de gestion documentaire en Suisse romande depuis soixante ans. L’entreprise familiale, fondée en 1958, est ainsi passée en 2025 entre les mains de deux collaborateurs de longue date, François Pflieger et Luc Schenkel, désormais co-directeurs généraux et actionnaires majoritaires.
«Les offres de grands groupes ou d’investisseurs financiers qui se sont présentés ne correspondaient pas à notre philosophie entrepreneuriale ancrée dans notre région, en respect de nos collaborateurs et au service de nos clients», indiquait le communiqué de l’entreprise diffusé le 12 août dernier.
Avec cette décision, Devillard se distingue de la majorité des PME suisses: selon la banque Raiffeisen, près de 60% des entreprises sont cédées à des tiers externes. Le MBO, une opération où les cadres dirigeants rachètent les parts de l’entreprise pour en prendre le contrôle, ne représente qu’environ 20% des transmissions. Difficile néanmoins d’avoir un regard précis sur les transmissions, sujet sur lequel peu de statistiques existent. «Nous avons toutefois des estimations de banques et d’autres organismes qui se recoupent», souligne Claude Romy, expert en évaluation et transmission d’entreprises et administrateur indépendant.
Le MBO présente de nombreux avantages: continuité des activités, transmission du savoir-faire, confiance établie entre les parties. Mais il reste confronté à plusieurs obstacles.
Financement externe
D'une part, il ne s’agit que d’une option parmi d’autres pour les cédants. Une opération de transmission sur deux reste familiale. «C’est beaucoup», commente Claude Romy. D’autre part, les limites financières sont souvent dissuasives. «Les moyens des repreneurs internes sont généralement modestes, ce qui freine l’enthousiasme des deux côtés.»
Le rachat de tout ou partie du capital se fait généralement avec le soutien de financements externes, comme des banques, des fonds d’investissement ou des partenaires en private equity. Le solde repose souvent sur un prêt vendeur, soit un crédit accordé par l’ancien propriétaire, remboursé sur le long terme.
À cela s’ajoute que le repreneur interne, bien qu’il bénéficie d’un prix souvent inférieur à celui d’une vente à un tiers, peut demander un rabais supplémentaire. «Il arrive aussi que le repreneur doive puiser dans les bénéfices de l’entreprise pour couvrir sa dette, ce qui peut s’avérer risqué», prévient Claude Romy. Conclusion: ces contraintes financières rendent, paradoxalement, la vente à un concurrent parfois plus simple à conclure.
Planification
Autre explication possible: le manque de préparation ou de succession planifiée. Lorsque celle-ci n’est pas anticipée, le temps disponible est limité pour former et préparer un repreneur interne. Le passage du rôle de collaborateur à entrepreneur n’est pas évident non plus. Ce basculement implique une prise de responsabilité accrue, notamment en matière de finances et de gestion du personnel. Au-delà de ces problématiques, le manque de communication et d'information sur les opérations de MBO contribue à leur rareté.
MBO en douceur chez MIS Trend
MIS Trend, institut indépendant d’études de marché et de sondages d’opinion basé à Lausanne, incarne un exemple réussi de MBO. En 2011, sa fondatrice Marie-Hélène Miauton, qui a créé l’entreprise en 1978, a transmis l’intégralité de ses actions à cinq cadres de la société. Parmi eux, Christoph Müller, toujours membre de la direction, revient sur cette transition avec quinze ans de recul. «Je suis étonné que cette formule soit si peu populaire, alors qu’elle présente de nombreux avantages», confie-t-il.
Pourquoi avoir opté pour un MBO?
À l’époque, MIS Trend était déjà une PME d’une trentaine de collaborateurs fixes. Nous connaissions parfaitement l’entreprise et Marie-Hélène Miauton nous connaissait tout aussi bien. Il existe toujours un risque avec un repreneur externe. Le MBO permettait une continuité naturelle des activités
Comment la succession a-t-elle été préparée?
Rien n’a été précipité. La transition a été pensée en amont. Marie-Hélène Miauton est restée au conseil d’administration pendant près de dix ans après le MBO, ce qui a permis d’assurer une continuité stratégique, sans interférer dans l’opérationnel.
Quels ont été les principaux défis?
Il fallait gérer la succession avec discrétion, tant à l’interne qu’à l’externe, pour préserver la sérénité du processus. Il fallait aussi que la succession soit acceptée à l’interne, ce qui a été le cas. Côté clients, la transition s’est faite sans heurts: chacun des repreneurs gérait déjà son propre portefeuille. Nous n’avons perdu aucun client.
Et sur le plan financier?
Nous avons constitué une holding qui a acquis les actions de MIS Trend. Le remboursement s’est fait progressivement, via les bénéfices de l’entreprise, sur plusieurs années. Une banque nous a accompagnés dans cette opération.
Autres exemples de MBO
En juin 2014, Eric Syz, l'un des trois cofondateurs de la banque genevoise SYZ SA, a acquis la quasi-totalité des actions de la holding du groupe, devenant ainsi l'actionnaire majoritaire et le CEO exclusif. Cette décision a été prise après l'expiration d'un pacte d'actionnaires, permettant à Eric Syz de renforcer son rôle de leader au sein de l'entreprise. Avec cette opération, la banque s’est recentrée sur ses activités principales, notamment la gestion de fortune, et a renforcé sa position sur le marché suisse et international. Exemple plus récent La PME lausannoise d’installations électriques Gaudard Énergies, illustre une transmission familiale au moyen d’un MBO. En 2023, Aurore Müller Gaudard a organisé la reprise de l’entreprise en rachetant, avec son frère, les parts de leur père Guy Godard, fondateur de l’entreprise en 1991. Directrice générale, elle est détentrice de la majorité du capital.
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