#AFP ux ans fêtent leur vingtième anniversaire. Ils constituent parfois des professions à part entière, plus souvent une marche intermédiaire vers le CFC.
Les résultats scolaires? «Nous en tenons rarement compte au moment d’évaluer un candidat pour un apprentissage AFP», assure Véronique Rime, responsable de la formation au sein de l’EMS La Champagne, à Soral (GE). «Ce qui nous intéresse, c’est la motivation.»
Et pour cause: les attestations fédérales de formation professionnelle (AFP) ont précisément été créées pour intégrer sur le marché du travail des personnes éprouvant trop de difficultés scolaires pour viser directement un certificat de capacité professionnelle (CFC). Ces apprentissages en deux ans ont été introduits à la rentrée 2004. En vingt ans, ils se sont fait leur place dans le paysage de la formation professionnelle et représentent environ 10% des titres de fin d’apprentissage décernés en Suisse – un pourcentage qui a sensiblement progressé au cours des années. «Les AFP ont remplacé des formations élémentaires ou des formations professionnelles non réglementées, comme celle d’aide-soignante, qui ne dépendaient pas de la loi fédérale sur la formation professionnelle», raconte Gilles Miserez, directeur général de l’Office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue du canton de Genève (OFPC). «La révolution a été de concevoir l'AFP comme un diplôme professionnalisant, mais aussi comme une passerelle vers le CFC.» De plus, les titres AFP sont reconnus de Genève à Saint-Gall et de Bâle à Bellinzone, ce qui n’était pas le cas des anciennes formations. Il existe aujourd’hui une soixantaine d’AFP différentes, de logisticien à aide-maçon en passant par agent de propreté, gardien de chevaux et fleuriste.
On peut grosso modo les diviser en deux. Quelques formations AFP mènent à des professions à part entière, comme polisseurs (horlogerie) et aide en soins et accompagnements. D’autre part, la plupart des AFP constituent une marche intermédiaire vers le CFC. C’est le cas dans les domaines de la coiffure, de la vente ou des métiers de l’automobile. «Elles visent des jeunes qui ont d’importantes difficultés scolaires», relève Frank Sobczak, directeur du département formation à la FER Genève. «L’AFP leur offre un rythme d’apprentissage adapté.» Obtenir un titre peut leur redonner confiance et les préparer à entreprendre un CFC.
«Avec uniquement une AFP, il sera plus difficile de s’intégrer sur le marché du travail», estime Laurent Baechler, responsable formation professionnelle à la FER Genève. Les personnes dans ce cas sont nombreuses à rester au sein de leur entreprise formatrice, relève l’étude du service de la recherche en éducation, à Genève, La formation professionnelle à Genève, Etat des lieux en 2022. Lorsqu’elles postulent à un poste, leurs chances sont moindres que celles des titulaires de CFC, à part dans certaines professions. C’est notamment le cas de l’AFP d’assistant de bureau (la seule à pouvoir être effectuée uniquement en école). On devrait donc encourager les titulaires d’AFP à entreprendre un CFC lorsque c’est possible. «Dans la plupart des professions, ils reprennent l’apprentissage CFC en première année pour consolider leurs connaissances», note Frank Sobczak. «Dans certains métiers, ils peuvent commencer directement en deuxième année.»
La transition vers un CFC peut être difficile. Un tiers de ceux qui la tentent ne parvient pas au bout de ce second apprentissage. Le niveau scolaire du CFC, plus élevé, peut constituer un obstacle. «Leur difficulté à obtenir un CFC est à l’image des difficultés qu’ils ont connues pour accéder à une AFP», remarque l’étude précitée.
Les exemples contraires sont cependant nombreux. Comme ce conseiller au service après-vente du garage de poids lourds LARAG, à Genève, passé par l’AFP, le CFC et le certificat conseil après-vente d’un constructeur automobile. «Il était d’abord réticent à accepter un poste au service après-vente, car il n’aime pas écrire», se souvient David Iglesias, responsable d’exploitation du garage LARAG. «Mais il est dynamique et empathique, et nous avons réussi à le convaincre.» Bref, «il s’agit d’une bonne formation, qui permet d’intégrer rapidement des personnes sur le marché du travail», résume Frank Sobczak. «Elle doit cependant être réservée à des personnes qui éprouvent de vraies difficultés scolaires, et en aucun cas à des jeunes qui auraient les capacités de viser le CFC, mais ne le font pas.» Une vision que partage l’OFPC. «Lorsqu’un employeur veut engager un apprenti AFP, nous vérifions que le candidat correspond bien au niveau AFP», explique Gille Miserez. «S’il a les capacités de viser le CFC, nous ne validons pas le contrat et encourageons l’employeur à proposer plutôt une place de CFC.»
Le cas inverse se présente également: un employeur veut engager un apprenti CFC alors que tout laisse à penser que son niveau scolaire est trop bas. «Nous l’encourageons alors à le former plutôt à une AFP, puis de le faire enchaîner sur le CFC», ajoute Gilles Miserez. «Tout est mis en œuvre afin de prévenir les résiliations de contrat.» Cette issue se présente dans un tiers à un quart des cas, mais «la grande majorité des personnes concernées poursuit son parcours de formation dans le cadre d'un replacement ou d'une réorientation professionnelle», précise Gille Miserez.
«A l’atelier, ce sont les apprentis AFP qui courent le plus vite»
Pour les employeurs, les AFP permettent d’accroître le potentiel de la relève, particulièrement dans les domaines où elle n’est pas facile à trouver, comme la mécanique ou le bâtiment. Elles donnent l’occasion d’engager des collaborateurs qui peuvent s’avérer extrêmement talentueux et efficaces, quoique peu scolaires. «Les apprentis AFP ont souvent beaucoup de dextérité et sont très débrouillards», estime David Iglesias, responsable d’exploitation du garage LARAG, une entreprise souvent citée en exemple en matière de formation professionnelle. «Ils sont travailleurs. L’école les fatigue, mais à l’atelier, ce sont eux qui courent le plus vite.» S’ils se révèlent souvent des collaborateurs précieux, les apprentis AFP peuvent demander une attention spéciale, particulièrement en ce qui concerne la formation en école. «Un jeune peut arriver systématiquement une demi-heure en avance à l’atelier et une demi-heure en retard à l’école», remarque David Iglesias. «Nous devons lui faire comprendre qu’il doit être aussi rigoureux dans les deux environnements.» Les apprentis AFP peuvent aussi être tentés de se cantonner dans leur zone de confort – il faut donc veiller qu’ils pratiquent toutes les tâches prévues par le programme de formation. «On constate aussi cette tendance chez d’autres personnes, mais il est plus marqué chez les apprentis AFP», estime David Iglesias. «Je crois que c’est lié à leur manque de confiance.» L’AFP est justement là pour les en débarrasser.
Indispensables dans les EMS
assistants en soins et santé communautaire (ASA) sont formés chaque année à Genève – dont une grosse moitié d’adultes. La raison en est simple: les employeurs en ont besoin, notamment pour prendre soin des personnes âgées. «Plus on avance, plus elles sont nombreuses et plus on a besoin de personnes formées», résume Véronique Rime, responsable de la formation au sein de l’EMS La Champagne. Cet établissement, très engagé dans la formation professionnelle, compte cinq apprentis ASA. Les ASA ont un rôle différent des titulaires d’un CFC d’assistant ou assistante en soins et santé communautaire (ASSE). «Ces derniers effectuent des tâches plus techniques, plus médicales», explique Véronique Rime. «Les ASA passent plus de temps aux côtés de la personne. Souvent, ce sont elles qui connaissent le mieux les résidents et recueillent leurs confidences.» Reconnaissance «Beaucoup de personnes choisissent de devenir ASA parce que c’est la profession qui les attire», remarque Kristina Abate, directrice de l’OrTra Santé-social de Genève, l’organisme qui dispense la formation. «La formation certifiante leur permet d’accéder à un métier dans lequel elles sont reconnues.» Le métier n’est cependant pas facile. Il faut jouir d’empathie, de bienveillance, d’un vrai intérêt pour les personnes âgées et accepter de travailler régulièrement le soir et le week-end. Une grande partie des ASA est constituée de femmes migrantes, originaires d’Amérique latine ou d’Afrique. Elles ont souvent un niveau de français insuffisant pour le CFC. Certaines ont commencé à travailler sans qualification reconnue et désirent améliorer leurs perspectives professionnelles. D’autres ont effectué un préapprentissage d’intégration, qui permet aux personnes issues de l’asile de se préparer à l’apprentissage. «L’AFP leur fait faire un premier pas dans la formation professionnelle, car elles n’ont souvent pas toutes les compétences requises pour entamer un CFC», relève Kristina Abate. Parfois, l’AFP leur sert de tremplin vers d’autres formations du domaine. «On rencontre des personnes vraiment extraordinaires parmi elles», s’enthousiasme Véronique Rime. «Elles ont une motivation énorme et une grande empathie pour les personnes âgées.»
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