#Décolletage Décovi est une longue histoire de successions réussies. La dernière en date concerne Claude et Cédric Chèvre.
Vous venez de fêter les 75 ans de Décovi, l’une des plus grandes PME de décolletage en Suisse. Quel regard portez-vous sur cette histoire de famille?
Claude Chèvre (ci-après Claude) - J’ai repris les rênes des mains de mon père, Denis Chèvre, en 1992. Lorsqu’il a créé Décovi en 1947, c’était tout juste un petit atelier, qu’il a su faire grandir. J’ai participé à l’essor de l’entreprise, en marge de la montée en puissance de l’horlogerie, dans les années 1990. Puis, en pleine croissance, j’ai pris la décision de faire entrer Décovi au sein du groupe Acrotec en 2009, principalement pour garantir l’indépendance de Décovi et pour éviter de mettre trop de pression sur les épaules de mon fils.
Etiez-vous certains l’un et l’autre de vouloir garder Décovi en mains familiales?
Cécric Chèvre (ci-après Cédric) - Je connaissais l’entreprise depuis toujours, puisque j’y venais souvent, enfant, et que mes parents y travaillaient. Mais à 20 ans, on rêve de voyages et de faire ses premières armes ailleurs. J’ai fait des études et un passage chez Tornos et Willemin-Macodel, des fabricants de machines-outils emblématiques de l’Arc jurassien. Nous avons évoqué la possibilité que je reprenne le flambeau depuis une quinzaine d’années. Quand il est devenu clair que j’avais très envie de poursuivre l’aventure familiale, nous avons décidé de prendre le temps de bien faire les choses.
Claude - Quand il est arrivé, en 2015, mon fils était prêt, ayant un diplôme d’ingénieur en poche, une bonne expérience métier et un MBA en management. Nous avons décidé qu’il évoluerait au sein de différents services de Décovi. Il est notamment devenu responsable des masses oscillantes, le secteur le plus porteur actuellement, puis responsable de production.
Réussir une succession d’entreprise reste-t-il un défi?
Claude - Il faut progressivement préparer le terrain et faire en sorte que toutes les parties impliquées, clients et partenaires, le vivent bien. J’avais averti dès le début François Billig, directeur général d’Acrotec, que nous souhaitions que Décovi reste sous une direction familiale. Nous avons toujours été soutenus dans cette approche. Enfin, de mon côté, je tourne la page sans regrets pour pouvoir faire autre chose et dans la sérénité, car je laisse une entreprise saine en de très bonnes mains.
Y-a-t-il des aspects symboliques à respecter?
Cédric - Nous avions bien anticipé la manière d’effectuer la transition par une montée en puissance, sachant que nous avons codirigé l’entreprise depuis début 2022. Je me suis trouvé seul aux commandes le premier janvier 2023. Mon père était parti pour de longues vacances, histoire de marquer une coupure visible, sachant qu’il garderait un rôle dans certains projets d’avenir.
Le coeur de métier de Décovi est-il toujours le même?
Claude - Décovi est une PME microtechnique de haute précision, spécialiste du décolletage, qui a connu une évolution florissante ces dernières années. Depuis le milieu des années 1990, l’horlogerie est devenue notre pilier principal, même si nous développons une offre stratégique dédiée au secteur médical.
Cédric - Nos principaux clients sont variés, car nous comptons de nombreuses grandes marques horlogères implantées dans toute la Suisse.
Ces deux domaines - horloger et médical - sont-ils complémentaires?
Cédric - Les deux demandent une expertise dans la haute précision, cependant, dans l’horlogerie, le Swiss made permet d’avoir une position dominante. Dans le secteur médical, nous sommes en concurrence non seulement avec le monde entier, mais aussi avec des entreprises du groupe Acrotec, uniquement actives dans ce segment. Il demeure toutefois intéressant de pouvoir nous diversifier de la sorte. Pour le moment, nous faisons de gros efforts d’acquisition, qui se verront surtout d’ici à deux ou trois ans.
La menace de crise énergétique a-t-elle eu un impact sur vos activités?
Claude - S’agissant d’électricité, nous constatons que les craintes d’éventuelles coupures s’éloignent un peu. Dans tous les cas, il serait difficile d’avoir un plan B, mais je pense qu’étant dans la sous-traitance, l’impact se ressentirait également chez nos clients. Nous pourrions alors être à l’arrêt, mais c’est une éventualité avec laquelle nous pouvons vivre.
Cédric - Nous avions évoqué différentes options, mais les investissements pour acquérir de l’autonomie d’approvisionnement auraient été bien trop lourds. C’était une question de risques à apprécier et nous avons préféré miser sur un plan d’économies là où c’était réalisable. Je pense dans tous les cas que la thématique ne disparaîtra pas et que la Suisse a besoin d’une réflexion générale sur ses choix de politique énergétique en vue des prochaines années.
Avez-vous des projets importants à court terme?
Cédric - Mon père avait lancé un projet d’agrandissement de l’usine – qui compte déjà 4800 m2 – d’une nouvelle surface de 2000m2 sur le site de Vicques (Jura). Normalement, ce chantier devrait être achevé en fin d’année et nous avons prévu d’y installer tous nos ateliers de production pour les masses oscillantes. Ce nouveau bâtiment sera certifié ISO, comme l’usine actuelle, et permettra d’abriter une centaine de machines CNC (décolletage, tournage, fraisage et terminaison). Nous serons également encore plus à l’aise pour y réaliser les tâches de décoration, gravage laser et imprimante 3D. A l’heure actuelle, notre carnet de commandes est déjà plein à 90%, donc ce projet fait sens.
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