#Arbres Aude Jacquet explique que les arbres sont souvent plantés dans de mauvaises conditions. Interview.
Il s’agit de l’un des rares points de consensus de la politique genevoise: il faut planter des arbres en ville. On veut ainsi favoriser la biodiversité, les îlots de fraîcheur, soigner l’esthétique de nos espaces publics. Cette volonté est cependant souvent mise en œuvre sans vision d’ensemble, ce qui peut s’avérer contre-productif. Interview avec Aude Jacquet Patry, directrice de Jacquet SA.
Etes-vous souvent amenés à planter des arbres dans l’espace public?
Oui, il s’agit d’une demande croissante. Nous avons deux casquettes: pépiniéristes et jardiniers. Avec la première, nous cultivons et acclimatons des végétaux aux conditions du sol genevois, de type argilocalcaire. Avec la deuxième, nous réalisons des aménagements extérieurs où nous plantons et entretenons ces végétaux.
A quel stade du processus fait-on appel à vous?
Même si nous constatons des améliorations en amont des projets, l’intégration d’architectes paysagistes n’est pas encore assez anticipée. En effet, il ne s’agit pas uniquement de planter des arbres, mais d’avoir l’assurance que le substrat soit en suffisance et de qualité, que l’espace aérien et souterrain soit assez grand pour leur bonne croissance. Il y a tout un écosystème à recréer.
Que se passe-t-il si on ne le fait pas?
S’il se trouve à l’étroit, l’arbre ne pourra pas développer ses racines pour aller chercher de l’eau et des nutriments. Si on ne laisse pas les feuilles mortes se décomposer autour de lui, il ne pourra pas récupérer les substances qu’elles contiennent. S’il est planté dans une fosse trop étroite, elle ne captera pas assez d’eau de pluie. On devra beaucoup plus l’arroser, lui donner beaucoup plus d’engrais. Il se développera moins vite, sera moins beau et coûtera plus cher. Bref, on paiera davantage pour un moins bon résultat.
Quelles sont les solutions?
Réfléchir au contexte de manière globale, à l'emplacement des plantations. C’est-à-dire planter les essences correspondantes à l'espace disponible, réaliser des sols perméables afin que l’eau de pluie puisse s’infiltrer et être stockée, tenir compte de la vie du sol, etc.
Mieux vaut planter moins, mais mieux?
Oui, et c’est d’autant plus le cas avec la hausse de la demande. On ne peut pas toujours garantir les quantités demandées pour les essences commandées au dernier moment. Les arbres mettent plusieurs années à atteindre une certaine taille et on ne peut pas augmenter leur production en un claquement de doigts.
Comment les décideurs devraient-ils procéder?
Ils devraient intégrer des spécialistes dès la phase de planification du projet, dans une démarche participative, afin que ceux-ci puissent expliquer les besoins vitaux des arbres. Des contrats de culture (lire cicontre) pourraient également être signés afin que la production locale soit maîtrisée.
Un exemple de projet où les besoins des arbres ont été anticipés?
Nous avons dernièrement créé une pépinière urbaine dans le Domaine Rigot, à côté de la Place des Nations, à la demande de l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature (OCAN). Les arbres qui y grandissent seront plantés sur le parcours du futur tram de Ferney. Le maître d’ouvrage est ainsi certain qu’il disposera des essences qu’il veut le moment venu et qu’elles se seront acclimatées aux conditions genevoises. C’est le troisième projet de ce type auquel nous participons en zone urbaine, à la demande de l’OCAN.
Est-il indispensable de cultiver les arbres juste à côté du futur chantier?
Non, cela aurait aussi pu être fait dans une pépinière locale (contrat de culture). Le projet a cependant aussi une vocation éducative: il permet de montrer ce qu’est une pépinière, et le temps nécessaire à la croissance d’un arbre. Il donne aussi l’occasion de communiquer sur l’arrivée du tram.
La mode est également aux micro-forêts, selon la méthode Miyawaki. Qu’en pensez-vous?
C'est une excellente idée, mais pas forcément adéquate pour les milieux urbains. La méthode de végétalisation mise au point par le japonais Akira Miyawaki préconise une plantation dense de végétaux. Ces espaces deviennent alors inaccessibles pour plusieurs années. Or, en ville, nous avons besoin de verdure, de promenades sous les arbres, etc. Dans ce sens, une plantation de ce type n'est pas vraiment adaptée.
Contrats de culture
Un contrat de culture est signé entre un mandataire et un pépiniériste. Il fixe plusieurs années à l’avance les essences que ce dernier devra fournir à la date convenue, ainsi que leurs caractéristiques (qualités, dimensions, etc.) et leur prix. Cela donne au mandataire l’assurance de disposer des essences choisies quand il en aura besoin, et la certitude qu’elles seront parfaitement acclimatées aux conditions du lieu. Son investissement, de plus, est lissé sur plusieurs années et bénéficie à l’économie locale.
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