#Commission européenne Des produits durables, réparables et recyclables devraient devenir la norme dans l’Union européenne.
Rarement la Commission européenne avait été aussi précise et déterminée. «Il est temps d’en finir avec le modèle prélever, transformer, abîmer et jeter, nuisible à notre planète, à notre santé et à notre économie», a déclaré Frans Timmermans, vice-président de l’Exécutif, en présentant le 30 mars les nouvelles propositions pour une économie européenne circulaire. Il s’agit d’un virage très clair vers l’ère de la sobriété.
Ce plan vise à actualiser et à élargir le plan d’action lancé en 2015, dont la directive sur les plastiques a constitué la mesure phare. Il s’inscrit également dans l’objectif plus large de neutralité carbone d’ici à 2050, au cœur du Green Deal (pacte vert). «Si nous ne commençons pas à consommer de manière plus durable, nous n’atteindrons pas nos objectifs du pacte vert pour l’Europe», souligne Didier Reynders, commissaire à la justice. Après la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine, qui a entraîné une flambée des prix de l’énergie, l’Exécutif estime que les Européens sont prêts et que l’économie circulaire offre l’opportunité de réduire la dépendance énergétique de l’Union européenne (UE). «D’ici à 2030, le nouveau cadre permettra d’économiser l’équivalent du gaz russe acheté par l’UE.» Principale mesure de ce nouveau plan, l’écoconception des produits. Elle concernera tous les produits, qu’ils aient été fabriqués en Europe ou ailleurs, à l’exception des denrées alimentaires, des médicaments et des aliments pour animaux.
Le projet fixe de nouvelles exigences pour rendre ces produits «plus durables, fiables, réutilisables, évolutifs, réparables, faciles à entretenir, à rénover et à recycler». Autrement dit, fini le smartphone que l’on remplace parce que la batterie ne fonctionne plus, la machine à laver que l’on rachète parce que l’ancienne est en panne et surtout le pull que l’on jette parce qu’il est démodé. Bruxelles part en effet en guerre contre les dégâts de la fast fashion sur l’environnement. Le plan prévoit des mesures ciblées concernant deux secteurs, les textiles et les produits de construction. «Les vêtements doivent survivre à trois lavages», insiste Frans Timmermans. «D’ici à 2030, tous les textiles devront être durables et recyclables, exempts de substances dangereuses.» Et de marteler: «la mode éphémère devrait passer de mode». L’Exécutif invite ainsi les entreprises à réduire le nombre de collections par an.
Le secteur du textile est, après l’alimentation, le logement et les transports, la principale source d’impact sur l’environnement; il est aussi un gros consommateur d’eau. Les chiffres sont vertigineux: chaque personne dans l’UE achète en moyenne vingt-six kilos de vêtements et linge de maison par an, dont 73% sont importés, et en jette quelque onze kilos, soit 5,8 millions de tonnes à l’échelle des vingt-sept pays membres. Autre secteur ciblé, les produits de construction qui représentent 50% de l’extraction des ressources et plus de 30% du total des déchets produits dans l’UE chaque année. Le projet prévoit de renforcer les règles en vigueur depuis 2011, en harmonisant les standards de performance environnementale et climatique et en rendant ces produits plus durables et recyclables.
La Commission européenne prévoit d’instaurer un passeport numérique des produits, qui permettra au consommateur, en scannant un QRcode, d’avoir de multiples informations sur la traçabilité, les matériaux utilisés, la disponibilité de pièces de rechange.
Lutter contre l'obsolescence
Deuxième grand volet de ce plan, l’interdiction de l’écoblanchiment et de l’obsolescence programmée. La Commission propose ainsi plusieurs modifications de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Par exemple, toutes les affirmations telles que «respectueux de l’environnement», «écologique» ou «vert» qui suggèrent qu’un produit respecte l’environnement – mais sans le démontrer – et qui induisent le consommateur en erreur seront interdites. Des pratiques spécifiques limitant la durabilité ou la réparabilité d’un produit seront également interdites. L’Exécutif souhaite que son plan entre en vigueur en 2024. Celui-ci va maintenant être examiné par le Conseil et le Parlement. Vu l’ampleur du dossier, les discussions promettent d’être longues. Une fois le cadre adopté, la Commission suggère de travailler secteur par secteur.
Bonne étape
Une fois n’est pas coutume, ce plan a reçu un accueil très positif de la part des organisations de consommateurs et de protection de l’environnement, d’habitude très critiques à l’égard de la Commission européenne. De son côté, BusinessEurope salue le projet, estimant qu’il est «une bonne étape et une opportunité de développer davantage le marché européen des produits circulaires». «Nous évaluerons attentivement la proposition et continuerons de dialoguer avec les colégislateurs» a ajouté Markus J. Beyrer, directeur général.
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