Publicité à la télé, un vieux débat

«On a toujours besoin d'un petit pois chez soi». Pipiou, le poussin à qui l'on doit cette phrase, a eu 56 ans. Cette publicité a été parmi les premières diffusées à la télévision.
«On a toujours besoin d'un petit pois chez soi». Pipiou, le poussin à qui l'on doit cette phrase, a eu 56 ans. Cette publicité a été parmi les premières diffusées à la télévision.
Pierre Cormon
Publié jeudi 30 mai 2024
Lien copié

#Audiovisuel L’introduction de la publicité à la télévision suisse, en 1965, ne passe pas inaperçue dans L’Ordre professionnel, ancien nom d’Entreprise romande.

Susan Wille, nouvelle directrice de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), devra trouver un accord avec les éditeurs privés au sujet de la publicité en ligne, rapportait récemment la presse. Rien de très nouveau.

Dès la création de la télévision suisse, les éditeurs privés s’opposent à ce qu’elle diffuse de la publicité, afin de protéger leurs propres sources de revenus. Un accord est conclu en 1957, année précédant le lancement d’une diffusion régulière de programmes en français et en allemand. Les éditeurs s’engagent à verser deux millions de francs par année à la SSR. En contrepartie, celle-ci renonce à se financer par la publicité.

L’accord tombe lorsque le Conseil fédéral décide d’autoriser la publicité télévisuelle en 1964. Trois interruptions quotidiennes de quatre minutes sont introduites chaque jour, à 19:25, 19:54 et 20:15 (sauf le dimanche). La première est diffusée le 1er février 1965. Parmi les premiers annonceurs: Ovomaltine, Lindt, Opel, Maggi, UBS, Pepsi Cola et Coop. Le spot d’Ovomaltine met en scène un pilote d’avion se préparant à décoller, plans entrecoupés du logo de la marque et du slogan récité d’une voix solennelle: «Ovomaltine. Pour mieux réussir».

«La plupart des spots étaient assez crétins, mais on était quand même fascinés», témoignera le publicitaire Jean-Michel Larsen dans la Tribune de Genève en 2015. «La nouveauté fait vendre. En 1965, la nouveauté résidait dans le fait même de diffuser de la pub à la télé. Ça suffisait.»

Opposition

La gauche s’oppose à cette évolution, dans laquelle elle voit une marchandisation des esprits. Chef du Département de l’information de la Télévision romande, Alexandre Burger lui répond indirectement dans les colonnes de L’Ordre professionnel, ancien titre d’Entreprise romande, le 30 janvier 1965. C’est le manque de moyens qui justifie la mesure, estime-t-il. «Nous allons simplement passer d’une situation qui, jusqu’à présent, a été fort critique, à une situation plus normale.»

Il pointe la cherté des productions audiovisuelles. «Ceux qui ont déjà commandé des courts-métrages documentaires, des films complets, sonorisés, de quinze à vingts minutes, savent que des cinéastes privés ne peuvent rien faire à moins de quarante mille ou cinquante mille francs.» La télévision suisse s’en est tirée jusque-là grâce à l’ingéniosité et à l’engagement de son personnel, poursuit-il. «Les équipes suisses de télévision, lorsqu’on les compare à celles de l’étranger, ont le mérite d’accomplir leur travail en généralement deux fois moins de temps et souvent avec deux fois moins de personnel.» Les revenus publicitaires leur permettront de travailler dans de meilleures conditions, espère le responsable.

Expansion

Au cours des six décennies suivantes, la place de la publicité augmente sensiblement. Les télévisions au bénéficie d’une concession fédérale sont aujourd’hui autorisées à en diffuser douze minutes par heure et à couper les films toutes les trente minutes. Quant à la concurrence pour les annonceurs, elle s’est sensiblement élargie. Les éditeurs et la SSR se les disputent maintenant avec les télévisions privées, les sites web, les réseaux sociaux. Une situation que personne n’aurait imaginée en 1965.

insérer code pub ici