Questions à l'embauche: quid juris?

Il y a des questions qu'on ne peut pas poser lors d'un  entretien d'embauche.
Il y a des questions qu'on ne peut pas poser lors d'un entretien d'embauche.
Olivia Guyot Unger
Publié le vendredi 19 janvier 2024
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#Recrutement Certaines questions ne peuvent pas être posées au candidat lors d'un entretien d'embauche.

Contexte et bases légales

Comme pour tout contrat, les pourparlers qui précèdent la conclusion d’un contrat de travail entre les futures parties à celui-ci sont soumis à l’obligation de respecter la bonne foi et à l’interdiction de l’abus de droit. L’art. 328b CO stipule que l’employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces dernières portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, les dispositions de la loi fédérale sur la protection des données (LPD) sont applicables. Ainsi, dans le cadre d’une procédure de sélection de candidats, en particulier lors de l’entretien d’embauche, l’employeur ne peut demander que les indications dont il a besoin pour déterminer si le candidat satisfait aux exigences du poste.

Types de questions autorisées

Sont admissibles les questions relatives  à la formation, aux études suivies , aux diplômes obtenus , aux souhaits du candidat quant à son avenir professionnel  ou à l’existence d’une éventuelle clause de prohibition de concurrence. En revanche, ne sont pas admissibles les questions relatives  aux revenus et à la fortune personnels ni à l’endettement du futur employé, sauf pour des postes dits « de confiance » tels que comptables, employés de banques, d’assurances, de sociétés financières ou de fiduciaires, directement en lien avec des valeurs patrimoniales. Pour ce type de postes, exiger un extrait du registre des poursuites est licite. De même, il n’est en principe pas admissible d’exiger la production d’un casier judiciaire, sauf pour certains postes « de confiance » tels qu’enseignants de la petite enfance, employés de banque , chauffeurs qui auraient commis une infraction grave à la loi sur la circulation routière.

Si l’état de santé ou une maladie ne permet pas au travailleur d’exercer l’activité envisagée (par exemple en raison d’une allergie à certains produits), les questions de l’employeur à cet égard sont pertinentes. Le travailleur ne peut donc refuser d’y répondre ni mentir à son interlocuteur. Le travailleur doit dans ce cas faire connaître spontanément son état à l’employeur. En outre, sauf accord exprès de la personne concernée, l’employeur n’a pas le droit de connaître le dossier médical du candidat ou du travailleur engagé. L’accès au dossier médical d’un patient se heurte en effet au secret médical.

L’obstacle du secret médical tombe toutefois en cas de levée de celui-ci par le patient lui-même. Le candidat ou le travailleur déjà engagé peut naturellement autoriser l’employeur à consulter son dossier médical. Il peut toutefois limiter ce droit de consultation au médecin-conseil de l’entreprise, qui sera, lui, lié par le secret médical. Ce dernier ne pourra donc que faire part à l’employeur de l’aptitude ou non du travailleur à exercer la fonction envisagée, sans qu’il puisse être question de transmettre des données médicales à l’entreprise ni de poser un diagnostic. Cette règle vaut aussi lorsque le médecin-conseil de l’entreprise est appelé à examiner un futur travailleur en vue de déterminer s’il est ou non apte à remplir la fonction proposée.

Jurisprudence récente

Aux termes d’un arrêt du 12 août 20231, le Tribunal fédéral a jugé qu’il était «raisonnablement exigible» d’une candidate au poste d’assistante à la clientèle auprès des CFF, qu’en lien avec la question «souffrez-vous actuellement de troubles de la santé?», celle-ci fournisse des informations sur la maladie chronique dont elle souffrait, afin de permettre au médecin-conseil de son futur employeur de déterminer si la maladie pouvait affecter sa capacité de travail. Dans la mesure où le problème de santé aurait pu porter atteinte à la capacité de travail, le fait pour l’employée de n’avoir pas fourni d’information à son futur employeur en lien avec la question susvisée n’était pas exempt de tout reproche. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que le licenciement de cette employée, intervenu après que le médecin mandaté par les CFF pour évaluer son état de santé avait constaté que celle-ci souffrait d’une maladie chronique comportant un risque d’invalidité sur le long terme, n’était pas abusif.

Conclusion

Durant le processus d’embauche, le candidat doit renseigner le futur employeur de troubles de la santé dont il souffre seulement si ces troubles ont un impact sur l’aptitude du poste pour lequel le candidat postule. De même, l’employeur ne peut poser de questions relatives à l’état de santé d’un candidat que si cet état présente un lien de connexité avec l’aptitude au poste. Si le processus d’embauche prévoit un examen médical, il est raisonnable, sur la base de l’obligation de respecter la bonne foi, d’exiger du candidat qu’il informe le médecin-conseil de l’employeur d’une atteinte à sa santé – par exemple une maladie chronique – susceptible d’affecter sa capacité de travail, y compris sur le long terme. 

1TF 8C-387/2022

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