#Antisémitisme Si les entreprises ont des moyens de lutter contre les discriminations de toutes sortes, les victimes peuvent aussi demander un soutien extérieur.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend de l’ampleur. A l’école, dans la rue, sur les réseaux sociaux, l’antisémitisme se répand comme une traînée de poudre. C’est ce que dévoile le dernier rapport de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD), qui relève une hausse de 68% des actes antisémites entre 2022 et 2023, avec 924 actes recensés, dont une grande partie prend racine dans le conflit entre Israël et Gaza.
Le monde du travail ne semble pas épargné. La CICAD relève le cas d'une femme d'origine juive qui reçoit fréquemment des commentaires antisémites de la part de ses collègues sur son lieu de bénévolat: «Les juifs sont radins», «Il y a le four en cuisine si tu veux» ou encore «Ah oui, Auschwitz, c’était quoi, une boulangerie avec des fours?».
Comment réagir? Victime ou témoin de ce genre d’actes, il est important d’en parler autour de soi. Une réaction rapide de la part de la hiérarchie est recommandée afin d’éviter une réplique de ces situations, au risque qu’elles se transforment en harcèlement. «L’entreprise doit d’abord s’assurer que les faits sont avérés et, le cas échéant mettre en place des mesures», explique Christian Oberson, président d’HR Genève. Avant d’ajouter: «Si le cas est évident, ouvertement illégal, l’entreprise peut le gérer elle-même. S’il est à la limite de la loi, elle devra sûrement faire appel à des services externes, comme un avocat ou un cabinet de conseil qui fera une enquête interne, ou à la police, à travers un dépôt de plainte pour faire la lumière sur les faits. Cela dépend du contexte».
Entreprises sensibilisées
Confrontées à toutes sortes de problématiques d’atteinte à la personnalité comme le racisme, le mobbing ou le harcèlement sexuel, de nombreuses entreprises et collectivités publiques sensibilisent déjà leurs collaborateurs. «Les entreprises ont probablement un peu d’avance sur les sociétés civiles. Elles proposent souvent des formations en la matière», analyse Christian Oberson. «Les articles 328 du Code des obligations et 6 de la Loi fédérale sur le travail obligent l’employeur à protéger la personnalité et la santé de l’ensemble des collaborateurs et ces derniers à collaborer aux mesures de protection et de prévention», précise Olivia Guyot Unger, directrice du Service d’assistance juridique et conseils (SAJEC) de la FER Genève, qui confirme que des propos racistes tenus dans le cadre professionnel sont bel et bien un motif de licenciement.
La thématique est particulièrement sensible, car «si on porte des accusations fausses, on peut détruire la personne et si on ne traite pas le problème, on peut faire beaucoup de mal à la victime», souligne Christian Oberson.
Pour les personnes discriminées, faire appel à une aide externe est possible. En plus de sa mission de prévention du racisme, le Bureau d’intégration et de citoyenneté fournit des prestations de conseil aux victimes et aux témoins, lesquels peuvent s'adresser à de nombreux organismes, comme le Centre-Ecoute contre le racisme ou, pour les actes relevant de l’antisémitisme, la CICAD.
«Les gens peinent à témoigner»
Le problème réside dans le fait que «les gens peinent à témoigner», observe Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la CICAD. «Les signalements sont peu nombreux concernant des actes antisémites qui se produisent dans le monde du travail. Ils nous parviennent surtout dans le cadre d’échanges informels, et parfois longtemps après», poursuit-il. Pourquoi? «Les employés ont peur de mettre en péril leur statut professionnel», répond-il. Or, «une information qui arrive trop tard n’est plus quantifiable dans nos statistiques et, surtout, ne nous permet plus d’intervenir, parfois aussi à la demande de la victime, qui préfère rester discrète».
Quid des propos antisémites camouflés par une volonté d’humour? Doivent-ils être pris au sérieux? «Oui!», rétorque Johanne Gurfinkiel, avant de préciser: «Il n’y a rien de drôle à recevoir un propos antisémite ou raciste. Le récepteur du message éprouvera naturellement un malaise, témoignant d’un ressenti blessant et inacceptable. On ne peut pas laisser se banaliser des propos antisémites alors que la personne se sent attaquée et n’ose pas réagir».
Sur le site internet de l’association, un bouton permet de signaler un acte. «L’élément de réponse varie en fonction de la situation», explique-t-il, en soulignant l’importance de l’approche préventive. «Parfois, c’est une réponse pédagogique, de médiation, de communication. Dans les cas les plus graves, il y a l’arme juridique.» Cette arme juridique, c’est l'article 261 bis du Code pénal, qui réprime les comportements discriminatoires (discrimination raciale et en raison de l'orientation sexuelle) et l'incitation à la haine. Cependant, la grande difficulté pour les victimes qui intentent une action en justice demeure de rassembler les preuves de la discrimination.
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.