#Léman 2030 Les projets de rénovation de la gare Cornavin et de celle de Lausanne connaissent un retard conséquent.
Léman 2030: ce nom évoque une vague utopie. Lancé en 2009, ce programme de modernisation et de développement de l’axe ferroviaire Genève-Lausanne et de ses infrastructures vise à doubler les places assises dans les trains. Il prévoit quinze grands chantiers pour près de quatre milliards de francs, dans un contexte d’essor démographique en Suisse romande. Première gare du canton et troisième gare de Suisse en termes d’affluence, Cornavin fait partie des principaux chantiers attendus.
Signes de saturation
Point de croisements cruciaux des systèmes ferroviaires suisse et français, avec un trafic devant absorber plus de huit cents trains par jour et des correspondances vers toute la Suisse et au-delà, la gare montre des signes de saturation. Le projet prévoit la création d’une gare souterraine comprenant deux sous-niveaux: une mezzanine au -1, et un quai central à deux voies au -2. Deux tunnels d’accès à double voies, l’un en direction de l’aéroport et l’autre en direction de Lausanne, seront construits, étant précisé qu’ils seront connectés au réseau ferroviaire en surface, respectivement dans le quartier de l’Etang et dans celui de l’Organisation des Nations unies. Est prévue également la création d’un nouveau passage central en gare, dans la continuité du hall historique.
Pour l’heure, le coup d’envoi du chantier d’agrandissement n’a pas été donné, le début des travaux n’ayant cessé d’être repoussé. Initialement, l’élargissement de la gare en surface prévoyait une mise en service en 2025. Sauf qu’il a ensuite été décidé de construire en souterrain, ce qui a naturellement nécessité d’établir un nouveau calendrier. Une première ébauche de projet de gare souterraine évoquait une faisabilité pour 2032. Le projet a depuis été constamment amélioré par les commanditaires que sont la Ville, le Canton, l’Office fédéral des transports (OFT) et les CFF pour en augmenter la capacité, avec par exemple des ajouts de passages inférieurs supplémentaires. «Si les dates sont sans cesse repoussées, c’est parce que le projet est enrichi au fur et à mesure des échanges entre les partenaires», résume Frédéric Révaz, porte-parole des CFF, évoquant un premier devis de neuf cents millions de francs, aujourd’hui estimé à 1,9 milliard de francs.
Autour de la table, tout le monde a enfin dit son dernier mot. Conformément à la procédure, le projet doit encore être mis à l’enquête publique. Elle est prévue pour fin 2027, confirme Philippe Révaz. Un coup de frein est toujours possible: «La durée des procédures d’obtention du permis de construire peut varier en fonction des éventuelles oppositions ou recours». C’est seulement une fois le permis de construire obtenu qu’une date de mise en service pourra être communiquée, la durée des travaux de la gare souterraine étant estimée à neuf ans environ.
Métamorphose autour de Cornavin
Les travaux auront un impact principalement sur le front nord-ouest de la gare, où se tiendront les travaux de l’extension souterraine. L’accès à tous les bâtiments et les activités privées pendant la durée des travaux est sauvegardé, sauf contrainte technique majeure. Et autour de la gare? Le département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité (DACM) indique que «des travaux de réorganisation des arrêts de transports publics et de requalification de l'ensemble des espaces publics autour de la gare sont également prévus».
Le DACM précise qu’outre l'augmentation de la capacité et de la fréquence des transports publics, les projets en cours de développement prévoient aussi le déploiement de nouveaux itinéraires cyclables en site propre, la suppression d’autres qui empêchent actuellement la circulation fluide des piétons sur le périmètre et l'augmentation des espaces d'agrément tels que des terrasses et espaces végétalisés. La station-taxis, la dépose-minute et certains flux logistiques se localiseront désormais en souterrain. De part et d'autre de la gare, le trafic individuel motorisé ne longera plus le périmètre dans la direction nord-est et sud-ouest, à l'exception des lignes de transport public.
Quant aux effets de la nouvelle gare sur les commerces et services aux alentours, ils devraient, selon la Ville, renforcer leur attractivité en raison de «la modernisation des infrastructures, de l'augmentation de l'offre en matière de transports publics et des conditions d'accessibilité à tout le périmètre, de l'augmentation des usagers qui en résultent et de la requalification de l'ensemble des espaces publics».
Lausanne, cœur des frustrations
A Lausanne, véritable nœud ferroviaire, les faits sont moins rassurants. Soutenu par le peuple en 2014, le projet de la nouvelle gare, pourtant considéré comme la première étape de Léman 2030, a été brusquement arrêté. Les premiers plans ont été présentés au public en 2015. Les quais devraient être allongés pour accueillir des trains de quatre cents mètres de longueur, tandis qu’un nouveau front sud donnerait un nouveau visage aux lieux. En souterrain, on prévoit d’agrandir les sous-voies pour y accueillir des commerces et garantir un meilleur accès au métro.
Une première date de fin des travaux est fixée à 2025, en parallèle de la mise en service d’un nouveau métro, le M3. Coup de tonnerre en octobre 2022: les travaux de rénovation sont arrêtés net par l’OFT, l’autorité de surveillance des CFF, qui a identifié de graves lacunes techniques dans les plans. En cause, des risques pour la sécurité des voyageurs, notamment en raison de problèmes de statique. On évoque un «risque létal», rapportait l’émission de la RTS Temps présent en mai 2023. Les CFF sont ainsi amenés à revoir leur copie.
En attendant, la situation est inconfortable pour les usagers, car le trafic a beaucoup augmenté et les quais sont trop étroits. Le report, indéterminé, a des conséquences qui dépassent largement Lausanne, avec des répercussions sur l’ensemble du réseau ferroviaire suisse.
Ambitions revisitées d’un côté, plans trop risqués de l’autre, les deux projets poids lourds de Léman 2030 n’ont toujours pas commencé. Invité par la rédaction du journal 24 Heures en présence du public le 18 avril, le patron des CFF, Vincent Ducrot, se voulait rassurant concernant la gare de Lausanne, indiquant que les plans ont été revus pour répondre aux attentes de l’OFT, en ajoutant notamment des piliers. Et de confirmer une date de mise en service «autour de 2037». «On ne peut pas aller plus vite sans avoir à supprimer des trains», a-t-il expliqué.
Pour l’heure, des chantiers sont en cours autour de la gare, mais les travaux au sous-sol, qui auraient dû commencer en avril, ont du retard. Les CFF doivent encore «traiter quelques questions techniques», mais ils ont «bon espoir de pouvoir lancer les travaux sous la place cet automne», rapportait le quotidien début mai. En attendant, le peuple devra se prononcer sur un autre projet d’envergure, qui comprend notamment l’élargissement de six tronçons d’autoroute en Suisse alémanique et en Suisse romande, dont 17 km sur l’A1 entre Le Vengeron et Nyon. Ce dernier est attaqué par référendum au nom de la protection du climat.
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