#Résidences secondaires En vigueur depuis 2016, la loi sur les résidences secondaires, communément appelée Lex Weber, est jugée par le Conseil fédéral «d’efficacité élevée». Vraiment?
En 2016, dans les stations de montagne, les agents immobiliers faisaient la grimace. Avec les incertitudes qui entouraient la Lex Weber votée par le peuple en 2012 et tout juste appliquée, de nombreux biens ont été mis en vente, mais les acheteurs ont déserté. Des propriétés se vendant facilement en temps normal restaient vacantes. Conséquence: les prix ont chuté. La loi oblige en effet les communes à limiter leur nombre de résidences secondaires à 20% de leur surface habitable brute au sol, afin d’éviter la prolifération de lits froids. La loi accorde une certaine souplesse, puisque les logements existants, soit ceux qui existaient avant le 11 mars 2012, peuvent être rénovés, transformés et reconstruits. Ils peuvent également être agrandis à raison de 30% des surfaces utiles principales, à la condition qu’il n’en résulte pas de création de nouvelles unités de résidences secondaires. Si l’agrandissement excède 30%, le logement perd son statut de logement existant et une affectation en résidence secondaire n’est plus possible. En 2024, le tableau a changé. Sans surprise, il devient quasi impossible de trouver un logement à prix abordable à la montagne. Selon le Journal de l’immobilier du 6 mars 2024, l’évolution du prix des résidences secondaires ne résulte pas seulement du dynamisme de la demande, mais également de la rareté de l’offre, précisant que «l’augmentation des prix devrait se poursuivre cette année».
Utilisation des sols: un tiers en moins
Un panorama qui corrobore le rapport du Conseil fédéral (2021) sur l’analyse des effets de la loi sur les résidences secondaires (LRS), selon lequel celle-ci est «globalement bien appliquée par les autorités qui délivrent les permis de construire» et donc «d’efficacité élevée». Elle a réduit d’environ un tiers l’utilisation des sols, en particulier de montagne. «La consommation de surfaces par des résidences secondaires a reculé de près d’un tiers sur l’ensemble des communes soumises à la loi entre les périodes 2007-2012 et 2013-2018.» Elle n’aurait pas entraîné de croissance nulle. Cela peut s’expliquer, d’une part, par les exceptions prévues par la LRS et, d’autre part, par le fait que des projets de construction autorisés avant 2013 ont été réalisés au cours des années qui ont suivi. Enfin, pour des raisons que sont principalement l’absence de jurisprudence, les connaissances parfois lacunaires de la loi et la faible surveillance, «la pratique d’exécution peut encore être améliorée et, partant, l’efficacité accrue».
Le responsable de la section urbanisation et paysage de l’Office fédéral du développement territorial (ARE), Reto Camenzind, indique que celle-ci et le Secrétariat d’Etat à l’économie «sont en train de mettre en place une deuxième analyse d'impact de la LRS. Du point de vue de l'aménagement du territoire, le changement d'affectation des résidences établies avant 2012 en résidences secondaires constituera un axe majeur».
Moins d’enthousiasme
En mars 2024, le Conseil des Etats a décidé de suivre le National pour assouplir la Lex Weber. La révision adoptée par le parlement vise à permettre, en cas de démolition et de reconstruction, d’augmenter la surface utile de 30% au maximum, de créer des logements supplémentaires et de reconstruire le logement ailleurs sur le bien-fonds. La création de logements supplémentaires, que la loi initiale ne permettait pas, doit aussi être autorisée pour une simple rénovation avec agrandissement. Pour ses partisans, cette révision permettra d’assouplir l’escalade des prix des résidences secondaires.
Le Conseil fédéral et l’ARE sont moins enthousiastes. Dans son avis du 16 août 2023, le gouvernement évoque un conflit avec l’art. 75b, al. 1, de la Constitution qui limite les résidences secondaires à 20% des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune. Il pointe le risque de «s’éloigner» de cet objectif, «tant du point de vue du nombre de résidences secondaires que de la surface utilisée».
La loi révisée permettra-t-elle de ralentir l’escalade des prix des résidences secondaires? Aligné sur les analyses du Conseil fédéral, Reto Camenzind en doute: «Si la population locale profitait de la révision de la loi, ce serait positif, mais nous craignons que cette disposition soit surtout appliquée dans les régions touristiques et que, sur de tels sites, ce ne soient pas des logements bon marché pour la population locale qui soient construits, mais des résidences secondaires attrayantes et chères. En ce sens, l'adaptation de la loi ne devrait guère contribuer à une détente sur le marché du logement».
Même son de cloche du côté de la fondation Franz Weber, à l’origine de la Lex Weber. Interrogée, sa directrice Anna Zangger répond sans détour: «Nous en sommes déçus et estimons que la révision viole la LRS et la volonté populaire. Elle a pour effet d’augmenter la pression dans les régions de montagne, poussant à transformer des logements en résidences secondaires au détriment de la population locale». Tout en réfutant l’argument selon lequel la révision actuelle de la loi permettrait un développement durable de l’immobilier en levant les restrictions actuelles qui limitent les investissements des propriétaires, elle poursuit: «Dans les faits, le taux de résidences secondaires augmentera encore dans les communes problématiques. Nous espérons que les communes joueront leur rôle dans la lutte contre les abus et les évolutions indésirables, tel que confié par l’art. 12 LRS».
Certaines communes sont recalées!
Sur la base de l’inventaire des logements, l’ARE calcule la proportion de résidences secondaires de chaque commune. Il publie l’inventaire des logements fin mars et liste les communes ayant franchi le seuil de 20%, que ce soit à la baisse ou à la hausse. Celles qui sont dans ce second cas sont nouvellement assujetties aux dispositions restrictives en matière de nouvelles constructions. Dans le canton de Genève, selon les données de situation au premier trimestre 2024, deux communes dépassent la limite: Jussy (20,16%) et Pregny-Chambésy (20,16%). Quatre dépassent 18%: Vandoeuvres, Choulex, Cologny et la Ville de Genève.
Flims (GR) chasse les résidences secondaires
Des communes ont déjà pris le problème à bras le corps. Dans les Grisons, c’est le cas de Flims - dont le taux de résidences secondaires fait partie des plus élevés au niveau national. Face à la difficulté pour les employés et la population locale de trouver des logements abordables, la population s’est prononcée le 9 juin en faveur de la cessation d’un terrain en droit de superficie à la caisse de pension des Grisons. Vingt-deux appartements réservés à la population locale seront construits «selon les principes de la construction de logements coopératifs», explique Martin Hug, syndic de Flims. Il précise également que le 13 mai 2024, un projet a été déposé pour la construction de soixante unités résidentielles pour les employés: «Il s’agit de studios ou d’appartements de deux pièces qui seront situés dans le centre de Flims». La transformation ou la démolition, puis la reconstruction d’un bâtiment soumis à l’ancien droit doit servir pour moitié de résidence principale. Autrement, il faut s’acquitter de 2500 francs à 3500 francs par mètre carré de résidence principale qui aurait pu être construite.
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