#Retraite Autrefois cité en exemple au niveau international, le système suisse de retraites n’a pas été réformé en profondeur depuis une quinzaine d’années. Ses déséquilibres s’accentuent et il perd du terrain dans les classements internationaux.
Alors que la Suisse avait l’habitude de caracoler en tête des classements sur la solidité des systèmes de retraites, elle recule maintenant régulièrement, que ce soit dans les classements élaborés par UBS, la société de conseils Mercer ou l’Australian Center for Financial Studies. Une évolution qui n’étonne pas Olivier Sandoz, directeur général adjoint de la Fédération des Entreprises Romandes Genève. «Notre système a fait ses preuves et l’articulation des trois piliers le rend très stable, mais cela fait des années qu’on n’arrive plus à faire passer de réformes d’envergure.»
Mise à jour
Un système de retraites doit en effet être régulièrement mis à jour pour tenir compte de l’évolution des paramètres qui l’influencent (proportion d’actifs par rapport aux rentiers, rendement des marchés, allongement de l’espérance de vie, etc.). La plupart des pays européens l’ont fait, à l’instar du Danemark ou des Pays-Bas. En Suisse, la dernière réforme d’envergure de l’AVS date de 1997, celle du deuxième pilier de 2004-2006.
Le besoin de réformes est pourtant plus pressant que jamais. L’évolution démographique met à mal le financement de l’AVS. La cohorte des baby-boomers commence à arriver à l’âge de la retraite et, avec l’augmentation de l’espérance de vie, on touche des rentes de plus en plus longtemps. Les recettes de l’AVS, depuis 2014, ne suffisent plus à financer les rentes en cours. Ce sont encore des dizaines de milliards de francs qui vont manquer d’ici à 2030. «Faute de réformes, on ne parviendra plus à verser les rentes», s’inquiète Marco Taddei, représentant de l’Union patronale suisse en Suisse romande.
Rendements en baisse
Le deuxième pilier rencontre lui aussi des difficultés. L’allongement du niveau de vie force les caisses à payer des rentes plus longtemps à partir d’un même capital. De plus, les caisses de deuxième pilier doivent faire fructifier les avoirs de leurs assurés. Or, le rendement des placements est tendanciellement à la baisse. Les rentes versées aux pensionnés ne sont donc, dans l’ensemble, plus couvertes par leurs avoirs. «D’un point de vue purement actuariel, un avoir de cent mille francs ne permettrait de verser que quatre mille huit cent quarante francs par an, et non six mille huit cents», note Le Guide prévoyance 2020/2021, publié par HZ Insurance, la Handelszeitung et Le Temps.
Le déficit est comblé de diverses façons, selon les caisses: par la redistribution des travailleurs vers les rentiers, par la détérioration des conditions s’appliquant à la partie surobligatoire de la prévoyance (celle qui va au-delà des minimums légaux), etc.
Série d’échecs
Plus on tarde à réagir, plus la situation se détériore. Pourtant, toutes les tentatives de réformes d’envergure ont échoué ces quinze dernières années. On a d’abord essayé de réformer les deux piliers séparément, en mettant surtout l’accent sur les mesures d’économies (onzième révision de l’AVS et modification de la LPP). Cette approche a conduit à trois échecs, dont deux en votation populaire, avec environ 70% des voix. L’idée s’est alors imposée qu’une réforme ne prévoyant que des mesures d’économies ne réunirait jamais une majorité.
La prochaine grande tentative, Prévoyance 2020, a donc adopté une approche globale, combinant premier et deuxième pilier, et assortissant les mesures d’économies de mesures de compensation substantielles. Elle a abouti à un nouveau revers, en 2017 avec 52,7% de refus en votation populaire. «Réformer les deux piliers en même temps a conduit à une addition des oppositions», note Marco Taddei.
Projets séparés
On est donc revenu à des projets de réformes séparés pour l’AVS et la prévoyance professionnelle. Le premier, qui est à l’examen par les Chambres fédérales, vise à stabiliser l’AVS jusqu’en 2030 (AVS 21), un objectif plutôt modeste. Sa philosophie: relever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, mais assortir cette mesure de compensations (suppléments de rente, etc.) et d’un financement additionnel par le biais de la TVA. «Tout le débat porte autour de la nature de ces compensations», commente Marco Taddei. Il faut trouver le juste milieu: elles doivent être suffisamment élevées pour éviter un rejet en votation populaire, mais suffisamment basses pour ne pas «manger» les économies faites ailleurs. Pour le deuxième pilier, le Conseiller fédéral Alain Berset a demandé aux partenaires sociaux (patronat et syndicats) de trouver une solution ensemble. Leur proposition relève d’une philosophie comparable à celle d’AVS 21. Une mesure d’économie phare (la baisse du taux de conversion de 6,8% à 6%) est accompagnée de mesures de compensation et de recherche de financements additionnels (division par deux de la déduction de coordination, supplément de rente pour la génération transitoire, etc.) Là encore, tout l’enjeu est d’être assez économe pour assainir la situation et assez généreux pour ne pas risquer l’échec en votation populaire.
Refus
L’équilibre est difficile à trouver: l’une des deux organisations patronales impliquées dans les discussions (l’Union suisse des arts et métiers) a refusé de soutenir le compromis trouvé par les trois autres participants aux discussions1. Le dossier est maintenant entre les mains des Chambres fédérales. «Or, certains parlementaires sont froissés qu’on leur transmette un paquet déjà ficelé», remarque Olivier Sandoz. Bref, rien n’est gagné et un référendum semble probable, quel que soit le résultat des débats parlementaires.
1 Union patronale suisse (dont la FER Genève est membre à travers l’Union des associations patronales genevoises), Travail Suisse et Union syndicale suisse.
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