#Archéologie La Suisse regorge de vestiges, reflétant son héritage préhistorique, gallo-romain et médiéval. Cette matière première donne tout le sel au métier d’archéologue, qui prend désormais en compte de multiples enjeux.
Le périmètre d’action de l’archéologue est clairement établi. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, sachant que la grande époque des découvertes archéologiques remonte pour la Suisse au milieu du XIXème siècle. C’est à cette période que les premiers habitats lacustres ont été identifiés. «L’abaissement des niveaux des lacs, dû à un hiver extrêmement sec en 1854, a permis de rendre visibles des restes de pieux et de structures», commence Nicole Pousaz, archéologue cantonale vaudoise. Avant d’occuper cette fonction en 2009, elle s’est forgé une longue expérience sur le terrain, pilotant pendant vingt ans des fouilles archéologiques de sauvetage sur la Transjurane.
Le développement des routes nationales a favorisé une période faste pour l’archéologie, car le financement des recherches était inclus dans les coûts de construction. Progressivement, la discipline a évolué vers une implication active des universités, des musées cantonaux et autres autorités locales.
Nicole Pousaz ayant débuté son activité professionnelle alors que la discipline était en plein essor, puis l’ayant vue évoluer, résume sa mission en expliquant qu’elle ouvre des fenêtres sur le passé et permet ainsi de raconter des histoires. «Au fil du temps, nous avons appris à nous intéresser aux sociétés, sans nous limiter aux personnages historiques, et à documenter les modes de vie de la population», résume-t-elle.
Vaud pionnier
En raison de sa richesse archéologique, le canton de Vaud a été pionnier en matière de réglementation des fouilles et de conservation des vestiges.
En 1898, le canton s’est doté d’une législation spécifique, qui a servi par la suite de modèle aux autres cantons. Si elle ne présente pas de sites aussi connus qu’Avenches, capitale des Helvètes pendant trois siècles, la Cité de Calvin compte des sites intéressants, témoignant de diverses périodes historiques. Les fouilles sous la cathédrale Saint-Pierre, par exemple, ont permis de reconstituer l’histoire de la ville sur quinze siècles et mis en évidence l’émergence du christianisme et le développement d’un ensemble épiscopal de première importance sur le plan international.
Nathan Badoud, directeur du service cantonal d’archéologie, confirme qu’aujourd’hui, sa fonction est bien intégrée dans le processus d’aménagement du territoire. «Dès qu’ils sont soumis à notre département, les projets font l’objet d’une évaluation d’impact environnemental, mais aussi archéologique. S’ils concernent un secteur susceptible de révéler des vestiges, nous réalisons un diagnostic généralement sous la forme de sondages. Si ceux-ci sont positifs, nous effectuons un complément d’investigations avant de remettre le terrain aux responsables de l’aménagement, qui pourront entreprendre les travaux dans les délais prévus», résume Nathan Badoud.
Les archéologues excavent, documentent et relèvent les artefacts et structures découverts, qui sont soi- gneusement enregistrés à l’aide de dessins, de photographies, de relevés et de descriptions détaillées. Il peut s’agir d’éléments d’architecture, de céramiques, de vestiges humains ou même de pollens, qui permettent tous d’accroître les connaissances sur une période et de mieux la dater» continue Nathan Badoud.
Découvrir les coulisses du métier
Une étape importante consiste à estimer la valeur des découvertes sur les plans scientifique, historique et culturel. Si les vestiges sont significatifs ou s’ils peuvent être rendus accessibles au public, il peuvent être conservés in situ. Les plans de construction doivent alors être modifiés, bien que cela soit exceptionnel.
La plupart du temps, une fois la documentation terminée, le site est remblayé, tandis que les archéologues se chargent de restaurer et d’étudier les objets et les données prélevés pour la recherche future.
La phase d’étude et de publication et, plus largement, de sensibilisation, fait également partie intégrante du travail de l’archéologue. Dans le canton de Vaud, des Journées vaudoises de l’archéologie ont été instaurées pour offrir l’occasion de découvrir les coulisses du métier et d’échanger avec les chercheurs. Parmi les exemples d’actualité, de nouvelles découvertes sont attendues sur le site - déjà exploré en partie - de la colline du Mormont, qui abrite un sanctuaire celtique d’un genre inconnu et excite la curiosité de Nicole Pousaz.
Dans le canton de Genève, plusieurs campagnes de sondage prévues sur la commune de Bernex pourraient révéler des vestiges importants. Des recherches sont également en cours dans les eaux du Léman, pour assurer la protection de villages d’époque préhistorique aujourd’hui engloutis. Il ne faut jamais demander à ces passionnés s’ils sont frustrés de ne pas vivre des aventures aussi exaltantes qu’Indiana Jones: pour eux, le bonheur est dans n’importe quel terrain.
Il arrive que certains sites aient disparu, fortement détériorés par l’érosion. Heureusement, les archéologues peuvent faire parler les sédiments pour analyser les processus de formation des emplacements intéressants. Cette discipline récente permet de retracer la manière dont les sites ont été transformés par des processus naturels tels que l’érosion, les inondations et la sédimentation. Elle joue un rôle crucial pour améliorer la datation et le contexte des découvertes. Les méthodes utilisées sont la géochimie, la granulométrie ou l’analyse des strates. L’archéo-sédimentologie est intéressante en Suisse, car elle permet de mieux comprendre les conditions de vie et les changements environnementaux sur les sites lacustres.
Les surprises de l’Esplanade Saint-Antoine
Le quartier de Saint-Antoine a livré de nombreux vestiges, dont certains ont donné lieu à une mise en valeur particulièrement réussie. Entre 1993 et 1995, les fouilles réalisées à l’occasion de la construction du parking le long de la promenade Saint-Antoine ont débouché sur la découverte de niveaux datant des époques gallo-romaine, médiévale et moderne. Un important segment du bastion Saint-Antoine, apparu dans les travaux, a pu être conservé et intégré au parking. L’attention des archéologues s’est ensuite tournée vers l’esplanade, ce qui a permis de révéler d’autres vestiges d’importance. Les objets découverts en fouille ont été stabilisés et restaurés pour être conservés dans les locaux du service d’archéologie. Les plus importants d’entre eux ont été déposés au Musée d’Art et d’Histoire. Des expositions thématiques permettent de contextualiser les découvertes et de les intégrer dans une narration historique.
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