#Forum sécurité Mardi 28 mai, la FER Genève a vu défiler son lot de gradés de l’armée en uniforme. La première édition du Forum sécurité, initié par l’Union des sociétés militaires genevoises, a rassemblé des experts et décideurs pour échanger sur la stratégie de défense nationale et les défis sécuritaires.
«La sécurité est avant tout un sentiment et non un constat factuel. Il faut donc passer à l’évaluation de la sûreté de l’Etat et dépasser la perception que l’on peut avoir de la sécurité de notre environnement», commence Mauro Poggia, conseiller d'Etat, membre de la Commission de la politique de sécurité. La menace est réelle et nos moyens le sont moins, selon Laurent Michaud, commandant de Corps, chef du commandement des opérations et des engagements de l’Armée.
Des pays recourent à l’escalade pour instaurer un rapport de force. Les Etats occidentaux ont du mal à s’y préparer et les instances internationales parviennent difficilement à l’arbitrer. Les guerres et les tensions croissantes nécessiteront les ressources de l’Occident, mais elles sont amoindries par l’aide à l’Ukraine. Les indicateurs montrent que la Russie peut poursuivre la guerre longtemps. En 2024, 114 conflits armés de toute intensité sont en cours. Le nombre de décès liés aux combats a augmenté de 97% depuis 2022. «La réélection de Donald Trump et le retrait annoncé des Etats-Unis de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) auraient de loudes conséquences», estime Laurent Michaud.
Menaces multiples
L’espionnage, les actes de sabotage et les actions subversives ont augmenté de manière significative en Europe, en particulier en Europe de l’Est, ces deux dernières années. La Russie cherche à affaiblir l’OTAN et l’Union européenne (UE). «Elle y parviendra si l’Occident ne prend pas conscience de l’urgence stratégique dans laquelle elle se trouve», prévient Laurent Michaud.
L’un des défis posé à l’Europe est celui des espaces et de la technologie, complète Denis Mistral, général français de corps d’armée, gouverneur militaire de Lyon: «Aujourd’hui, on ne fait pas seulement la guerre sur terre, dans l’air ou sur mer, mais également dans l’espace extra-atmosphérique et dans le cyberespace.» Il évoque le défi des alliances et insiste sur la prise de conscience que la guerre est à nos portes. Parmi les menaces, Mauro Poggia pointe également l’islamisme radical ou la propagande par la désinformation, qui menace les institutions démocratiques.
Manque d’anticipation
Pour Laurent Michaud, l’Armée suisse a rempli ses missions, mais son équipement est insuffisant. «Nous devons investir les moyens nécessaires pour faire de notre armée de milice un instrument à la hauteur de nos besoins et éviter d’être pris au dépourvu», défend-il avant de mettre en garde: «Être surpris au niveau tactique est relativement fréquent dans l’histoire militaire. Se faire surprendre au niveau stratégique est une erreur fatale». «Nous sommes pris en flagrant délit de manque d’anticipation. Malgré la crise du covid-19, nous avons peu tiré les leçons sur les faiblesses inhérentes au fédéralisme», appuie Mauro Poggia avant d’admettre que «notre armée est sous équipée. Le parlement a eu le tort de reporter à 2030-2035 l’arrivée au seuil de 1% du PIB du budget consacré à l’armée. Il faut rattraper ce retard et faire des choix budgétaires».
Le renforcement de la coopération est nécessaire, estime Laurent Michaud. Elle permet de tester nos procédures d’engagement, de les comparer avec celles d’autres forces armées et d’acquérir de l’expérience. Sur le même ton, face à la menace actuelle, Denis Mistral insiste sur la nécessité d’une vision stratégique commune.
Approvisionnement économique
Le sentiment de sécurité ou d’insécurité a des effets sur les marchés et, partant, sur la stabilité économique. «La stabilité géopolitique et économique est le pilier sur lequel repose la société, les entreprises et le bien-être individuel», énonce François Rohrbach, directeur général Suisse de dsm-firmenich et président du Groupement des Entreprises Multinationales. Il est primordial de renforcer les échanges et les coopérations européennes et internationales, estime-t-il.
Il illustre ses propos avec l'exemple de son entreprise: «Afin de réduire l’impact des risques, dsm-firmenich met en place des plans de continuité, la qualification de sites de productions secondaires en cas de besoin ou l’optimisation des stocks de matières premières et produits finis critiques pour nos clients. Ces mesures peuvent réduire l’impact d’une crise, mais ne compensent pas une situation géopolitique instable». André Duvillard, ancien délégué du Réseau national de sécurité (RNS), met l’accent sur un point: la responsabilité primaire de l’approvisionnement du pays incombe à l’économie. «C’est lorsque l’économie n’est plus en mesure de fournir ce qui est nécessaire au bon fonctionnement du pays que l’Etat intervient avec des mesures dirigistes et impose des règlementations.» L’approvisionnement économique doit sortir de sa pensée en silo et de son fonctionnement bureaucratique pour devenir un instrument agile, estime-t-il. Les chaînes d’approvisionnement étant complexes, «il est illusoire de penser que nous serons un jour souverains sur l’ensemble de nos biens stratégiques. Il faut mener une réflexion pour réduire les risques et trouver des niches dans lesquelles nous pouvons avoir la souveraineté», recommande-t-il.
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