Marie-Hélène Miauton Publié vendredi 02 décembre 2022
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La générosité de l'État: la croissance de la gourmandise fiscale et ses conséquences sur le bien-être économique et culturel de la Suisse.
La générosité rend heureux !
Des chercheurs ont confirmé la théorie philosophique de l’eudémonisme (le but de l’action est le bonheur) en observant par imagerie médicale que des actes bienveillants stimulent dans le cerveau les zones liées à la récompense, qui modulent nos sensations de plaisir. Mais comment distribuer nos largesses alors que les ponctions fiscales sur le portemonnaie des administrés sont toujours plus lourdes ? Seul l’État est donc heureux, désormais ! C’est sans doute pourquoi il croît et se multiplie.
La quote-part fiscale de la Suisse ne cesse d’augmenter, étant passée de 27% du produit intérieur brut (PIB) en 2018 à 28,5% en 2021. En comparaison internationale, elle semble se situer en deçà de la moyenne, mais il ne faut pas pavoiser. En effet, economiesuisse relevait récemment qu’en ajoutant les primes d’assurance-maladie et les cotisations AVS, elle dépasse nettement la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Quant à la quote-part de l’État, soit le montant total des dépenses publiques rapporté au PIB, il était de 35,2% en 2021. Dès lors, tous les gens qui prétendent inutile de se préoccuper de politique voient échapper à leur contrôle plus d’un tiers de la richesse du pays.
Ils ont tort.
En toute logique, si l’État accapare une part substantielle de l’argent qui circule, il a besoin de nombreux employés pour la prélever et pour l’utiliser. La fonction publique augmente donc. Selon l’Office fédéral de la statistique, elle représentait quinze personnes pour mille habitants en 2015. Mais les cantons divergent en cette matière, puisque Genève en comptait vingt-trois pour mille habitants et Zurich seize, ce qui n’a pas dû s’arranger depuis. On lit parfois que la fonction publique soutient la croissance, alors qu’au contraire, elle la plombe. En effet, plus de fonctionnaires, c’est plus d’impôts pour la population, un risque d’étatisation larvée, un assèchement du personnel pour l’économie réelle, aggravé par les salaires élevés accordés par l’État (c’est fou ce qu’on est généreux avec l’argent des autres ).
C’est aussi un détournement démocratique, une prise de pouvoir sur le politique, une distorsion des prix et de la concurrence. Électoralement, c’est un réservoir de voix qui peut inciter au clientélisme. C’est aussi moins d’initiatives privées, tant l’État s’arroge de prérogatives économiques et culturelles. Pourtant, méfions-nous, car Alberto Moravia, écrivain brillant, observait que « pour gagner de l’argent, il faut une compétence, mais pour le dépenser, il faut une culture.». L’État n’est donc pas le mieux habilité à entretenir le monde des arts, alors que les mécènes et la population dans son ensemble le feraient à meilleur escient, en phase avec leurs propres goûts et en assurant la diversité des courants. Mais c’est un autre sujet.
La gourmandise fiscale de l’État est d’autant plus critiquable qu’elle ne s’applique qu’à une partie restreinte des administrés. En 2015, 23% des Vaudois, 25% des Jurassiens et 34% des Genevois ne payaient pas d’impôts sur le revenu. Cela signifie que le principe de la redistribution s’emballe et que toujours moins de personnes assument une charge toujours plus lourde. Au début, le concept était que les taux seraient progressifs, mais que presque tous payeraient quelque chose. Désormais, le nombre des exonérés vient changer la donne. C’est l’exemple du repas au restaurant. On était partis de l’idée que certains convives dépenseraient plus cher que les autres pour le même menu. Maintenant, certains versent pour deux et d’autres ne mettent plus du tout la main au portemonnaie. Ainsi, le fisc s’avère punitif pour la classe moyenne, de même que la plus aisée, et il en résulte une pénalisation de l’engagement citoyen et de la responsabilité individuelle.
Enfin, notons que les banques centrales américaine et européenne ont largement favorisé depuis une décennie cette course aux dépenses avec leur politique de l’argent gratuit.
En conséquence, l’endettement des États est devenu abyssal, même si, une fois encore, la Suisse se montre raisonnable, en raison du principe du frein à l’endettement que le peuple a voté. Il n’empêche que, ici aussi, certains cantons jouent les mauvais élèves. L’endettement brut de la Confédération s’élevait à 145% des revenus courants en 2021, mais il atteignait 204% à Genève, contre 43% à Zurich ! Cela se passe de commentaires…
N.B. Seuls les esprits malintentionnés feront un lien entre cette chronique et l’arrivée récente des taxations fiscales dans les boîtes aux lettres!
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