Lara Muehlethaler, présidente de Spedlogswiss Romandie.
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Steven Kakon
Publié jeudi 24 avril 2025
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#Spedlogswiss Romandie
L’association des transitaires et des entreprises de logistique a tenu son assemblée générale le 8 avril. Entretien avec sa présidente, Lara Muehlethaler.
Révision de la loi fédérale sur les douanes, numérisation des procédures douanière, promotion de la formation, mais aussi hausse des droits de douane aux Etats-Unis: la branche des transitaires est confrontée à de nombreux défis. Pour en parler, Lara Muehlethaler nous reçoit à Chavornay, dans les locaux de la société de transport Pesa dont elle est la directrice.
La loi fédérale sur les douanes est en révision avec pour objectif de simplifier, d’uniformiser et de numériser les processus et systèmes douaniers. Quels sont les enjeux pour les transitaires?
Nous sommes dans l’attente de la publication de la consultation des nouvelles lois, propositions de lois et règlementations qui vont être mises en place. Elles peuvent avoir un impact vital sur notre métier.
Est-elle globalement perçue favorablement ou défavorablement par vos membres?
Nous ne sommes pas contre. Nous sommes pour la globalisation, la numérisation et la facilitation de certaines procédures archaïques. Cependant, la bonne option n’est pas de tout rationaliser.
Les entreprises d’import-export ne devraient pas pouvoir déléguer le dédouanement des colis aux clients. C’est ce qu’a décidé le Conseil des Etats en décembre dernier, qui n’a pas suivi le Conseil national sur ce point. Est-ce une victoire pour Spedlogswiss?
Oui, car cela permet aux transitaires d’exercer leur métier et d’avoir des informations exactes sur leurs importations ainsi que d’assurer une fluidité dans la gestion de ce qui entre et qui sort du pays. C'est également une victoire pour les consommateurs.
Pourquoi?
Si la responsabilité est attribuée au client, il peut y avoir un grave problème logistique. Même si chacun est responsable de ce qu’il commande et fait entrer dans le pays, si des colis traînent en raison d’un non-paiement de TVA par exemple, les paquets en attente pourraient créer des engorgements et nous ne pourrions pas assurer les livraisons. Il y aurait aussi des frais supplémentaires pour le consommateur. L’enjeu tient aussi à l’exactitude des données sur ce qui entre dans le pays. Aujourd’hui, elles sont disponibles sur le site de l’Office fédéral de la statistique, or, avec cette proposition, nous n’aurions plus de données exhaustives servant d’indicateurs pour l’économie.
Dans le projet de révision de la loi, il est prévu d’amender l’article relatif à l’obligation de déclarer, qui devrait non plus concerner toutes les marchandises importées ou exportées, mais seulement celles soumises aux droits de douane. Est-ce un problème?
Oui, encore une fois, le risque est de ne plus savoir précisément ce qui entre dans le pays. En Suisse, nous avons un certain protectionnisme avec des droits de douane et contingents, même si des produits en sont exemptés. Si on devait seulement déclarer ce qui est soumis aux droits de douane, nous n’aurions plus l’amplitude des informations que nous avons actuellement.
Quels seraient les effets d’une forte hausse des droits de douane aux Etats-Unis pour votre secteur?
Dans notre métier, nous sommes constamment amenés à devoir trouver des solutions. Nous allons essayer d’anticiper autant que possible la situation, quitte à faire affréter des avions en urgence. Si on passait de 0% à 31%, l’impact serait énorme et certains marchés pourraient disparaître. C'est un danger pour toute une partie des PME suisses.
Le système de gestion numérique de trafic des marchandises PASSAR est en service depuis quelques mois. Quel est son bilan?
Le processus a été laborieux à mettre en place, tant pour la douane que pour nous. Il y a eu la barrière de la langue, car beaucoup d’informations nous ont été communiquées en allemand. Nous avons heureusement toujours eu un accompagnement de la douane locale à Genève et dans le canton de Vaud. Nous ne sommes pas encore pleinement satisfaits du système, mais des améliorations sont à venir et nous travaillons de manière collégiale avec l’administration fédérale. Le nouveau système est actuellement en vigueur seulement pour l’exportation. Dans le principe, un camion ne passe plus une douane, mais une frontière, et il existe une traçabilité par rapport à l’endroit où il se trouve.
Et pour les importations?
PASSAR ne leur est pas encore appliqué, nous devrions recevoir des informations d’ici peu sur sa mise en place.
Le système de traitement des déclarations douanières présente parfois des lenteurs. Comment y remédier?
Je ne peux pas parler au nom de la direction générale des douanes, mais en tant que transitaire, je confirme qu’il y a des ralentissements. L’harmonisation du flux d’information au sein de la douane est difficile. Certaines entreprises traitent avec plusieurs douanes en même temps et il est arrivé que chaque bureau ait une version différente de la cause d’un problème. Certains bureaux n’appliquent pas ou n’autorisent pas de procédures de secours alors que d'autres oui. Cela prend du temps de remonter à la source du problème. Or, les transitaires aimeraient que tout aille vite étant donné leurs contraintes temporelles et contractuelles avec les clients.
Vous avez mis en place une campagne de promotion de la formation depuis mars 2025. La branche peine à engager de nouveaux apprentis?
Oui, c’est une question qui nous préoccupe beaucoup. Lors de la rentrée de septembre 2024, nous n’avons compté que six inscrits à l’apprentissage d'employé de commerce en option logistique et transports internationaux pour toute la Suisse romande. Ce n’est pas suffisant pour subvenir aux futurs besoins. On peine aussi à trouver des sociétés formatrices, car toutes ne disposent pas de places de travail, de l'infrastructure ou d’assez de personnel pour former les apprentis. Nous encourageons nos membres à en recruter et à partager leur passion. Beaucoup d’entre eux le font déjà.
Sur quels leviers travaillez-vous pour attirer de nouveaux talents?
Nous travaillons avec une agence de communication afin de pouvoir toucher tous les cantons romands. Nous communiquons aussi sur qui nous sommes et sur ce que nous faisons. Nous sommes également plus présents dans les écoles pour déclencher de l’intérêt chez les jeunes qui vont commencer leur apprentissage à 16 ans. Il faut déjà s’adresser à eux lorsqu'ils ont 12 ou 13 ans.
Comment rendez-vous la branche attrayante?
En partageant nos expériences, à l’aide d’images. Notre métier est méconnu. On importe certes des habits et du matériel, mais nous pouvons aussi dédouaner ou transporter un ours qui va séjourner dans un parc ou importer un requin dans un aquarium!
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