Un projet de révision disputé 3/3

La révision discutée engendrerait une plus grande insécurité juridique.
La révision discutée engendrerait une plus grande insécurité juridique.
Pierre Cormon
Publié mardi 10 octobre 2023
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#Loi sur les cartels Changement de pratique du Tribunal fédéral.

Inquiète du changement de pratique du Tribunal fédéral et de la COMCO, une majorité du parlement a adopté une motion du conseiller aux Etats Olivier Français (PLR/VD). Celle-ci demande que, pour qualifier un accord d'illicite, les autorités se fondent sur le contenu de l'accord et sur ses effets sur le marché. Bref, que l'on revienne à la situation qui prévalait avant l'arrêt Gaba. Tenu de la mettre en œuvre, le Conseil fédéral a transmis en mars au parlement un projet de révision de la Loi sur les cartels (LCart). Il précise notamment que les consortiums permettant de renforcer la concurrence ne tombent pas sous le coup de la loi, et que la licéité d'un accord s'apprécie aussi bien à l'aide de critères qualitatifs (contenu de l'accord) que quantitatifs (effets dans la réalité).

Critique

Le même Conseil fédéral critique pourtant vertement cette dernière mesure dans son rapport explicatif - une situation inhabituelle. La loi permet déjà aux entreprises d'échapper à une sanction si elles parviennent à montrer qu'un accord se justifie par des motifs d'efficacité économique. «Ils ne sont pas systématiquement illicites», remarque-t-il.

La révision engendrerait en revanche une plus grande insécurité juridique, un surcroît de travail pour les autorités et rendrait les procédures administratives plus complexes pour les entreprises, argumente-t-il.

Arguments contestés

Ces arguments sont contestés. «Je ne suis pas convaincu par un argumentaire qui refuse une adaptation législative parce que cette dernière pourrait mener à des analyses économiques plus approfondies de l'administration et des tribunaux», estime Patrick Krauskopf. «Il sied de rappeler que ce «surcroît» de travail s'inscrit dans des procédures qui peuvent aboutir à des amendes se chiffrant en centaines de millions de francs.»

On peut également échapper à une sanction en montrant qu'un accord est justifié d'un point de vue économique, mais il s'agit d'«un renversement du fardeau de la preuve», a estimé la Fédération des Entreprises Romandes lors de la procédure de consultation. Ce n'est plus aux autorités de montrer qu'une entreprise enfreint la loi, mais à celle-ci de prouver qu'elle ne le fait pas.

Exagération

Enfin, dire que la révision créerait de l'insécurité juridique paraît très exagéré: la motion «demande en réalité un retour à une pratique qui a fait ses preuves», poursuit la Fédération des Entreprises Romandes. «Je n'ai pendant mon mandat à la COMCO guère entendu que la pratique du Tribunal fédéral pré-GABA aurait créé une situation d'incertitude juridique», ajoute Patrick Krauskopf.

La balle est maintenant dans le camp du parlement.

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